À la rencontre de sonia Bonspille Boileau

Cet article fait partie d'une série de sept portraits de créatrices et créateurs qui inspirent, publiée initialement dans le rapport annuel 2022 du FMC.

Sonia Bonspille Boileau

Quand les gens d’ICI Radio-Canada Télé ont rencontré Sonia Bonspille Boileau pour la première fois, afin de discuter de son projet Pour toi Flora, produit avec la participation du Fonds des médias du Canada, leur réaction fut spontanée : «Enfin!» Même si le sujet des pensionnats autochtones défrayait la manchette depuis plusieurs années, le diffuseur attendait la bonne équipe créative pour porter à l’écran ce sujet hautement délicat. Cofondatrice avec son conjoint de la maison de production Nish Media, basée à Gatineau, Sonia Bonspille Boileau signe ici la première série dramatique autochtone francophone de l’histoire de Radio-Canada.

«Je suis incroyablement fière, avoue la réalisatrice et scénariste de 42 ans. Tout le processus, tout ce qu’on a vécu est encore plus fort, plus incroyable, plus valorisant que le résultat. Et pourtant, j’ai vu à quel point Pour toi Flora a touché des gens. J’ai reçu des centaines de messages pour nous féliciter, et beaucoup venaient de personnes non-autochtones. Autant c’est difficile de revenir sur ces événements, autant ça fait partie d’un grand processus de guérison. Ça met un baume sur une plaie encore sensible.»

C’est en voyant le traitement médiatique de la crise d’Oka, en 1990, que l’envie de faire du cinéma a commencé à germer chez Sonia Bonspille Boileau, fille d’un Québécois francophone et d’une mère autochtone issue de la nation Kanien'kehá:ka. Du haut de ses 11 ans, la native de Kanehsatake percevait déjà un décalage entre ce qui se passait dans sa communauté et le portrait que la télévision en faisait.

Le documentaire Kanehsatake, 270 ans de résistance d’Alanis Obomsawin, qu’elle a vu à l’adolescence, ne fera que confirmer son désir de raconter des histoires qui viennent la chercher. Pour Sonia Bonspille Boileau, l’élan vers la réalisation est autant social qu’artistique.

«Je ne prétendrai jamais être le porte-voix de toute ma communauté, mais j’ai l’impression que la plupart des artistes autochtones le deviennent un peu malgré leur volonté. Avec tous les témoignages que je reçois, je sens que j’ai une responsabilité envers plein de gens qui n’ont pas la chance, les outils, les opportunités ni les vitrines pour se raconter.»

"Pour Toi Flora"

Donner une voix aux personnes  qui n’en ont pas, c’est ce qu’elle fait depuis le début de sa carrière en abordant des sujets sensibles comme l’identité, les femmes autochtones disparues et maintenant, les pensionnats. Récompensée tant pour son travail en fiction (Le Dep, Vivaces) qu’en documentaire (Last Call Indien), la cinéaste pense qu’une série dramatique comme Pour toi Flora a plus de chances de sensibiliser la population. 

«Au lieu de livrer de l’information, comme dans un documentaire, tu livres de l’émotion. Tu crées de l’empathie pour des personnages. Et quand le public se reconnaît à travers eux, il a beaucoup plus de chance d’avoir de l’empathie pour ces gens-là dans la vraie vie.» Elle ne cache pas sa joie d’amener à l’écran un très grand nombre de comédiennes et comédiens autochtones. Des acteurs et actrices d’expérience, qu’elle connaît depuis plusieurs années, et des enfants qu’elle a découverts en parcourant les communautés et les pow-wow.

Sur Pour toi Flora, la diversité est aussi très présente derrière l’écran. L’artiste se fait un devoir d’agir comme mentore pour permettre aux jeunes artisans autochtones d’acquérir de l’expérience en cinéma. «Je suis fière de créer des ponts entre les Autochtones et les non-Autochtones. Quand on a des gens de nos communautés dans tous les départements, ça change la façon de travailler. C’est plus facile d’aborder des sujets aussi délicats.»

"Pour toi Flora"

Plusieurs années ont tout de même été nécessaires entre la naissance du projet et son aboutissement. Pour développer la série, Sonia Bonspille Boileau s’est d’abord inspirée du vécu de son grand-père et des sœurs de ce dernier, qui ont connu ces terribles institutions, puis elle s’est entourée d’un cercle de survivantes et survivants dont elle tenait à avoir l’approbation au fur et à mesure de la production. Ces personnes ont également participé à la traduction de la série en anishinaabemowin. De l’aveu de la réalisatrice, le fait de raconter leur histoire a permis à plusieurs d’entre elles de faire de grands pas dans leur chemin vers la guérison.

Après avoir jeté un éclairage sur des sujets plus lourds ces dernières années, Sonia Bonspille Boileau souhaite maintenant s’éloigner des traumatismes et se tourner vers des univers plus légers, plus lumineux et plus éclatés avec, pourquoi pas, une dose d’humour. «C’était un passage obligé pour que les gens comprennent ce qu’on a vécu, mais maintenant que c’est exposé, j’ai l’impression qu’on peut montrer d’autres côtés de notre existence et de notre culture. Laisser le côté créatif s’exprimer pleinement. J’ai vraiment hâte d’explorer ça.»


CMF-FMC
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