Coroner
Lorsqu’on s’installe devant notre téléviseur pour regarder nos séries favorites, on pense rarement à tout le travail qui a été requis pour les emmener à l’écran. La production en elle-même est une entreprise gigantesque — mais avant même que les caméras puissent commencer à tourner, les équipes doivent composer avec la bureaucratie inhérente à la création et à la distribution d’une émission télévisée. À cause de cette complexité, la plupart des idées ne quittent jamais l’étape de développement. Comme plusieurs émissions avant celle-ci, la série dramatique canadienne Coroner aurait pu mourir plusieurs fois au cours du processus. Michael Prupas, fondateur, président et chef de la direction chez Muse Entertainment, raconte ce qui s'est passé derrière les caméras.
Les artistes de la série créent des effets spéciaux impressionnants - Photo : Steve Wilkie
Frôler la mort
La série télévisée Coroner est basée sur une série de livres de l’auteur britannique Matthew R. Hall. Elle raconte l’histoire d’une coroner, récemment devenue veuve, Dr Jenny Cooper, qui enquête sur des morts suspectes. Michael Prupas, le producteur exécutif Jonas Prupas, et leurs partenaires chez Back Alley Film Productions, Adrienne Mitchell et Janis Lundman, ont vu un grand potentiel dans ce récit : « C’est un livre très fort qui, nous croyons, est vraiment captivant et vous tient en haleine… Évidemment, nous l’avons adapté pour le public canadien. Nous avons modifié la façon dont l’histoire était présentée. » Ainsi, en 2014, Muse et Back Alley ont conjointement acquis les droits du livre. Les producteurs ont attiré la réputée auteure de télévision Morwyn Brebner et l’équipe a commencé le développement pour l’émission avec CTV (Bell Media). En cours de projet, l’équipe a aussi travaillé avec une filiale du Groupe TF1 à titre de coproducteur.
Jusque-là, ce n’étaient que les affaires courantes. Mais c’est rarement simple lorsqu’il est question de grosses productions. Par un revirement de situation inattendu, CTV et TF1 ont tous deux dû se retirer. Cette situation aurait pu entrainer une mort subite pour Coroner. Mais face à ce défi, les gens de Muse et Back Alley ont retroussé leurs manches pour trouver un moyen de remplacer le financement déjà confirmé, alors qu’ils n’étaient qu’à un mois du début du tournage.
Serina Swan joue le rôle de Dr Jenny Cooper - Photo : Steve Wilkie
Jamais de la vie !
En tant que consultant exécutif sur l’émission, Michael Prupas était responsable, avec Janis Lundman, Adrienne Mitchell ainsi que le producteur exécutif Jonas Prupas, de réunir toutes les pièces du casse-tête ; droits, distribution des rôles, finances, etc. Ancien avocat et vétéran de l’industrie du divertissement, il met l’accent sur un certain angle des affaires : « Dans toute production, c’est toujours une tâche complexe de bien écrire les scénarios, de bien raconter les histoires, et de bien choisir les acteurs. Mais pour moi, le financement est toujours le plus gros défi. » En effet, jusqu’en mai 2018, TF1 était engagé à distribuer Coroner à l’international et supportait activement l’émission. Mais en conformité avec les directives gouvernementales, les producteurs devaient choisir une actrice canadienne dans le rôle principal. En plus de cela, et par-dessus les exigences habituelles (disponibilité de l’actrice, âge, apparence, crédibilité), TF1 a aussi exigé une actrice qui aurait précédemment apparu dans une série télévisée sur TF1 à heure de grande écoute. Très peu d’actrices correspondent à cette description. L’équipe a choisi Serinda Swan dans le rôle principal, alors qu’elle n’était pas conforme pas aux demandes de TF1. Une situation qui a créé un enjeu dans le financement de l’émission.
L'équipe de Muse, ainsi que la consultante Janis Lundman, la réalisatrice Adrienne Mitchell et le producteur exécutif Jonas Prupas, ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter la mort du projet. Heureusement, ils ont réussi à obtenir le soutien de Cineflix qui a accepté de prendre le relais de la distribution internationale. La série demeurait en vie. Mais Back Alley et Muse ont eu à investir beaucoup de leur propre argent afin de concrétiser le projet. Ils ont aussi dû trouver un autre réseau ; Coroner, qui a débuté à CTV, s’est retrouvé à CBC qui, habituellement, n’accepte pas d’émission provenant d’autres réseaux.
Un travail terrifiant! Serinda Sawn s'amuse sur le plateau - Photo : Steve Wilkie
Vivant et en pleine forme
Finalement, après des années de préparation, ils ont pu récolter le fruit de leur travail. Coroner a été diffusé pour la première fois le 7 janvier 2019 à CBC. Parmi les émissions canadiennes les plus populaires, la série a attiré plus d’un million de téléspectateurs par épisode au cours de la première saison. Lorsqu’on demande à Michael Prupas à quoi il attribue un accueil si positif, il donne tout le crédit aux acteurs et aux auteurs : « Je crois que c’est grâce à Serinda qui réussit à bien faire passer son personnage. Elle exprime les insécurités que beaucoup de gens ressentent et, en même temps, elle se démène pour faire la bonne chose, chaque fois. Elle se bat pour la justice, en quelque sorte, même si elle est anxieuse et vulnérable. Et ça aide qu’elle ait un certain intérêt amoureux pour Liam Bouchard, interprété par Éric Bruneau. »
Et cet accueil positif traverse les frontières : « Nous avons été en mesure de prendre une émission qui se passe à notre époque, à Toronto, une ville canadienne, et d’attirer un public autant au Canada que de l’autre côté de l’océan. Un auditoire qui n’est pas seulement plus grand, mais plus fort, et plus jeune que ce que les réseaux de télévision obtiennent habituellement, de façon substantielle. » En effet, la série Coroner est aussi diffusée au Royaume-Uni, en France et en Espagne. Elle établit le record de l’émission la plus écoutée dans l’histoire de Universal Television au Royaume-Uni.
Les acteurs Serinda Swan et Éric Bruneau - Photo : Steve Wilkie
Cadavre exquis
Une des choses dont Michael Prupas est le plus fier est le succès de l’émission au Québec : « C’est diffusé non seulement à la CBC, mais aussi à Addik TV, et les cotes d’écoute ont été fabuleuses pour eux. C’est la première fois qu’une émission du Canada anglais, doublée en français, a obtenu d’aussi bons résultats au Québec. Étant né et ayant grandi à Montréal, je sais d’expérience personnelle qu’il peut y avoir deux solitudes dans cette province. Donc si nous pouvons offrir une émission qui peut avoir autant de succès du côté anglais que du côté français, c’est remarquable pour moi. Je suis très fier d’être Canadien et je suis en accord avec les valeurs que le Canada essaie de promouvoir ; un désir de créer un pays ouvert qui respecte les différences et les droits de la personne, et qui accommode les différences entre les cultures et les langues. »
D’une certaine façon, Michael Prupas a espoir de rassembler les gens, un épisode à la fois. Non seulement dans son propre pays, mais aussi au sud de la frontière : « Cineflix a obtenu des réactions positives aux États-Unis, mais le processus prendra du temps. Le fait que l’action se déroule dans une ville canadienne peut être vu de façon négative de la part des Américains. Mais je crois que Toronto est une ville tout aussi moderne que n’importe quelle ville des États-Unis. Les histoires qu’on raconte ont un attrait universel, et les acheteurs américains ont démontré de l’intérêt. »
Michael Prupas, fondateur, président et chef de la direction de Muse Entertainment
Même si le succès de Coroner ne fait que commencer et que le futur semble prometteur, Michael Prupas ne tient rien pour acquis : « C’est une industrie très compétitive. Nous prenons les choses un an à la fois. Il y a plusieurs composantes à notre travail et c’est toujours un défi. Nous faisons certainement de notre mieux pour réussir là où on le peut. Nous sommes très fiers du travail accompli. » Et ils ont toutes les raisons de l’être..
La prochaine saison de Coroner débutera en janvier 2020 à CBC. Les épisodes complets sont présentés sur CBC Gem. Vous pouvez obtenir les dernières nouvelles de l’émission sur Facebook, Instagram et Twitter.