Comment faire croître l’industrie du cinéma et de la télé en Alberta?
Selon certains dirigeants de l’industrie cinématographique et télévisuelle en Alberta, la province devient une destination de plus en plus populaire pour les productions. Plusieurs sont d’avis que le nombre de tournages pourrait y croître de façon substantielle comparativement à d’autres provinces canadiennes – si le gouvernement instaure un crédit d’impôt.
Luke Azevedo, commissaire aux industries cinématographiques, télévisuelles et créatives à Calgary, est l’une des personnes qui croient fermement en un avenir prometteur en ce qui a trait aux productions en Alberta. Il assure d’ailleurs depuis cinq ans la promotion de Calgary et sa province dans divers marchés mondiaux. «L’Alberta a d’ores et déjà acquis une solide notoriété à l’échelle du globe, compte tenu des productions qui ont été filmées ici», dit-il. Cela dit, il est possible d’en accueillir beaucoup plus.
Un atout de taille: les paysages variés de l’Alberta
L’Alberta occupe actuellement la quatrième place au Canada en termes du volume de productions annuel. Or, certains comme Azevedo et le PDG du Edmonton Screen Industries Office Josh Miller souhaitent voir leur province grimper dans ce classement.
Tous deux ont décidé de faire équipe, de concert avec d’autres intervenants du milieu, afin d’attirer une plus grande variété de productions en Alberta. Pour y parvenir, ils doivent effectuer une campagne de séduction auprès des dirigeants de l’industrie de par le monde. Certaines démarches en ce sens ont déjà été entreprises, dont l’accompagnement de repéreurs de lieux de tournage et des visites chez des dirigeants à Los Angeles et New York.
Mais comment «vendre» l’Alberta en tant que lieu de tournage?
Une approche est de mettre en valeur ce que les auditoires admirent à l’écran. «Dans un rayon d’à peine trois heures, nous avons les prairies canadiennes, les Badlands, les montagnes et deux villes comptant chacune plus de deux millions d’habitants», souligne Azevedo. Voilà un atout à la fois unique et important.
Jusqu’à maintenant, cet atout s’est avéré fort bénéfique pour la province. Des séries telles Heartland et Wynonna Earp ont récemment été filmées dans divers endroits en Alberta, de même que d’importants longs métrages américains comme The Revenant et Interstellar, entre autres.
Selon Mark Ham, commissaire à la cinématographie en Alberta, au cours de la dernière année, plus de 130 productions ont été tournées en Alberta, créant ainsi plus de 3 200 emplois et injectant quelque 250 millions de dollars dans l’économie de la province.
Le volume total de productions en Alberta est en hausse constante, ayant grimpé de 231 millions en 2015-16 à plus de 255 millions de dollars en 2017-18, selon un rapport de l'Association canadienne des producteurs médiatiques (CMPA) paru en 2018.
Or, le nombre grandissant de productions dont bénéficie l’Alberta n’est pas uniquement attribuable à de jolis paysages. «Pour attirer des tournages, il faut trois choses: des incitatifs; la capacité et une main-d’œuvre suffisantes pour accueillir plusieurs productions à la fois; et des infrastructures adéquates», affirme Azevedo.
Les deux plus importantes villes de l’Alberta, soit Calgary et Edmonton, privilégient chacune une approche différente en ce qui a trait aux équipes de production et aux infrastructures. À Calgary, le Calgary Film Centre est en mesure de gérer des productions plus importantes, alors qu’on retrouve à Edmonton des studios de moindre envergure.
Compte tenu de son importante feuille de route en matière de productions, on tend à retrouver à Calgary davantage d’équipes habituées à travailler sur de gros tournages. «Nous comptons ici des équipes parmi les plus renommées au monde, des gens en mesure de travailler aussi efficacement à -30 qu’à +30 degrés Celsius, qui savent gérer des conditions extrêmes, qui sont efficaces et productifs, et qui peuvent créer de grands projets», insiste Azevedo.
Cela ne veut pas dire pour autant qu’Edmonton ne dispose pas d’infrastructures adéquates. Pour le moment, cependant, le bureau du cinéma local se consacre à rebâtir des équipes de production, la ville n’ayant pu attirer des tournages faute d’un commissaire en place durant quelques années, souligne Miller.

«S’il existe toujours une certaine rivalité entre Calgary et Edmonton, je ne crois pas que nous nous livrons actuellement une concurrence pour accueillir le même type de productions, ajoute le commissaire. Un aperçu des récents tournages à Edmonton démontre en effet que la ville attire davantage de projets à petit ou moyen budget, alors c’est ce sur quoi nous allons concentrer nos efforts. Nous allons solliciter ce type de projet, car c’est ce que nous sommes en mesure de gérer actuellement. Une fois que nous aurons accueilli un volume de productions nous ayant permis de remettre nos équipes sur pied, nous allons cibler des projets de plus grande envergure.»
Incitatif provincial requis
Tant Miller qu’Azevedo sont d’avis qu’une hausse du volume de productions en Alberta demeurera limitée tant que le gouvernement n’aura pas instauré un crédit d’impôt. «Même si la croissance demeure relativement constante, elle ne se compare aucunement au volume que nous observons dans des provinces comme la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Manitoba, observe Azevedo. Ces provinces bénéficient d’incitatifs beaucoup plus alléchants et concurrentiels pour attirer les tournages chez elles.»

Les dirigeants de l’industrie du cinéma et de la télévision à Calgary et Edmonton ont demandé au nouveau gouvernement de l’Alberta d’instaurer un crédit d’impôt ou une autre mesure incitative du genre, comparable à ce que l’on retrouve en Colombie-Britannique, au Québec ou en Ontario.
Actuellement, le système en Alberta est basé sur l’octroi de subventions, précise Azevedo. Or, plusieurs comme lui souhaitent que le gouvernement effectue une transition vers le crédit d’impôt pour les productions cinématographiques et télévisuelles. Un tel incitatif faciliterait la sollicitation de projets à gros budget en Alberta. «Nos compétiteurs se trouvent dans toutes les juridictions et une majorité d’entre eux peuvent compter sur un crédit d’impôt ou une autre forme d’incitatif fiscal, constate Azevedo. Nous sommes donc désavantagés. Nous pouvons demeurer concurrentiels jusqu’à un certain type de projet, mais lorsqu’il est question de productions d’envergure, nous devons travailler beaucoup plus pour les attirer chez nous, faute d’une concurrence équitable.»
D’ajouter le commissaire: «Nous avons pourtant une excellente occasion de mettre en valeur un secteur d’activité qui pourrait connaître une croissance remarquable, créer un nombre significatif d’emplois et avoir des retombées économiques substantielles».
Miller partage la même opinion. «Si notre industrie va bien, c’est parce que tout le secteur va bien, dit-il. Or, l’Alberta pourrait aisément doubler son volume de productions. Si nous pouvions bénéficier d’incitatifs comparables à ce qu’on retrouve dans d’autres juridictions, rendant ainsi notre province davantage attrayante en termes d’économies, cela nous permettrait d’attirer davantage de tournages.»
À ce jour, le gouvernement de l’Alberta ne s’est toujours pas prononcé sur un éventuel incitatif fiscal.
Dans un courriel, Ham a indiqué que le gouvernement provincial «reconnaît la valeur de ce secteur d’activité» et que «son objectif est d’accroître de 25% (soit 1,5 milliard de dollars) la valeur des industries culturelles de l’Alberta au cours des dix prochaines années». Azevedo est convaincu qu’un crédit d’impôt contribuerait à l’atteinte d’un tel objectif, en permettant d’attirer d’importantes productions au budget de plusieurs millions de dollars.
«L’Alberta représente environ 3% du nombre total de productions au Canada, dit-il. Notre potentiel de croissance est donc considérable. Il s’agit d’une excellente opportunité pour notre industrie.»