Comment faire de l’argent avec la vidéo sur demande
Si on se réjouit du fait que les modèles de vidéo sur demande (VSD) se multiplient, ce n’est pas sans raison : ils s’imposent dans l’écosystème de contenus comme un moyen tout à fait viable de faire de l’argent en ligne. Le site MarketsandMarkets prévoit que le marché de la VSD passera de 25,30 milliards de dollars en 2014 à 61,40 milliards de dollars en 2019, avec un taux de croissance annuel composé de 19,4 % pour la période visée. Au chapitre des régions, l’Amérique du Nord sera vraisemblablement le marché le plus important sur le plan des revenus; quant à l’Asie-Pacifique, au Moyen-Orient et à l’Afrique, tout indique qu’ils accroîtront leur part du marché. Netflix et Hulu sont des joueurs bien connus, et on retrouve bien sûr des entreprises canadiennes comme Shomi et CraveTV. Voici une description du fonctionnement de ces modèles et des éléments à considérer quand vient le temps d’en choisir un; nous présenterons aussi les raisons pour lesquelles les options de VSD sont essentielles et incontournables dans l’écosystème actuel.
Il existe trois catégories principales de modèles de VSD, qui sont définies en fonction des façons dont le détenteur des droits reçoit sa part des revenus, par rapport aux façons dont le contenu est mis à la disposition du public :
- Vidéo sur demande transactionnelle (VSDT) : Le détenteur des droits reçoit un paiement unique du consommateur, qui a accès sur demande, par location ou achat, au contenu par l’entremise de divers modes de distribution.
- Vidéo sur demande par abonnement (VSDA) : Le détenteur des droits reçoit un tarif mensuel du consommateur (par exemple, un abonnement), qui a alors accès à un choix de contenus.
- Vidéo sur demande financée par la publicité (VSDFP) : Le détenteur des droits reçoit une part des revenus des plateformes qui présentent gratuitement des contenus au consommateur, moyennant l’affichage de publicités.
Une multitude de modèles
Le modèle transactionnel consiste essentiellement en une location : le consommateur paie un certain montant pour avoir accès à une unité de contenu pour une période de temps déterminée. Le prix peut varier de 1,99 $ à 15,99 $ pour une période allant de 48 heures à 30 jours. La distribution peut se faire de multiples façons, par exemple dans les hôtels ou sur les lignes aériennes, ou par l’entremise de câblodistributeurs, de satellites, de télévision par contournement (TPC) ou de télévision par IP. Le modèle transactionnel comprend également la vente dématérialisée, qu’on appelle aussi téléchargement personnel, qui offre un accès illimité en permanence par vente numérique. Parmi les joueurs qui font appel à ce modèle figurent iTunes, Vimeo, Amazon (qui a fait l’acquisition de LoveFilm en 2011), Vudu et Blinkbox.
Le modèle par abonnement a été popularisé par Netflix, ce qui est paradoxal compte tenu des débuts de l’entreprise fondés sur un modèle transactionnel associé aux DVD. Les frais d’abonnement moyens se sont établis entre 8,99 $ et 9,99 $, mais ceux-ci se situent entre 3,99 $ et 5,99 $ dans certains marchés en raison d’une guerre de prix. Les analystes se demandent si ce modèle pose problème aux studios, car il réduit la marge bénéficiaire de ces produits qui coûtent extrêmement cher à créer, mais très peu à distribuer. Les leaders du marché sont Netflix, Amazon Prime et Hulu Plus, et bon nombre de joueurs axés sur un créneau, comme Fandor et Mubi, prennent de l’expansion.
Netflix ne publie pas ses données officielles, mais selon Roger Jackson de l’entreprise Kinonation, les commissions de 5 000 $ pour une licence non exclusive de deux ans sont courantes; de façon générale, les négociations portent sur des montants de 10 000 $ à 20 000 $, et il arrive – quoique rarement – qu’on s’entende sur la rondelette somme de 50 000 $. Dans le cas des productions « pivots » à succès (avec de grandes vedettes ou soutenue par un grand studio), Netflix peut verser de 500 000 $ à 1 million de dollars. Les paiements sont le plus souvent effectués chaque trimestre, et les mesures de rendement ne sont pas rendues publiques.
Le modèle financé par la publicité se raffine de plus en plus et les options se multiplient (notamment pré-connexion, mi-connexion ou post-connexion; plein écran ou écran partiel; contournable ou non). Les services de publicité comme Brightroll, SpotXchange, Auditude, AdoTube, Videology, YuMe, AOL One et Google Adsense permettent d’acheter et de vendre de la publicité sans qu’il soit nécessaire d’avoir une équipe des ventes. Les pratiques exemplaires continuent d’évoluer, mais, en général, les recettes publicitaires sont partagées entre la plateforme et le détenteur de droits (et le distributeur ou l’agrégateur, le cas échéant).
La répartition des recettes est généralement établie à 50/50 ou à 70/30 (en faveur du producteur de contenu), le cas extrême étant celui de YouTube avec 45/55 (en défaveur du producteur). Récemment, Vimeo a pris une décision radicale en établissant le rapport à 90/10 (en faveur du producteur). Les principales plateformes de VSD financée par la publicité sont YouTube, Hulu, Dailymotion et Youku (en Asie); en outre, de nombreuses plateformes émergentes, comme crackle, viewster, popcornflix, and snagfilms, font de la diffusion en continu financée par la publicité.
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Trois autres particularités subtiles au sein de l’écosystème, qui vont au-delà de la VSD, valent la peine d’être mentionnées. D’abord, il existe des options hybrides combinant la VSD par abonnement et la VSD transactionnelle, comme Sky TV au Royaume-Uni, ainsi que CraveTV et Shomi au Canada. Deuxièmement, les services de télévision par contournement (notamment les boîtes numériques Roku et Xbox Live, le service Playstation Vue de Sony et celui d’Apple attendu bientôt) offrent un composant auxiliaire à l’expérience de visionnement en associant une technologie matérielle à une plateforme de VSD. Enfin, on retrouve aussi un certain nombre de services autonomes, comme FilmBuff et DotStudio, où les créateurs de contenu peuvent présenter leur propre matériel et bénéficier d’une plateforme et d’outils pour l’hébergement et le marketing.
Le cocktail d’options liées à la VSD
À l’évidence, pour déterminer la meilleure stratégie numérique à adopter, il faut tenir compte énormément du type de contenu à distribuer, de la présence ou non d’un public numérique préexistant et de la nécessité ou non de garantir l’exclusivité ou le géoblocage. Le contenu dont on peut tirer profit par l’entremise de multiples modèles commerciaux aura certainement de meilleures chances de rapporter à long terme. Dans un monde où la « période de diffusion » est restreinte, il est tout à fait possible d’orchestrer une sortie numérique optimale en faisant appel simultanément à plusieurs modèles.
Le modèle transactionnel est à privilégier dans les cas où le contenu bénéficie déjà d’une grande découvrabilité, c’est-à-dire quand le public connaît son existence et qu’il est susceptible de le chercher par lui-même. Les modèles financés par la publicité fonctionnent le mieux avec les médias sociaux, l’optimisation pour les moteurs de recherche, l’organisation de contenu ou la gestion de communauté axée sur la découvrabilité. Pour le détenteur de droits, faire preuve d’un grand soin dans l’identification du contenu peut faire toute la différence dans l’obtention d’un paiement pour un contenu déjà accessible en ligne.
Un de mes clients à Crowdlinker, dont les revenus étaient nuls, a vu ses gains passer à 500 000 $ par mois (avec 329 millions de visionnements) un an après avoir mis en place des mesures d’identification du contenu pour YouTube. Une bonne stratégie consiste à faire appel à l’autorisation de droits pour le catalogue de fond afin de tirer parti des revenus potentiels liés à la publicité numérique. Il peut être difficile d’accéder à la VSD par abonnement sans un agrégateur; si elle assure un revenu stable, l’agrégateur s’en garde toujours une part, car il n’est pas garanti que le contenu atteindra son public cible. Wendy Bernfeld, du site Rights Stuff, fait la recommandation suivante quant au recours à un agrégateur : assurez-vous qu’il ne se contente pas d’accaparer vos droits, mais qu’il comprenne bien le nouvel environnement médiatique et qu’il s’y investisse.
En tant que détenteur de droits, rien ne vous empêche d’utiliser le plus grand nombre de modèles de VSD possible, si aucun accord antérieur ne dénie certains droits. Avant de signer quoi que ce soit, renseignez-vous bien sur le mode de distribution, la compatibilité des appareils, la compression des données et les définitions de revenus. Dans le nouvel écosystème de licences numériques qui se développe, la capacité à tirer profit de chaque modèle non exclusif permet souvent de s’assurer un revenu modeste, mais stable et constant.
La VSD : son impact et son importance pour les producteurs canadiens
Les Canadiens souhaitant exercer des activités dans ce domaine doivent tenir compte de trois développements importants qui ont eu lieu récemment. Tout d’abord, les mesures prises par le CRTC en vue du dégroupement des forfaits; deuxièmement, le mouvement en faveur de l’accès aux services de VSD sans abonnement au câble; et troisièmement, la série récente de mainmises des diffuseurs sur les réseaux multichaînes.
Avec l’avènement du dégroupement, à propos duquel j’ai déjà écrit un article, plane la menace de la disparition des chaînes spécialisées. À l’époque où l’abonnement au câble dominait, ce créneau était considéré comme « inestimable ». On associait les chaînes spécialisées aux chaînes à supplément pour équilibrer le forfait. Il est vrai que le contenu spécialisé trouve toujours un auditoire, mais ces chaînes peuvent difficilement survivre seules. Le contenu qui se retrouvait dans des chaînes spécialisées de télévision hertzienne devra vraisemblablement migrer sous peu vers les chaînes spécialisées numériques qui existent uniquement en ligne. Dans de tels cas, les modèles transactionnel et financé par la publicité seront sans doute d’une grande utilité.
Un jugement selon lequel Shomi et Crave TV devraient fournir un abonnement complet sans exiger un abonnement au câble signifie essentiellement que ces services fourniraient localement une concurrence à Netflix, sans que le CRTC doive réglementer ce monopole potentiel. Pour offrir une véritable concurrence, ces services locaux de VSD devront diversifier leur programmation et se montrer à la hauteur des normes internationales en fait de contenu. À ce titre, des possibilités intéressantes se présentent pour le contenu qui n’aurait pas reçu d’emblée l’autorisation des diffuseurs pour des droits de licence.
Les plus récentes vagues de fusions et d’acquisitions sont représentatives de partenariats horizontaux plutôt que verticaux (par exemple, Corus et Kin). Avec l’acquisition d’un réseau multichaînes ou d’un réseau multiplateformes, le diffuseur obtient :
- un accès direct à un public qui ne tient plus compte de la télévision hertzienne;
- une justification pour une mainmise sur de futures licences de diffusion en continu.
Après tout, qu’est-ce qu’un producteur peut faire contre un diffuseur qui n’entend pas exploiter une licence numérique si le diffuseur possède sa propre plateforme numérique? Dans de tels cas, les créateurs de contenu devront faire preuve de vigilance relativement aux accords d’exclusivité permettant ou non de gérer eux-mêmes la VSD, que ce soit par abonnement ou autre (si le contenu fait aussi l’objet d’une licence de télédiffusion).
Dans tous les aspects de ce marché fortement concurrentiel, les acteurs du milieu de la VSD font des pieds et des mains pour mettre au point des solutions riches en nuances telles que les recommandations personnalisées, la transition facilitée entre les appareils et le décalage. Ils fournissent aussi au public plus de métadonnées sur mesure et des façons d’entrer en contact avec d’autres utilisateurs en temps réel.