Le fabuleux destin de Rosalie Vaillancourt
« Ce contrat-là a changé ma vie. » La populaire humoriste revient sur un été riche en rencontres et en discussions autour du cinéma et de la télé d’ici.
Quand des artistes disent oui à un projet, ça peut être pour plusieurs raisons : parce que le sujet leur parle, pour rencontrer des gens intéressants, pour vivre quelque chose de nouveau ou simplement pour le plaisir. Toutes ces réponses s’appliquent à Rosalie Vaillancourt. En acceptant le rôle de porte-parole de la campagne NOUS | MADE, une initiative du Fonds des médias du Canada (FMC) en partenariat avec Téléfilm Canada, elle pensait s’offrir une virée agréable à sonder les francophones de plusieurs régions sur les films et les séries d’ici qui ont marqué leur vie. L’impact a été beaucoup plus fort qu’elle l’imaginait.
« Ce contrat-là a changé ma vie », confie d’emblée l’humoriste dans la jeune trentaine. « Ça m’a troublée en fait comme contrat. Je pensais que j’allais avoir du fun, manger de la pizza avec des gens plus jeunes, mais finalement, je me suis dit : "Oh mon Dieu! On est en train de perdre quelque chose." On répète beaucoup que la télé va mal, mais ça semble tellement loin de nous qu’on dirait qu’il n’y a pas de problème. On ne saisit pas à quel point ça peut être dangereux. »

L’influence de Moi… et l’autre
La lauréate de l’Olivier du spectacle de l’année 2025 l’avoue, c’est grâce à la télé québécoise si elle est devenue humoriste. À 14 ans, en voyant Dominique Michel dans Moi… et l’autre, elle a réalisé qu’on pouvait faire rire sans passer pour la nunuche de service. Que même en étant petite, avec une voix haut perchée, le rêve n’était pas inaccessible. On pouvait faire ce qu’on aime en ralliant un large public.
« Tout de suite, ça m’a fait m’aimer plus. Je me suis dit que je n’étais pas toute seule. Je pense souvent aux personnes racisées qui ne se voient pas souvent à la télé ou seulement dans des situations dramatiques qui ne les décrivent pas vraiment. Tu réalises que c’est vraiment important de se voir, que ça fait du bien aux gens. Ça fait vraiment une différence. »
De l’Île d’Orléans au Bas-Saint-Laurent, de Montréal à l’Acadie, Rosalie a donc tendu son micro à toutes les générations pour savoir si, comme elle, le petit et le grand écran les avaient marquées, avec une question toute simple : quel film ou quelle série de chez NOUS vous a façonné?
Faire œuvre utile
Des succès légendaires comme La petite vie aux séries de l’heure comme Empathie, l’éventail des œuvres citées a mis en relief certains pans très personnels de la vie des gens. Comme un homme gai qui a accepté son homosexualité grâce à Ramdam ou une femme dont la mère en fin de vie a trouvé du réconfort dans Soirée canadienne.
Au-delà de la diversité des réponses, sa plus grande surprise a été… le temps de réponse. Avec l’abandon du câble, voire même de l’objet physique d’un téléviseur, au profit des plateformes numériques, nos contenus ont de plus en plus de difficulté à rejoindre leur public. Un constat que l’humoriste a d’ailleurs souligné sur la scène du dernier Gala des prix Gémeaux.
« J’ai vu une réelle différence entre quelqu’un de 22 ans et des gens un peu plus âgés. Les jeunes cherchaient plus longtemps ce qu’ils avaient aimé de québécois. Ça remontait souvent à leur enfance. »
Selon elle, ce qui nous sauve encore, c’est notre langue et l’envie de se retrouver dans nos histoires. Elle applaudit des succès comme STAT et Empathie, qui nous rassemblent en créant un liant dans la société.
« Il ne faut pas sous-estimer la différence géographique, politique et religieuse par rapport aux États-Unis. Ce ne sont pas les mêmes enjeux. Tu ne vas pas te reconnaître autant dans un gai californien que dans un gars de Matane qui apprend à ses parents qu’il est gai. Quand on s’imprègne constamment des émissions d’ailleurs, on a de la difficulté à voir comment aider la société ou faire partie de cette société-là parce qu’on ne la connaît pas. On ne la voit plus. »
Optimiste malgré tout
En soulignant le bassin incroyable de talent chez les artistes d’ici, l’humoriste trouve important de rester optimiste. Pour elle, la solution repose sur une accessibilité simplifiée à nos contenus et sur la rencontre des générations. D’ailleurs, si le FMC lui offrait de répéter l’expérience, c’est l’angle qu’elle souhaiterait explorer pour une prochaine campagne NOUS | MADE.
« La différence générationnelle, c’est ce qui est le plus ressorti du projet et pourtant… La télé m’a beaucoup rapprochée de ma grand-mère. On écoutait Yvon Deschamps, Clémence, Claudine Mercier ensemble. On riait des mêmes blagues au même moment, on aimait les mêmes choses. C’est quand même fou. Une des dernières journées de tournage, un couple un peu plus âgé m’a raconté qu’ils ont regardé Bellefleur même si le polyamour ne les intéressait pas. La série les a amenés à juger moins, à mieux comprendre. Ils ont reconnu des amis, ils ont eu des conversations le fun avec leurs petits-enfants. La télé, ça ouvre l’esprit. »