TENDANCES 2012: Ensemble, c’est tout.

(Voir l'introduction, À surveiller: survol des tendances 2012). Ce titre emprunté au roman d’Ana Gavalda sied parfaitement au dernier chapitre de notre revue de l'année 2011/tendances 2012.   La meilleure manière de résumer l’effervescence du secteur des médias numériques et d’ouvrir une réflexion qui dépasse l’exercice des prédictions se trouve dans  un article récent où Eric Schonfeld compare la prolifération sans précédent de starts-up dans l’espace numérique à l’explosion cambrienne et fait ce constat éclairant:

“The internet is today’s steam engine. Anyone can tinker and build an app or a web business. The pace of innovation is similar to what was seen during the tail end of the industrial revolution in the late 1800s (...)  Today’s most productive machine is the computer. But that machine is increasingly useless if it is not connected (...)  It’s not just that the network is the computer. The network is society, the market, and politics all rolled into one.”

Le réseau (Internet) c’est la société, le marché et la politique combinés en un tout. Dans tous les secteurs d’activité, et particulièrement dans celui de la création & diffusion média,  cette évolution va se poursuivre jusqu’à ce que s’amalgament la société (l’utilisateur) avec l’activité marchande (les ayant-droits, producteurs, diffuseurs) et le politique (appareil législatif; réglementation).    Déjà, l’utilisateur a entamé depuis quelques années sa remontée dans l’ordre des choses : de récepteur passif à émetteur actif. Dès 2006, le TIME nommait “YOU” la personne de l’année.  Cinq and plus tard, pourtant,  il existe toujours un clivage.   L’entreprise est prête à “écouter”,  à “converser” avec l’utilisateur et même à intégrer du contenu créé par l’utilisateur (User Genrated Content) pour autant qu’il ne modifie pas la trajectoire éditoriale et marketing de l’entreprise.   On garde encore bien largement séparés les contenus créés par l’utilisateur de ceux créés par les professionels et on ne s’aventure qu’encore rarement vers la véritable co-création: où développeurs, auteurs et utilisateurs pourraient constituer un noyau de nouvelle inventivité. Il est vrai que cette année aura vu l’essor (encore timide) de phénomènes tels le crowdsourcing ; le crowdfunding et la réalité alternée (ARG) qui implique l’utilisateur (en-ligne et hors-ligne) dans le déroulement d’une narration.    Mais beaucoup des joueurs dans l'industrie y voient autant d’occasions pour les entreprises de perdre le contrôle. Le réalisateur transmedia Lance Weiler qualifie plutôt la co-création avec le public comme l’occasion d’inviter  dans les projets “des accidents heureux”.   L’exemple japonais de Hatsune Miku. illustre de manière spectaculaire comment une nouvelle économie de la création collaborative peut s’avérer synonyme d’un succès d’affaires absolument phénoménal. Ainsi, le contrôle ne sera pas perdu mais devra être partagé...à justes parts.  Dans le cas de Hatsune Miku, la création est collective et les utilisateurs ont droit de modifier et de diffuser la propriété intellectuelle (selon certains paramètres) mais le tout doit être fait sans but lucratif de la part du public. Par contre, lorsque l’entreprise utilise la création d’un fan, un contrat et une rétribution est prévue.     Ne pas payer ses contributeurs devient matière à indignation comme le démontre la récente affaire de Voir_contre_Huffington Post.  Cela devra éventuellement être vrai pour les plateformes géantes qui font chou gras des données qu’elles récoltent sur leurs utilisateurs, qui les monétisent sur les marchés  et s’en servent comme actif pour capitaliser leur entreprise sur les marchés financiers. Par ailleurs, l’année 2011 aura été une année particulièrement active en matière de révision législative,  de réglementation chambardée, de batailles juridiques, de guerre de brevets, d’enjeux de vie privée.  Cette bataille pour le contrôle se poursuivra de plus belle et viendra confirmer que dans l’espace de connectivité quasi-continue,  le social, l’entreprise et le politique ne feront pas que cohabiter...ils devront se conjuguer ensemble. Pour reprendre la métaphore évolutive utilisée par Schonfeld, seuls les espèces capables de s’adapter à cet environnement seront appelées à survivre.    Après tout... l’explosion cambrienne a originé au Canada...  il n’y a pas de raisons pour que notre talent, notre culture et nos politiques ne puisse pas contribuer à façonner le monde des contenus numériques de demain!


Catalina Briceño
Reconnue comme une communicatrice et mobilisatrice hors pair, Catalina Briceño accompagne depuis 20 ans des entreprises médiatiques et culturelles dans le développement et le déploiement d’initiatives de transformation numérique, d’innovation et de diversification. Parmi ses réalisations marquantes, mentionnons son rôle dans la croissance et le succès international des Têtes à claques (Salambo Productions) ainsi que la création et la direction du service de veille stratégique du Fonds des médias du Canada (2010-2018). Professeure invitée à l’École des médias de l’UQAM, elle partage aujourd’hui sa passion pour la veille stratégique et la réflexion prospective sur l’avenir de la télévision et des médias avec ses étudiants et ses collègues de l’industrie.
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