Bâtir un studio à succès après un premier jeu indépendant

Grâce au Programme de partenariats avec des accélérateurs du Fonds des médias du Canada, le studio indépendant Thunder Lotus Games a travaillé avec l’incubateur District 3 et généré des recettes de plus de 1 million de dollars. Son fondateur, Will Dubé, raconte son parcours, de la création de son premier jeu Jotun au développement d’une entreprise prospère.

Jotun, le premier jeu développé par le studio indépendant Thunder Lotus Games, est un jeu d’action et d’exploration dessiné à la main qui a été inspiré par les histoires épiques de la mythologie norvégienne. Chose certaine, le fondateur du studio, le Montréalais Will Dubé, a lui-même vécu un parcours épique pour se rendre là où il est aujourd’hui.

Initialement lancé en version pour PC en 2015, Jotun s’est vendu à hauteur de centaines de milliers d’exemplaires et est maintenant offert sur PlayStation 4, Xbox One et Nintendo Wii. En cours de route, Dubé a reçu de l’aide du Fonds des médias du Canada, mais tout a commencé par un rêve et une décision audacieuse.

« En janvier 2014, j’ai quitté mon emploi de concepteur de jeux mobiles pour lancer l’idée d’un jeu indépendant pour PC sur Kickstarter. À ce moment-là, je n’avais aucune idée du type de jeu que nous voulions développer », explique Dubé.

Dubé affirme que c’est pendant sa recherche d’idées qu’il est tombé sous le charme de la mythologie norvégienne. Après avoir arrêté le concept et le nom Jotun (qui signifie « géant » en vieux norrois), il a communiqué avec d’anciens collègues qui se spécialisent en rendus artistiques 2D.

« Initialement, je m’étais dit que nous aurions une campagne Kickstarter en place en deux ou trois mois. Au bout du compte, ça a pris environ sept mois pour trouver l’idée du jeu, monter un concept vidéo et établir la campagne pour Kickstarter », explique-t-il.

Le travail a porté fruit. Jotun a levé 64 000 $ en un mois, soit 14 000 $ de plus que l’objectif que Dubé s’était fixé.

Financement du FMC et District 3

Dubé a aussi reçu du financement du Fonds des médias du Canada : 210 000 $ du Volet expérimental et 30 000 $ dans le cadre du Programme de partenariats avec des accélérateurs (A2P). Le studio a utilisé les fonds A2P pour assister à des salons professionnels.

« C’est très important de le faire pour tout studio de jeux, surtout les plus petits. C’est là où on peut rencontrer les médias et parler de son jeu, rencontrer des fans, recueillir des adresses de courriel pour sa liste d’envoi et approcher des partenaires de développement des affaires », explique Dubé.

Une partie des fonds a aussi servi à embaucher un programmeur pour développer une version Wii U du jeu et ainsi permettre au studio d’accéder au marché Nintendo qui est très lucratif.

Dubé affirme que le financement qu’il a reçu de l’A2P a été crucial, mais que ce n’était pas en fait l’aspect le plus utile du programme. En décembre 2014, grâce à l’aide du FMC, Thunder Lotus Games a uni ses forces à District 3, un incubateur et accélérateur de jeunes pousses situé à l’Université Concordia.

« Nous avons ainsi pu accéder à des espaces de bureaux et nous bénéficiions du soutien du personnel de District 3 ainsi que d’encadrement et de mentorat. Cependant, selon moi, la meilleure chose qui est sortie de cette association fut la possibilité d’entrer en communication avec d’autres fondateurs et dirigeants de startups, des gens qui vivent les mêmes genres de situations que vous vivez », dit-il

« Par exemple, si vous devez mettre en place votre service de paie, il vous suffit de vous tourner vers la personne à côté de vous et de lui poser la question. Beaucoup de connaissances sont partagées, ce qui est extrêmement important lorsque vous commencez, car ça vous facilite grandement la vie. Il y a tellement de choses auxquelles penser au moment de démarrer une entreprise. »

Le succès passe par le soutien

C’est pendant qu’il occupait les locaux de District 3 que le studio Thunder Lotus Games a lancé Jotun. Depuis ce jour en décembre 2015, le jeu s’est vendu à plus de 300 000 exemplaires et a généré des recettes totalisant 1,5 million de dollars. Pour Dubé, c’est plutôt réjouissant et c’est une réussite plus que suffisante pour permettre à son studio de « rester dans le jeu ».

« Je ne peux pas prétendre que Jotun a été un mégasuccès, car un mégasuccès se vend à entre 2 et 4 millions d’exemplaires et il y a seulement 4 ou 5 jeux indépendants qui atteignent un tel succès chaque année. Cependant, Jotun a été rentable et c’est ce qui permet de bâtir un studio sur de solides assises », explique Dubé.

Après Jotun, Thunder Lotus Games a quitté les locaux qu’il occupait chez l’incubateur District 3 et s’est installé dans le quartier de Saint-Henri à Montréal, dans une bâtisse où RCA fabriquait jadis des disques vinyle. Aujourd’hui, cette bâtisse est un point névralgique où travaillent des sociétés de jeu et Dubé considère que l’environnement joue un rôle clé dans le succès continu de son studio.

« Je pense que l’aspect le plus difficile pour moi a été l’adaptation aux niveaux de stress émotionnel associés au démarrage d’une entreprise. Je pense que je savais que ce serait difficile, mais j’ai vécu des moments de très grand stress personnel et émotionnel auxquels je ne m’étais pas attendu », affirme-t-il.

« La clé de la survie est de s’entourer d’un solide réseau de soutien constitué de la famille, des amis, d’un copain ou d’une copine ainsi que d’une excellente équipe de travail. L’espace partagé avec District 3 et l’espace partagé ici avec d’autres studios représentent le genre de structure de soutien dont vous avez besoin pour progresser. »

Mariage du marketing et de la conception de jeux

Thunder Lotus Games s’est lancé dans une campagne de marketing d’envergure à la suite du lancement de Jotun. Dubé juge que c’est la moitié de la bataille lorsqu’il est question de créer un jeu indépendant à succès.

« Ce que vous contrôlez, c’est la qualité du jeu et l’efficacité du marketing. Il y a une tonne d’excellents jeux qui ne se vendent pas bien, qui ne sont pas assortis d’investissements adéquats en marketing. Par ailleurs, si tout ce que vous avez est une excellente stratégie de marketing [mais que la qualité de votre jeu laisse à désirer], les gens n’en parleront pas et ça ne fonctionnera pas. C’est le mariage des deux qui produit les meilleurs résultats. »

C’est encore plus important maintenant, selon Dubé, car le marché des jeux indépendants est devenu très concurrentiel.

« En 2010, pour lancer un jeu indépendant, il suffisait de sortir le jeu sur Steam et, s’il avait de l’allure, l’argent était au rendez-vous. Mais, maintenant que les vannes sont ouvertes, ça vous prend un super bon produit et un excellent marketing pour remporter du succès », dit-il.

Être un studio de jeux au lieu de simplement concevoir des jeux

Thunder Lotus Games est maintenant au travail sur son deuxième jeu intitulé Sundered. C’est décrit comme une « horrifiante lutte pour survivre et rester sain d’esprit ». Le jeu sera lancé sur Steam et PS4 en juillet, et Dubé affirme que ce deuxième jeu sera encore meilleur que Jotun. Il ajoute qu’il a pu tirer profit du succès remporté par son premier jeu dans l’industrie et optimiser les compétences en marketing de son studio.

« Fondamentalement, ce qui compte, c’est ce que vous voulez réaliser. Concevez-vous des jeux ou bâtissez-vous une entreprise? Ce sont deux objectifs très différents que beaucoup de développeurs de jeux tendent à confondre », dit-il.

« Concevoir des jeux s’inscrit dans le développement d’un studio. Cependant, si tout ce qui vous intéresse est de concevoir des jeux, vous aurez alors probablement intérêt à vous allier à un éditeur et à trouver quelqu’un qui s’y connaît en matière de commercialisation de jeux. Si votre objectif est de fonder un studio de jeux, ça va alors au-delà de la conception de jeux. Il faut savoir gérer une entreprise. Ça devient alors une question d’exécution. »

Cliquez ici pour en savoir plus sur le Programme de partenariats avec des accélérateurs du Fonds des médias du Canada.


Patrick Faller
Patrick est un écrivain et producteur créatif ayant une passion pour les industries canadiennes des médias, de la technologie et de la culture. Il compte de nombreuses années d’expérience comme journaliste télé, rédacteur de contenu professionnel et consultant artistique. Il est un adepte de conception numérique, de cinématographie, de jeux vidéo et d’entrevues menées auprès des créateurs multimédias qui contribuent à rendre le monde un lieu plus magique. Il habite Charlottetown, sur l’Île-du-Prince-Édouard, avec son copain et une ménagerie d’animaux, mais vous pouvez facilement le rejoindre via les médias sociaux.
En savoir plus