À la rencontre de Shabnam Rezaei
Née en Iran, Shabnam Rezaei habitait tout près du World Trade Center, à New York, au moment des événements du 11 septembre 2001. En plus de vivre les attaques ce jour-là, elle a été témoin dʼune de leurs répercussions directes: la montée de la haine envers les gens originaires du Moyen-Orient, dont lʼIran.
« Ça ne mʼa pas plu du tout qu’on traîne ma culture et mon pays dans la boue », se souvient-elle.
Elle a senti le besoin de transformer le discours et de montrer le peuple iranien sous un meilleur angle.
Alors, elle a quitté son emploi sur Wall Street pour fonder avec son mari, Aly Jetha, Big Bad Boo Studios, boîte dʼanimation de réputation mondiale, primée et située à Vancouver depuis 2010.
« Jʼai réalisé que mon travail pourrait avoir une plus grande incidence si je mʼadressais aux enfants », avoue-t-elle au cours dʼun appel Zoom depuis Vienne, où elle s’est installée avec sa famille pour gérer les bureaux autrichiens du studio.
La mission de Big Bad Boo est de « contribuer à élever des enfants qui ont les yeux ouverts sur le monde » par lʼentremise dʼune vaste gamme dʼémissions, diffusées en 15 langues et dans plus de 120 pays. Par exemple, la série 16 Hudson présente des enfants et leurs familles dʼorigines diverses habitant le même édifice à appartements dans une grande ville. Quant à lʼémission The Bravest Knight, elle met en scène un chevalier et un prince élevant ensemble la fillette quʼils ont adoptée. Le studio travaille aussi sur la série Judge Johdi, dans laquelle une enfant-juge décortiquera quelques concepts juridiques pour l’auditoire.
« En tant que studio canadien, nous essayons de faire preuve dʼaudace et dʼouvrir la voie en créant des personnages et des histoires qui ne faisaient pas partie du paysage télévisuel jusquʼà maintenant. Nous voulons aussi donner la parole aux gens marginalisés, explique Shabnam Rezaei. Heureusement, nous pouvons compter sur des diffuseurs qui nous permettent de produire ce type de contenus. Dans beaucoup de pays, il nʼexiste même pas de mots pour décrire une grande partie de ce que nous faisons. »
Selon Shabnam Rezaei, le succès de Big Bad Boo repose sur le travail de ses artistes à lʼanimation et à la scénarisation, ainsi que de son personnel déterminé. Elle ajoute que le soutien continu du FMC permet le développement et lʼavancée de quantité des projets mis en branle par le studio. « Je ne serais pas ici sans l’apport du FMC », dit-elle sans détour.
Shabnam Rezaei se remémore ses débuts, alors quʼelle cherchait des diffuseurs, et que plusieurs lui répondaient que ses personnages et histoires sʼinscrivaient dans « un créneau trop restreint ».
« Récemment, jʼagissais comme modératrice avec une tête dirigeante de Disney lors dʼun événement du MIPCOM, mentionne-t-elle. Cette personne a dit une phrase que je nʼoublierai jamais : “Les créneaux sont universels.”» Ce qui était considéré comme “trop restreint” il y a quelques années est aujourdʼhui désiré et recherché. Authenticité et inclusion sont deux mots en vogue, mais à lʼépoque, tout ce que nous voulions chez Big Bad Boo, cʼétait de raconter nos histoires et de donner la chance à d’autres de raconter les leurs. »
Par Ingrid Randoja. Cet article a été initialement publié dans le Rapport annuel 2022-2023 du Fonds des médias du Canada.