À la rencontre de Jennifer Podemski
Cet article fait partie d'une série de sept portraits de créatrices et créateurs qui inspirent, publiée initialement dans le rapport annuel 2022 du FMC.
Jennifer Podemski a toujours voulu raconter des histoires autochtones, tant à la télé qu’au cinéma.
L’actrice, autrice et productrice est bien connue pour ses performances sur le grand écran, notamment dans Dance Me Outside et Empire de la saleté, et au petit écran, dans The Rez, Moccasin Flats et Blackstone.
Son plus récent projet, la série télévisée Little Bird, dont elle est la créatrice et autrice-productrice, est inspiré de sa propre vie. Il constitue sans contredit son projet le plus personnel à date.
Le père de Jennifer Podemski est Juif, sa mère est d’origine Anishnaabe, lenni lenape et métisse. Cette double identité culturelle a servi de point de départ. Little Bird met en vedette Darla Contois dans le rôle de Bezhig Little Bird, une jeune femme issue de la réserve de Long Pine, en Saskatchewan, enlevée de chez elle à l’âge de cinq ans et adoptée par une famille juive de Montréal qui la renommera Esther Rosenblum. Maintenant dans la vingtaine, Little Bird se met à la recherche de sa famille perdue et retourne dans les Prairies pour renouer avec son passé. Cette quête la forcera à confronter le traumatisme laissé par la Rafle des années 1960, une politique gouvernementale raciste qui a laissé ses traces.
Il a fallu six ans à Jennifer Podemski et à sa cocréatrice et co-autrice Hannah Moscovitch pour voir Little Bird se concrétiser — des efforts qui auront valu la peine.
«Nous travaillons sur ce projet depuis longtemps», confirme Jennifer Podemski, au bout du fil depuis Barrie, en Ontario, où elle vit et travaille. «Il a connu plusieurs formes, comme c’est le cas pour la plupart des histoires en développement, mais je peux dire que le parcours jusqu’au tournage a été à la fois confrontant, gratifiant et émotif, et que mon expérience de vie personnelle s’est manifestée à plusieurs moments.»
La série en six épisodes, qui sera diffusée sur Crave et APTN lumi à partir de ce vendredi 26 mai, incarne tout à fait le type de projet que le Fonds des médias du Canada (FMC) est fier de financer: une histoire puissante racontée avec profondeur.
«Le FMC fait toujours partie du processus. Pour ce projet tout particulièrement, sa participation a été très importante, explique la créatrice. Le FMC a soutenu chacun de mes projets. Il représente une partie considérable du tissu des récits canadiens. Je ne sais pas comment je ferais mon travail sans ce support.»
En 2018, Jennifer Podemski a reçu le prix d’excellence de l’ACTRA pour son travail comme actrice et productrice, et pour son engagement envers la formation de talents autochtones dans l’industrie cinématographique et télévisuelle canadienne. Cet engagement s’est d’ailleurs poursuivi pendant le tournage de Little Bird au Manitoba.
«Depuis le début de ma carrière, je m’investis pour former de jeunes Autochtones afin qu’ils prennent leur place dans ce secteur, parce que nous sommes tellement sous-représentés, déplore-t-elle. Sur la production de Little Bird, il y avait des stagiaires dans chaque département qui s’occupaient d’une variété de tâches. Et nous avons aussi mis un bon nombre d’actrices et acteurs non professionnels issus des communautés devant la caméra. Ces personnes ont appris sur le tas et elles ont été fabuleuses.»
«Et ce projet se démarque vraiment, car nous avions deux réalisatrices autochtones, Elle-Máijá Tailfeathers et Zoe Hopkins, et j’en étais l’autrice-productrice. Je n’ai jamais participé à un projet mené par une équipe créative entièrement autochtone sur le plateau.»
Au cours des dernières années, un nombre grandissant de films et d’émissions autochtones ont pris l’affiche, dont Les voleurs de la nuit, Blood Quantum et Trickster, des productions encensées par la critique. La lutte pour présenter des histoires autochtones au public n’est pas terminée, mais cette tendance conforte néanmoins Jennifer Podemski.
«Je sens vraiment qu’il y a eu une masse critique au cours des quelques dernières années, malgré la pandémie de COVID-19», affirme-t-elle.
«Je le mesure lorsque j’entame un projet et que je parcours ma liste de personnes à interviewer ou à embaucher. La plupart des gens que je contacte sont occupés sur d’autres productions ou sur leurs propres projets. C’est le signe que nous sommes en train de renforcer notre capacité à prendre part au métier, et rien ne me rend plus heureuse et enthousiaste que de voir des gens avec qui j’ai travaillé et bûché si fort durant tant d’années réaliser leurs propres projets. Je ne pouvais pas espérer mieux.»