Clics et reconnaissance pour les artistes de la création numérique

Au début, personne ne savait vraiment comment les appeler, ces contenus publiés par des quidams sur diverses plateformes, de Tumblr à YouTube en passant par des blogues personnels.

D’abord sont arrivés les tutoriels de maquillage, les critiques de produits, les commentaires sur les jeux vidéo et les séances de «unboxing» ou de déballage de paquets. Puis, plus récemment, nous avons vu arriver des formats que nous connaissons davantage, comme de courtes vidéos humoristiques, des entrevues et des mini documentaires. La démocratisation de la production médiatique a vu beaucoup d’éléments nouveaux s’ajouter à l’équation: non seulement cet afflux de contenus était inédit, de nombreux genres l’étaient aussi.

Le CGU, contenu généré par l’utilisateur·trice, est devenu un acronyme couramment utilisé pour désigner le contenu fait de manière autonome par des gens de leur chambre à coucher ou avec un téléphone au bout d’une tige à égoportrait. Aujourd’hui, le contenu numérique produit par des millions de personnes est une véritable industrie qui génère des milliards de dollars dans le monde entier et qui emploie, selon des estimations, l’équivalent temps plein d’environ 10 000 à 20 000 créateur·trices au Canada. Du côté de la consommation, le temps que passent les adolescent·es américain·es à visionner des vidéos sur YouTube a pour la première fois éclipsé le temps passé sur Netflix.

Pour une analyse approfondie des plus récentes données sur la création numérique et son public, rendez-vous sur le site du FMC.
PERSPECTIVES AUTOMNE 2023
PERSPECTIVES - AUTOMNE 2023

L’économie des créateurs et créatrices désigne cet écosystème de créateur·trices, de plateformes, d’entreprises technologiques et d’agences de marketing et de publicité. Il s’agit du thème du rapport Quand l’écran pivote (automne 2023) qui se retrouve dans la dernière édition de Perspectives, une publication du FMC. Données à l’appui, le rapport dessine les contours de l’économie des créateur·trices numériques, se penche sur l’explosion de la créativité dans la production de contenu numérique au Canada et offre les points de vue d’universitaires et de gens de l’industrie de premier plan du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie.

Si vous n’avez jamais tenté de produire du contenu numérique, vous croyez peut-être qu’il suffit d’une idée, d’un appareil doté d’une caméra et d’une connexion à Internet. Mais la réalité est tout autre: créer de manière constante du contenu qui plaît aux publics et leur donne envie de le commenter et de le partager est un boulot qui demande un esprit entrepreneurial, beaucoup d’initiative et de discipline, et des heures et des heures de travail en solitaire. «Quand on est créateur ou créatrice numérique, il n’y a personne d’autre. On est majoritairement seul pour regarder huit heures de contenu de notre face, pour faire un premier montage, puis un deuxième, puis pour chercher la photo à utiliser en vignette», a exposé Carley Thorne lors d’une discussion tenue pendant le récent événement Digital First Canada Summit, durant le Festival Buffer.

Panel du FMC au Buffer Fest, de gauche à droite:: Florence Girot (cheffe principale, prospective et innovation FMC), Carley Thorne, Chris Rizzi et Fred Batien. Crédit photo: Chantale Viens/Buffer Fest

Pendant la pandémie, alors qu’elle ne pouvait pas se produire en spectacle, Carley Thorne, qui se décrit sur sa chaîne YouTube comme «juste une fille avec beaucoup d’opinions», a commencé à publier des vidéos où elle commente diverses choses. Dans sa vidéo la plus populaire, elle donne son avis sur l’autobiographie du prince Harry.

À la fin de 2023, avec plus de 330 000 abonné·es et près de 20 millions de visionnements sur YouTube, Carley Thorne se consacre maintenant à temps plein à la création et la consultation en matière de contenu numérique. Elle compte CBC, diverses marques et des tournées d’humour parmi sa clientèle.

À ses côtés pendant la discussion se tenait Fred Bastien, un Montréalais YouTubeur depuis près de 10 ans. Les visionnements sur son contenu francophone proviennent à 30 % de la France et de la Belgique, et ce, «malgré l’accent», a souligné avec ironie celui qui a été formé dans les médias traditionnels. D’ailleurs, alors qu’il travaillait en télévision, ses patrons ont souvent refusé ses idées. «Maintenant, c’est le public qui est juge, a-t-il fait valoir. On peut aller directement vers lui et apprendre, puis se corriger pour la prochaine fois. On peut choisir notre propre distribution et monétisation, que ce soit YouTube, TikTok, des infolettres, Patreon, PayPal. Internet nous laisse faire tout cela, sans intermédiaire.»

Récemment, le FMC lançait le Programme pilote pour la création numérique (PPCN) pour soutenir les créateur·trices numériques en mi-carrière à faire croître leur petite entreprise. « Le programme a été créé à la suite de consultations avec des créateurs et créatrices de contenu, les plateformes qu’ils et elles utilisent et les gens qui travaillent avec elles et eux, explique Janine Steele, directrice des médias numériques interactifs au FMC. «Et maintenant 30 à 50 % du contenu hebdomadaire que les Canadiennes et Canadiens consomment provient de la création numérique, nous voulons soutenir les bonnes histoires, peu importe où les publics canadiens iront les trouver.»

Ce nouveau programme pilote place le Canada en compagnie d’autres pays ayant décidé de porter attention à l’économie de la création numérique en pleine expansion. Screen Australia, l'organisme gouvernemental fédéral australien qui finance les industries de l'écran, en est à la dixième année de son initiative Skip Ahead, qui vise à aider les créateur·trices numériques ayant une audience existante sur YouTube à élargir leurs ambitions créatives et leurs valeurs de production, et à «faire avancer» leurs carrières. En entrevue pour le rapport Quand l’écran pivote du FMC, dans le tout premier numéro de Perspectives, Lee Naimo, le directeur des activités en ligne de Screen Australia, a expliqué que l’organisme tenait à être réceptif et réactif quant à la direction que les créateur·trices veulent donner à leur carrière. « Parfois, leur désir est de s’éloigner des plateformes en ligne, comme ce fut le cas de la série Deadloch sur Amazon Prime, et parfois, c’est de continuer à faire grandir l’entreprise, comme l’a fait Glitch Productions avec l’émission Meta Runner, qui est diffusée sur YouTube. »

La reconnaissance des organismes de financement de l’industrie est une chose, mais la satisfaction que tirent les créateur·trices du fait de voir leur activité reconnue en est une autre. « On sent que, pour la première fois ou presque, ce n’est pas un secret honteux que d’être créateur de contenu numérique », a fait remarquer Carley Thorne à cet événement de création numérique au festival Buffer 2023. « J’avais l’habitude de mentir aux chauffeurs Uber qui me demandaient ce que je faisais dans la vie. C’était comme : “Je suis avocate, ok ?” », a-t-elle raconté avec autodérision. « Maintenant, c’est un travail respecté. »

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Pour approfondir le sujet de l’économie de la création numérique au Canada et autour du monde, consultez le rapport Quand l’écran pivote, dans le tout premier numéro de Perspectives, une publication du FMC.

Pour en savoir plus sur le tout nouveau Programme pilote pour la création numérique du FMC, c’est par ici.


Leora Kornfeld
Jusqu’à présent, Leora Kornfeld a été vendeuse dans un magasin de disques, animatrice à la radio de la CBC, rédactrice de cas à la Harvard Business School, blogueuse et cruciverbiste chevronnée. Elle est actuellement consultante en médias et en technologies et travaille avec des clients américains et canadiens.
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