Il était une fois… aujourd’hui
Le Canada est un chef de file dans la création de récits auxquels les enfants, qui se définissent à travers leurs émissions préférées, peuvent s’identifier
Par: Mathieu Chantelois, Vice-président des communications et de la promotion, Fonds des médias du Canada
Dans ma jeunesse, j’adorais Les Pierrafeu, Passe-Partout, Candy et les contes de fées de Disney. Pourtant, le jeune garçon gai que j’étais ne parvenait pas à s’identifier à de telles émissions. Je ne pouvais m’empêcher de constater que ce n’était jamais un beau prince qui finissait dans les bras de son prince charmant.
Or, les choses sont en train de changer. Nous vivons actuellement un véritable âge d’or en termes de création de contenu. L’offre télévisuelle est plus abondante que jamais. Le niveau de qualité des scénarios, des performances et de la réalisation atteint de nouveaux sommets. Aussi, on voit enfin émerger une diversité à l’écran – diversité de visages, de corps et de récits.
Toutefois, ce genre d’évolution n’est pas si simple lorsqu’il est question de programmation destinée aux enfants. Le monde dans lequel nous vivons est fracturé, et il peut certes s’avérer à la fois difficile et délicat d’aborder des sujets qui divisent adultes et cultures, pour en faire du contenu dans lequel les enfants peuvent se reconnaître. Or, notre mission est justement de parvenir à identifier et concevoir des récits conçus pour des enfants qui se définissent à travers leurs émissions préférées.
Cette semaine, je m’envole à Cannes, où je ferai partie d’une délégation représentant Téléfilm Canada et le Fonds des médias du Canada lors de MIPCOM, le plus important marché au monde axé sur le contenu de divertissement destiné à toutes les plateformes de diffusion. Le Canada est fier d’y être une figure de proue en ce qui a trait à la célébration du pouvoir et de la beauté de la diversité en matière de programmation pour enfants.
Les créateurs de quatre émissions qui se démarquent en ce sens se joindront à la délégation. Il s’agit de :
Big Bad Boo Studios, une boîte primée de Vancouver, a fort bien su mettre en valeur la communauté LGBTQ avec sa série animée The Bravest Knight, la première du genre dont les personnages principaux sont gais. On y raconte les aventures de Cedric, un fermier devenu chevalier, et de son mari le Prince Andrew, qui élèvent Nia, leur fille adoptive âgée de dix ans. RuPaul et Wanda Sykes prêtent entre autres leur voix à ce conte de fées rempli de joie et d’aventures, où la famille est comme toutes les autres – sauf qu’on doit combattre des dragons.
The Bravest Knight
Coyote’s Crazy Smart Science Show est une série qui plonge son jeune auditoire dans l’univers de la science, le tout selon une perspective autochtone. On y retrouve de jeunes autochtones qui effectuent des expériences scientifiques. La série inclut également des aînés et scientistes issus de diverses communautés, des gens qui sont des modèles pour les jeunes partout au monde.
Les jeunes autochtones, particulièrement les filles, demeurent grandement sous-représentés, et il importe donc plus que jamais de remédier à la situation. Voilà pourquoi une série comme Dreamcatchers s’avère essentielle. Cette série d’aventure écologique en prises de vue réelles met en vedette un groupe de préadolescentes autochtones, qui utilisent leurs pouvoirs ancestraux pour empêcher de grandes corporations de menacer leur mode de vie traditionnel.
Enfin, la boîte montréalaise Tobo Studio a su récupérer la crise des réfugiés pour en faire une série à la fois puissante et éloquente ayant un impact positif pour les enfants. Ainsi, la série animée Dounia suit le périple d’une jeune réfugiée syrienne à travers le monde. Si son voyage est certes difficile, elle peut tout de même compter sur ses graines de nigelle magiques, qui l’aident à traverser l’épreuve. La série met en relief la notion de compassion, et le fait qu’il s’agit d’une valeur importante pour le Canada. En effet, selon l’agence des réfugiés de l’ONU, en 2018, le Canada a réinstallé plus de réfugiés que tout autre pays. Or, bien entendu, tant notre pays que le reste de la planète se doivent de faire beaucoup mieux.
Quels sont les récits que les enfants veulent se faire raconter? Les univers dépeints dans les séries que nous regardions durant notre jeunesse étaient largement composés de personnes de race blanche, où des parents hétérosexuels avaient la réponse à tout et où les petites filles étaient campées dans des rôles d’acolytes ou d’observatrices passives qui se trouvaient rarement au cœur de grandes aventures.
Or, les enfants d’aujourd’hui ne se reconnaissent tout simplement pas dans cet étrange paysage télévisuel de jadis. Les créateurs de contenu canadiens se sont désormais donné pour mission de développer des récits audacieux, captivants, diversifiés et inspirants qui résonnent auprès des jeunes. Si l’expression « maintenant plus que jamais » a certes été utilisée à toutes les sauces, elle conserve tout de même son plein impact lorsqu’il est question de capter l’attention des enfants. Il importe pour nous de leur faire prendre conscience de la place qu’ils occupent en ce monde, d’éveiller leur fierté, de les inspirer et de leur montrer que l’avenir, sous toutes ses formes, est à leur portée.
L’enfant en moi ne peut s’empêcher de sourire en imaginant cet autre enfant quelque part qui, aujourd’hui, réalise qu’il est tout à fait possible de trouver son prince charmant et de vivre heureux jusqu’à la fin des temps.