Les ambitions des consoles nouvelle génération pour la télé
Depuis un peu plus de dix ans, l’univers du jeu vidéo est le théâtre d’une bataille sans merci entre les deux géants Microsoft et Sony, Nintendo observant à distance. La semaine dernière, les deux mastodontes ont levé le voile sur la nouvelle génération de leurs consoles : la Xbox One (Microsoft) et la PS4 (Sony). Au-delà des caractéristiques techniques qui rendront les jeux encore plus performants, ces deux machines se positionnent aussi comme des diffuseurs de contenu incontournables. Sur ce point, la Xbox One semble partir avec un peu d’avance, mais Sony n’a pas dit son dernier mot.
Un marché morose
Les derniers mois n’ont pas été de tout repos dans le monde du jeu vidéo. Les ventes de jeux ont reculé de 20 % aux États-Unis, pénalisées par des consoles vieillissantes dont le cycle a été exceptionnellement long (7 ans) et la concurrence du jeu mobile et social. Avec la sortie prévue des nouvelles générations de consoles en fin d’année, Noël 2013 promet d’être exceptionnel pour l’industrie.
Côté performances techniques, la Xbox One et la PS4 présentent une configuration interne quasi équivalente qui s’approche sensiblement d’un bon PC actuel. La firme japonaise a pris le contre-pied de Microsoft au sujet du prix puisque sa console se vendra 100 $ de moins (399 $) que sa concurrente. Les vraies différences entre les deux consoles, il faut les chercher du côté des services offerts par contournement (ou services over-the-top ou OTT) et dans les applications qui fonctionneront sous leur OS (système d’exploitation).
Xbox One : conçue pour le multimédia
La Xbox One témoigne des ambitions de Microsoft en matière de multimédia et d’usages connectés. Depuis plus de cinq ans, alors que ses concurrents tâtonnaient, Microsoft a nourri sa Xbox 360 avec des mises à jour continues et des applications tierces afin de faire de son boîtier un cheval de Troie dans le monde du multimédia et du divertissement familial.
La Xbox 360 propose aujourd’hui un environnement axé sur le jeu, mais aussi sur le visionnement de contenus avec des applications comme Netflix, Hulu, HBO Go, YouTube, Vevo, ESPN, etc. Ces applications sont accessibles par l’entremise du service par abonnement Xbox LIVE, une plateforme fiable et rapide très appréciée de ses 46 millions d’utilisateurs. Au total, l’écosystème de la Xbox 360 regroupe plus de 90 applications de télé et de divertissement partout dans le monde. C’est la console qui offre le plus de services obtenus par contournement comme l’expliquait Emily Claire Afan dans son récent billet intitulé « Le contenu télé s’amuse avec la techno des consoles de jeux ».
Résultat des courses : depuis plusieurs années déjà, la Xbox 360 n’est plus simplement utilisée pour le jeu. Une enquête menée en 2011 montrait déjà que 40 % du temps passé sur la Xbox 360 était consacré à autre chose que jouer. Selon Microsoft, l’utilisateur de Xbox regarde en moyenne 30 heures de contenu vidéo par mois, et cela ne devrait pas s’arrêter avec la Xbox One.
À ce sujet, une des grandes nouveautés de la nouvelle plateforme de Microsoft sera la possibilité de regarder la télévision en direct, la marque ayant ajouté une entrée HDMI à son boîtier, ce qui permettra de la relier au récepteur numérique fourni par les câblodistributeurs. Microsoft promet une expérience de télévision augmentée avec une nouvelle interface de navigation qui intégrerait une fonction écran-partagé, un enregistreur vidéo numérique (DVR) ainsi que la possibilité d’accéder à du contenu informatif supplémentaire (comme des statistiques) pendant le visionnement.
Wii U : une manette comme télécommande universelle
Du côté de Nintendo, dont les ventes de la Wii U déçoivent depuis sa sortie en novembre dernier, on a aussi amorcé un virage télé. Annoncé il y a sept mois, le lancement de TVii se présente comme un service qui permet de synchroniser le GamePad (la manette munie d’un écran) de la Wii U à son abonnement au câble ou au satellite. La fonction (limitée au GamePad) transforme la manette en télécommande universelle et permet d’afficher sur cette dernière du contenu supplémentaire en mode deuxième écran (menus, bandes-annonces, programmes, guides). Encore en chantier, la fonctionnalité pourrait à terme devenir un atout intéressant de l’arsenal Nintendo même si elle est loin de l’intégration complète que cherche à offrir Microsoft.
Chez les câblodistributeurs, on s’active pour anticiper au mieux cette révolution de salon. Au Canada, il serait étonnant que des entreprises comme Bell, Telus ou encore Vidéotron, qui ont investi beaucoup d’argent dans leurs nouvelles plateformes et nouvelles interfaces Fibe, Optik TV et illico 2, laissent un tiers comme Microsoft gérer seul l’interface de leur signal. Ces derniers vont sûrement vouloir conserver la mainmise sur leur expérience afin de maintenir le consommateur dans leur écosystème.
PS4 : le jeu, le partage… et le contenu
La stratégie de Sony est à première vue bien différente de celle de son principal concurrent puisque la PS4 entend miser sur le jeu et le partage. Sony permettra ainsi aux joueurs de partager leurs expériences de jeu sur les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Il sera aussi possible de diffuser ses parties en direct, de les commenter ou encore d’inviter des amis à prendre le contrôle du jeu afin de se faire aider.
Mais Sony est bien consciente que l’avenir des consoles passe inévitablement par une offre multimédia riche et diversifiée. D’ailleurs, la PlayStation 3 demeure, aux États-Unis, la plateforme la plus utilisée pour le visionnement de Netflix sur le téléviseur. Afin de combler son retard sur le nombre d’applications offertes, la marque a indiqué que le service Video Unlimited, accessible depuis 2010, proposera bientôt pas moins de 150 000 films, séries et émissions à son catalogue. Sony se targue d’ailleurs d’être aujourd’hui le premier acteur à avoir conclu un accord avec tous les grands studios de cinéma du monde.
Outre les jeux, l’intégration des contenus télévisuels et du câble ou satellite semblent le prochain champ de bataille des consoles de jeux et plus largement des grandes entreprises informatiques. Dans ce domaine, Microsoft, qui a compris il y a presque dix ans maintenant, que l’avenir du multimédia se jouait dans le salon, a une longueur d’avance. Pour l'instant du moins.