Femmes dans les médias et les technologies: du constat aux initiatives
Il existe de nombreuses ressources pour soutenir les femmes dans les médias et les technologies (voir la liste en fin d’article), mais la parité est toujours loin d’être gagnée au Canada. Des productrices et des cheffes d’entreprises offrent quelques pistes de solutions.
Dernière mise à jour: 7 mars 2018
En 2016 et 2017, des organisations phares comme l’ONF, Téléfilm, la SODEC, la CBC et le FMC avaient annoncé vouloir atteindre la parité d'ici 2020 dans le secteur du cinéma et de la télévision.
Un an plus tard, ces initiatives semblent porter fruit. Près de la moitié des oeuvres à l'ONF sont maintenant réalisées par des femmes. De plus, les projets menés par des femmes et financés par Téléfilm ont doublé de 2015 à 2017.
Néanmoins, il reste encore beaucoup de travail à faire.
Des statistiques accablantes
Il faut dire que les résultats de nombreuses études sur la place des femmes dans l’industrie ne sont guère reluisants. Au pays, les hommes réalisent plus de 84 % du contenu télévisuel ou cinématographique. Ce déséquilibre se poursuit devant les caméras : une étude américaine a analysé le genre des personnages dans les 900 films de 2016 ayant généré les profits les plus élevés. Seulement 31,4% des personnages ont été interprétés par des femmes.
En jeu vidéo, une industrie marquée par le #Gamergate où les propos misogynes fusaient sur les médias sociaux, les femmes n’occupent que 16 % de tous les emplois au pays.
C’est une situation qui est un peu mieux du côté des géants de la technologie : dans le cas de Google et Facebook, les femmes représentent 33 % du personnel.
Enfin, dans l’univers de l’entrepreneuriat, les femmes demeurent aussi minoritaires. Au Canada, elles ne dirigent qu’une fraction des PME : elles sont à la tête de 17 % des PME de moins de 5 employés, mais elles ne dirigent que 4 % des PME de 100 à 500 employés. D’ailleurs, elles ont accès à moins de capital de démarrage que leurs homologues masculins.
Sexisme au quotidien
Interrogées sur ce qui explique ces faibles pourcentages, Archita Ghosh, productrice exécutive d’E*D Films, et Norma Rossler, présidente et cheffe de la direction financière pour Blot Interactive, s’accordent sur la présence d’un sexisme parfois caché, mais récurrent dans l’univers des médias et des technologies.
Se faire prendre pour la femme de leur associé, se faire ignorer par des clients lorsqu’elles répondent à des questions techniques, se faire parler de manière condescendante, entendre des commentaires désobligeants sur l’apparence des femmes – les exemples abondent.
« Même le vocabulaire est erroné, explique Ghosh. En parlant de succès, on s’expose au risque d’entendre des choses de la sorte “Vous devez systématiquement jouer le rôle de la femme séduisante dans la pièce si vous voulez que tout le monde vous désire.” »
Des pistes de solutions
Cependant, au-delà du langage, Archita Ghosh déplore un manque d’accès à du capital pour les femmes d’affaires. Cette entrepreneure active depuis 25 ans croit que « […] l’accès est limité parce que les femmes n’ont traditionnellement pas monté cette structure [de démarrage technologique]. Cette structure a été montée pour les hommes par les hommes. Ce n’est pas que je doute de mes affinités en affaires, mais je ne réponds pas à ces critères. »
Elle estime qu’il manque un chaînon essentiel pour soutenir les femmes entrepreneures : des fonds pour veiller à la croissance de leur entreprise. « Je n’ai pas besoin de 5 000 $ ou 10 000 $ et je n’ai pas besoin d’un milliard. Mais j’ai besoin de 100 000 $, explique-t-elle. Puis nous pourrons commencer à modifier le moule immédiatement! »
Soutenir des entreprises dirigées par des femmes pour changer la culture en place et attirer de nouvelles femmes aux secteurs des médias et des technologies, c’est l’avis partagé par plusieurs autres entrepreneures.
« C’est doublement, même quadruplement important, de soutenir l’entrepreneuriat féminin, parce que ça nous permet de partir sur une nouvelle base, de partir sur un canevas blanc, de créer des entreprises à notre image sur des sujets, des problèmes qui nous tiennent à cœur », affirme Cassie Rheaume, fondatrice de Ladies Learning Code Montreal, dans le cadre d’une discussion portant sur les femmes en technologie organisée par MTL NewTech.
Pamela Alfred, fondatrice d’Ask-PAM, ajoute que plus y aura de femmes en technologie, plus les femmes s’y sentiront à l’aise. « Je suis plus encline à embaucher une femme et elle est plus encline justement à travailler avec nous parce qu’il y a déjà des femmes dans l’entreprise, explique Alfred. Ça commence par nous qui devons faire l’effort. »
C’est surtout la reconnaissance de l’apport des femmes au sein d’une entreprise qui permettra d’effectuer un réel virage vers la parité croit Christine Renaud, fondatrice d’E-180. « C’est de reconnaître cette contribution et de la valoriser. C’est là où les femmes se [sentiront] accueillies et écoutées. »
Et les études à ce sujet sont claires. Comme indiqué dans le Rapport sur les tendances 2017 du FMC, miser « sur la mixité culturelle et l’égalité hommes-femmes permet d’atteindre un public plus large, de favoriser le développement de technologies pour tous et, ultimement, de générer davantage de profits. »
Pour ce faire, Norma Rossler, présidente de Blot Interactive, estime qu’une stratégie gagnante est de miser sur la nouvelle génération qui fait son entrée sur le marché du travail. En donnant à de jeunes femmes la possibilité de bonifier leur CV et de se tailler une place dans les industries des médias et des technologies, les employeurs actuels peuvent contribuer à renverser la vapeur.
Ressources disponibles pour soutenir les femmes en médias et en technologies
Voici une liste d'initiatives nationales et régionales qui soutiennent les femmes dans les secteurs des médias, des technologies et de l’entrepreneuriat au Canada.
Médias
Initiatives nationales
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Academy Apprenticeship for Women Directors: L’Académie canadienne du cinéma et de la télévision lançait en 2017 un programme d’apprentissage pratique et de réseautage pour soutenir les réalisatrices canadiennes.
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Breaking Barriers Film Fund: Ce fonds de la CBC finance des projets de longs métrages de langue anglaise écrits ou dirigés par des Canadiennes, des Autochtones, des membres des minorités visibles et des personnes handicapées.
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Women First - Zapruder Films Screenwriting Program: La première édition de ce programme offrait 12 000 $ à une scénariste pour l’écriture d’un scénario, en plus de soutien sous forme de mentorat.
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2XMore: Mise sur pied par Women in View et la Guilde canadienne des réalisateurs, cette initiative permet à des femmes d’accompagner des réalisateurs établis pour ensuite réaliser elles-mêmes des épisodes d’émissions de télévision.
Initiatives régionales
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Five in Focus: Lancé en 2016, ce programme a pour but d'identifier et promouvoir cinq réalisatrices talentueuses chaque année pendant trois ans.
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Liste de professionnelles francophones du monde des médias ayant un profil numérique: L'objectif de cette liste est d'en finir avec les conférences 100% masculines, ainsi que de créer un outil de référence pour tous les organisateurs de conférences sur l’avenir des médias et du journalisme.
Entrepreneuriat
Initiatives nationales
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Femmes d’affaires en commerce international (FACI): Ce programme, qui relève du Service des délégués commerciaux (SDC), offre des produits et des services pour aider les femmes entrepreneures à internationaliser leurs activités.
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Fierce Founders Bootcamp: Ce programme, offert aux startups qui comptent au moins une femme parmi leurs fondateurs, offre du mentorat ainsi que du soutien financier et des prix aux équipes gagnantes.
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Fonds pour les femmes en technologie – BDC: 70 millions de dollars sera investie sur cinq ans dans des entreprises technologiques dirigées par des femmes en stade de démarrage, tous secteurs confondus, ce qui fait de ce fonds le plus important de son genre en Amérique du nord.
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Programme de promotion de la femme: Ce programme de Condition féminine Canada (CFC) fournit aux organismes une aide financière et professionnelle pour la mise en œuvre, à l’échelle locale, régionale et nationale, de projets visant l’amélioration de la condition féminine.
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SheEO: Ce fonds est constitué à partir de dons d’entrepreneures canadiennes. Le capital amassé est ensuite distribué à des femmes sélectionnées sous forme de prêts sans intérêt.
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Startup Canada Women Founders Fund: Ce fonds octroie des micro-subventions de 1 000 $ à des femmes entrepreneures et des compagnies dirigées par des femmes.
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Women Founders Accelerator: Piloté DMZ, en partenariat avec la Banque Scotia et Tangerine, ce programme aide des entreprises de démarrage dirigées par des femmes au Canada à croître, atteindre de nouveaux marchés et obtenir des revenus supplémentaires.
Initiatives régionales
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Fierce Founders Accelerator: Ce programme offre du soutien financier et du mentorat à de jeunes pousses basées en Ontario qui comptent au moins une femme parmi leurs fondateurs.
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Femmessor: Géré par Filaction, ce fonds dispose de près de 25 millions de dollars pour soutenir les entreprises québécoises à propriété féminine.
- iNovia Empower: Cette initiative vise à rendre l'expertise en entrepreneuriat plus facilement accessible aux entrepreneurs de Montréal et de Toronto de tous les horizons, en particulier ceux qui font face à des obstacles systémiques.
- Programme de prêts de l’Initiative pour les femmes entrepreneurs (IFE): Offert dans les quatre provinces de l’Ouest, ce programme offre du financement jusqu’à concurrence de 150 000 $ à des entreprises dont 50 % ou plus des actions sont détenues par des femmes.