Moteur, action, inclusion S2E5 : Bahija Essoussi Gagnon et Samuel Gagnon

Le couple aux affaires comme à la ville discute de leur partenariat et de leur complémentarité, de la North African and West Asian Lab (N.A.W.A.L.), et des pièges de l’orientalisme.

Pour conclure cette deuxième saison, partons à la rencontre de la productrice Bahija Essoussi-Gagnon et de son mari, aussi producteur, Samuel Gagnon. Objectif 9, leur boîte de production, met en lumière de nombreuses histoires issues d’une multitude de voix. Bahija a par ailleurs cofondé N.A.W.A.L., un laboratoire de soutien pour les artisans des écrans originaires de l’Afrique du nord et de l’Asie de l'ouest.

*Émission tournée fin septembre 2023

Rien ne prédisposait Bahija Essoussi à devenir productrice de films, et encore moins au Québec. Cette enseignante de formation était professeur d’économie au lycée dans son pays d’origine, le Maroc, quand elle a croisé la route de Samuel Gagnon, producteur et issu d’une famille de cinéma au Québec. «J'étais le genre de personne qui ne pensait jamais quitter le Maroc ni abandonner sa carrière d'enseignante», confie-t-elle. Vingt ans après cette rencontre, le couple multiplie les projets professionnels ensemble et travaille plus que jamais de concert. 

Leur boîte de production, Objectif 9, fait la part belle aux histoires et aux créateur·trices issu·es de la diversité et des groupes sous-représentés depuis plusieurs années. «Ça ne veut pas dire du tout qu'on ne va pas travailler avec des gens qui ne sont pas issus de la diversité, mais c'est vrai qu'au niveau de notre recherche active de nouveaux talents, de nouveaux créateurs, on regarde beaucoup du côté des gens qui sont issus de la diversité», explique Samuel Gagnon. Avec une sensibilité particulière pour les cinéastes issus de la vaste région géographique souvent appelée «monde arabe», le couple a toujours été attentif à la communauté montréalaise d’artistes et de créateurs et créatrices issus de cette région. 

C’est d’ailleurs ce regroupement informel d’artistes qui est à l’origine de la création officielle de l’association N.A.W.A.L. en 2022, propulsée par la rencontre du couple avec la productrice Ania Jamila, basée à Toronto, qui en est l’autre cofondatrice. L’élément déclencheur est cependant venu de la réalisatrice Sarah El Attar, responsable du premier programme de mentorat et de formation de l'association, intitulé Volumes. «Elle avait un projet d'incubateur pour 

créer un programme de mentorat pour les jeunes cinéastes femmes issues de la région», mentionne Samuel Gagnon. Séduits par ce projet, l’association naît quelques semaines plus tard et obtient rapidement du financement pour concrétiser le programme. 

Pour Bahija Essoussi Gagnon, il était important d’apporter des connaissances et de la précision dans la perception générale des «Arabes»: «On nous met dans une seule catégorie, c'est comme les Arabes ou les Musulmans. Ils ne savent pas qu'il y a des pays qui ne sont pas des Arabes, d'autres qui ne sont pas des Musulmans. Au Maroc, on a des Juifs, on a des Chrétiens, on a des Amazighs, des Kabyles. C'est toute une diversité.» 

Ce qui n’aide pas à combattre les clichés, estime Samuel Gagnon, c’est le phénomène d’orientalisme dans le cinéma, qui correspond à une idée partielle et surtout biaisée de l’Occident des histoires issues de cette grande région, venant souvent conforter les stéréotypes. Ainsi, on retrouvera à l’écran souvent des récits se concentrant sur la pauvreté, les femmes voilées, le terrorisme… «Ce n'est pas la réalité du monde arabe. Je ne dis pas que cette réalité n'existe pas. Elle existe, bien sûr. [...] Même si on développe plein de projets qui ne sont pas orientalistes, si c'est toujours ceux qui sont orientalistes qui sont financés, on fait juste continuer de perpétuer le problème. Nous, c'est quelque chose sur lequel on veut vraiment travailler fort, sur cette perception-là», martèle Samuel Gagnon.


Gaëlle Essoo
Gaëlle Essoo travaille pour le Fonds des Médias du Canada en tant que rédactrice en chef de la plateforme éditoriale Futur et Médias. Elle est aussi chargée de projets pour l'équipe Croissance & Inclusion. Avant de joindre le FMC, elle travaillait pour la chaîne d’information internationale France 24 en tant que cheffe d’édition pour les programmes consacrés aux droits des femmes à travers le monde. Elle a également été conseillère de presse pour l’Ambassade de France au Canada.
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