Coproduction: La ruée sud-africaine vers l’or, vue par les minorités

The Rush est une prometteuse série d'aventures dramatiques se déroulant à l’époque de la ruée vers l’or sud-africaine, à la fin du XIXe siècle. Elle suit un petit groupe disparate de personnages réunis par le hasard tandis que chacun tente d’atteindre ses propres objectifs.

Cette série est en développement grâce à la mesure incitative Canada-Afrique du Sud pour le codéveloppement, fruit d’une collaboration entre le Fonds des Médias du Canada et la National Film and Video Foundation (NFVF) pour financer la cocréation de projets télévisuels entre producteurs du Canada et de l’Afrique du Sud.

LES AVENTURES DE CINQ NÉGLIGÉS

Martin Chan, Canadien d'origine chinoise, arrive en Afrique du Sud après avoir travaillé sur le chantier du chemin de fer canadien, et il rêve de mettre la main sur une mine d’or.  

Lara Meintjies, Afrikaner dont l’époux est décédé récemment, a besoin d’argent pour racheter la terre familiale.

Bhekuzulu, célèbre guerrier zoulou qui a pris part à la bataille d’Isandlwana, essaie de gagner de l’argent pour payer la taxe sur sa hutte dans le KwaZulu-Natal.

Cole Carrigan, ancien membre de la police montée au passé sombre, a pris sous son aile la jeune Kimi, voyageuse clandestine de 15 ans de descendance autochtone qui s’est sauvée de son école de réforme au Canada.

«Ces cinq personnages forment notre bande de héros hétéroclite. Ils doivent constamment composer avec des conflits, tandis qu’ils tentent de faire leur chemin dans un monde connu pour être très dur envers les minorités et les immigrants. Le tout en travaillant avec obstination pour découvrir de l’or et se retrouver en position de pouvoir», explique Josh Rous, co-propriétaire de Rous House Productions, la compagnie sud-africaine derrière The Rush.

Josh Rous, co-propriétaire de Rous House Productions

«Ils sont prêts à tout risquer. Dès le début du premier épisode, ils découvrent un gigantesque filon d’or sur une terre dont personne d’autre ne connaît l’existence pour l’instant. Ils ne possèdent pas encore cette terre, mais ils savent qu’ils sont les seuls à la connaître. Ils doivent prendre une décision : se feront-ils confiance mutuellement pour tenter de s’emparer ensemble de cet or?»

Déterminés à acquérir la terre, ils investissent le peu d’argent qu’ils possèdent, mais ils se rendent bien vite compte qu’extraire de l’or est beaucoup plus difficile et coûteux qu’ils l’auraient cru.

L’AFRIQUE DU SUD, AU-DELÀ DE L’APARTHEID

Grands amateurs des films de la saga Indiana Jones, les frères Josh et Luke Rous tenaient à mettre en scène une histoire d’aventure se déroulant à l’époque de la naissance de leur ville natale. «La plupart des récits historiques à propos de l’Afrique du Sud traitent de l’apartheid et tentent d’expliquer cette partie sombre de notre histoire, mais il pourrait être encore plus intéressant de reculer davantage dans le temps pour découvrir où les graines de l’apartheid ont été semées, c’est-à-dire principalement dans un environnement économique», lance Josh Rous.

«À cette époque, [Johannesburg] était le far west […] Nous étions curieux de découvrir ce qui a d’abord attiré les gens à Johannesburg et quels types de personnes avaient le courage et la détermination nécessaires pour venir dans cet endroit, qui devait être très inhospitalier […] Ça nous a donné ce que nous pensions être une toile de fond parfaite pour créer des personnages intéressants et à l’esprit aventurier provenant de divers horizons», ajoute-t-il.  

L’IMPORTANCE DES COPRODUCTIONS INTERNATIONALES

Comme ce projet historique offrira de nombreuses scènes d’action, dont des courses de chevaux, et qu’il faudra également reproduire la Johannesburg de la fin du XIXe siècle, le budget alloué sera important.

«L’industrie télévisuelle sud-africaine ne bénéficie pas de très gros budgets, alors ce type de projet ne peut pas voir le jour sans l’aide d’investisseurs étrangers […] Dès le départ, nous savions que ce serait une production internationale, et nous avions une bonne relation avec le Canada. Mon frère [et partenaire d’affaires] Luke a participé au TIFF (le Festival international du film de Toronto) ainsi qu’à plusieurs autres événements cinématographiques au Canada», explique Josh Rous.

Kyle Irving, chef de la production et producteur exécutif chez Eagle Vision

Le scénario a pris forme lorsque la compagnie de production manitobaine Eagle Vision s’est jointe à l’équipe. «Ça nous a pris un bon moment avant de trouver quelqu’un qui était aussi enthousiaste que nous à propos de ce projet, et [l’équipe d’Eagle Vision] semble avoir une vision similaire à la nôtre quant à la représentation des minorités à une époque particulièrement intransigeante envers elles.»

UN PASSÉ COMMUN

Selon Kyle Irving, partenaire, chef de la production et producteur exécutif chez Eagle Vision, les deux sociétés de production voulaient s’assurer «de ne pas se contenter d’écrire un scénario qui permettrait simplement d’obtenir du financement. Nous voulions présenter une histoire mettant en vedette des personnages pertinents dont les récits seraient évocateurs pour les deux pays», dit-il.  

Les scénaristes se sont donc penchés sur le passé commun du Canada et de l’Afrique du Sud, et en particulier sur l’incidence de la ruée vers l’or et de la colonisation sur les peuples autochtones des deux territoires.

Une part importante de leur travail a consisté à collaborer avec des historiens canadiens et sud-africains pour en apprendre davantage sur les événements du passé tels que perçus par les autochtones et les minorités.

«Je suis un Sud-Africain blanc et j’ai suivi des cours d’histoire au secondaire, mais on nous en a évidemment servi une version aseptisée, qui présentait un portrait édulcoré de l’apartheid, raconte Josh Rous. C’est plutôt difficile pour les Sud-Africains, et pas seulement pour les Blancs, d’avoir une idée juste de notre histoire collective. Comme l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs, notre conception d’où nous venons et de ce qui s’est réellement passé est biaisée.»

Rebecca Gibson, partenaire, cheffe du développement et productrice exécutive chez Eagle Vision, raconte que le personnage de Kimi, la jeune femme de 15 ans de descendance autochtone qui s’est enfuie de son école de réforme au Canada, offre « un portrait fidèle de la réalité: l’évolution de ce personnage est tirée directement d’un pan de l’histoire canadienne que j’ignorais.»

Rebecca Gibson, cheffe du développement et productrice exécutive chez Eagle Vision

«Collaborer avec des historiens pour saisir tous les détails de ces perspectives historiques dont nous ne savions rien est l’une des parties les plus plaisantes [de ce projet]. Nous avons encore beaucoup de travail devant nous et, pour faire les choses correctement, nous devrons collaborer avec davantage d’historiens pour découvrir encore plus de perspectives, afin que, pour la toute première fois, un portrait juste soit fait de ces événements», ajoute Rebecca Gibson.

À l’automne 2020, les scénaristes ont travaillé en ligne pour élaborer la trame narrative et développer les personnages. «C’était extraordinaire, lance-t-elle. Les scénaristes, dirigés par Meren Reddy, le directeur de série, étaient si efficaces et autonomes que j’en suis presque venue à penser que c’était mieux qu’ils travaillent en ligne […] Pas de temps perdu à bavarder. Les séances étaient électriques, très intenses et exhaustives.»

SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT D’HISTOIRES INÉDITES

Selon Kyle Irving, les programmes comme la mesure incitative Canada-Afrique du Sud pour le codéveloppement sont essentiels pour que des projets qui peinent à trouver du financement puissent éventuellement se faire une niche.

«Sans ces programmes, de tels projets ne remonteront jamais à la surface et ils ne seront pas vus. […] Des histoires passionnantes ne seront pas racontées et des voix ne seront pas entendues. Si ce n’était du soutien d’organismes comme le FMC et la NFVF, personne ne découvrirait ces histoires. Nous avons ici un exemple parfait de ce qu’il est possible d’accomplir lorsque de telles ressources sont mises à la disposition des créateurs indépendants», ajoute-t-il.

«Quand la rédaction sera terminée, dit Kyle Irving, il faudra passer à l’étape suivante, soit créer un démo ou un élément visuel pour accompagner notre argumentaire de vente. Ensuite, restera à le présenter sur le marché, quand celui-ci rouvrira, peut-être plus tard cette année, puis à le montrer à des diffuseurs internationaux.» Selon Irving, dans le meilleur des cas, la production pourrait commencer en 2022.

«Je suis très heureuse d’avoir en main un projet aussi solide, ajoute Rebecca Gibson. Si les diffuseurs de contenus en continu commencent à s’intéresser davantage au contenu canadien, et à mon avis ils devraient, je crois que ce produit s'insèrera bien dans ce type de programmation. C’est le genre de série que les gens voudront regarder en rafale. Je suis moi-même impatiente de la dévorer.»


Rime El Jadidi
Rime El Jadidi est la rédactrice en chef adjointe de Futur et médias Elle a précédemment collaboré avec Inspirit Foundation, BIPOC TV and Film et le Bureau de l'écran des Noirs. Rime a fait ses débuts dans le journalisme et parle cinq langues.
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