COVID-19: Retour sur la mobilisation de la communauté éducative numérique internationale

L’année 2020 et probablement, dans une certaine mesure, l’année 2021, seront à marquer dans les annales pour l’ensemble des communautés éducatives à travers le monde. Au Canada comme ailleurs, les enseignants et élèves ont ainsi été confrontés à un bouleversement à la fois de la pratique et de leur quotidien mais aussi de la manière dont étaient délivrés les apprentissages. L’adaptation et la résilience ont été les maîtres mots de ces communautés à travers ces années si particulières.

Afin de les suivre, de les épauler et de les outiller, le secteur de la production numérique en éducation, à l’échelle internationale, a réussi, en quelques mois seulement, à transformer lui aussi ses pratiques et propositions. Ainsi, de nombreuses initiatives généreuses et pertinentes ont jalonné la dernière année. Retour sur trois de nos favorites.  

L’UNICEF, acteur majeur du soutien pédagogique en temps de pandémie

Dès les premières annonces de fermetures d’écoles à travers le monde, l’UNICEF a réagi, à travers différents programmes. Ainsi, à titre d’exemple, au Rwanda, l’organisme a investi le médium radiophonique pour compenser l’absence de cours en présentiel, et ce, en lien avec les autorités gouvernementales. En effet, en temps de confinement, la radio est devenue le média le plus accessible et universel pour l’ensemble des populations et a fortiori, des élèves. L’UNICEF a donc proposé des cours et leçons audio à destination des élèves rwandais privés d’école.

En Macédoine, l’UNICEF a développé des programmes éducatifs télévisés pour assurer une continuité pédagogique hors classe. En Côte d’Ivoire, des leçons ont été enregistrées sur cassettes à visionner à la maison. Au Malawi, les radios et télévisions ont été investis pour permettre aux élèves de poursuivre leurs apprentissages. L’idée, partout, a été d’investir les médiums déjà présents auprès des familles et accessibles aux élèves pour offrir un soutien aux apprentissages et freiner le retard dû aux fermetures des écoles. Il est difficile à ce stade d’évaluer les résultats de ce pari, mais les initiatives auront eu le mérite d’essayer de minimiser les impacts de la pandémie sur les apprenants, grâce, entre autres, au potentiel numérique.

SESAME STREET, allié indéfectible

Depuis plus de 50 ans, Sesame Street et son antenne Sesame Workshop sont des alliés indéfectibles des milieux de l’éducation. Tout au long de leur histoire, ils ont fourni des outils, ressources et modèles adaptés pour les enfants, les parents et les enseignants. Au fil des ans, ils se sont ainsi investis auprès d’une grande diversité d’enfants vivant toutes sortes de situations, parfois particulièrement difficiles.

Dès le début de la pandémie de COVID-19, Sesame street a lancé l’initiative «Caring for each other», développant de nouvelles ressources spécifiquement pensées pour soutenir les familles et les responsables éducatifs pendant les temps de pandémie.

Ainsi, des ressources spécifiques ont été proposées pour les enfants vivant avec un trouble du spectre de l’autisme au sein du programme «Sesame street and autism. Une programmation spéciale d’une heure a été diffusée sur CNN, au Moyen-Orient notamment, et de nombreuses vidéos ont été tournées puis diffusées en ligne pour aider les enfants à gérer leur stress et comprendre les consignes sanitaires mais aussi pour permettre la continuité pédagogique.

Sesame street s’est également associé à d’autres organisations d’ampleur internationale, dont l’UNICEF, pour diffuser ses messages auprès des familles confinées.

Crédit photo: Giovanni Gagliardi / Unsplash

Des dons de tablettes pour les jeunes en centre jeunesse

Alors que, au printemps 2020, les écoles ont été fermées et les élèves confinés chez eux, les jeunes en centre jeunesse ont subi la double peine: enfermés entre quatre murs, privés de sortie, loin de leurs parents et souvent sans outils technologiques adaptés, ils ont vécu tout au long des confinements des situations difficiles et démotivantes.

En réaction, au Québec, la Fondation pour l’enfance et la jeunesse du Saguenay-Lac-Saint-Jean a pris la décision au mois d’avril dernier de distribuer des tablettes gratuitement auprès des jeunes de plusieurs centres jeunesse québécois. Ces dons leur ont permis de communiquer plus aisément avec leurs proches, de développer leurs apprentissages et de se divertir dans les longues journées et soirées de confinement.

De la recherche pour demain…

La Chaire en littératie médiatique multimodale de l’Université du Québec à Montréal, dirigée par Nathalie Lacelle, a profité de ces longs mois de télétravail pour finaliser une étude financée par le Fonds de recherche société et culture du Québec intitulée «Soutien au développement de démarches d'édition numérique jeunesse au Québec à partir de pratiques favorables de production, diffusion et réception». Le but de cette étude de terrain était de comprendre les défis rencontrés à la fois par les éditeurs jeunesse et par les milieux scolaires dans leurs approches respectives de la littérature numérique jeunesse.

Le résultat de cette recherche d’ampleur propose à la fois des conseils pour les producteurs et éditeurs souhaitant s’investir en numérique narratif jeunesse et pour les enseignants désireux d’utiliser le numérique en apprentissage de la lecture et de l’écriture. Une section «Œuvres» permet d’accéder à des œuvres québécoises pertinentes et d’en comprendre les potentiels pédagogiques. Le tout sera, selon les responsables, mis à jour régulièrement pour constituer un véritable site de référence pour les professionnels du numérique et enseignants intéressés.

Par ailleurs, d’innombrables entreprises et organismes ont offert leurs ressources de manière gratuite, en geste de solidarité. 

Ces initiatives sont bienvenues et louables. Cependant, la dernière année interroge la manière dont, sur le long terme, seront envisagées les technologies numériques dans le domaine de l’éducation. La recherche de Nathalie Lacelle et de son équipe souligne ainsi plusieurs défis majeurs pour l’adoption du numérique en classe, notamment un manque de ressources adaptées et conciliables avec les programmes scolaires, mais aussi des lacunes dans la formation des enseignants. Ces derniers mois viendront-ils aussi transformer durablement les pratiques pédagogiques? Cela reste à observer et, le cas échéant, à mettre en pratique en outillant les intervenants.  


Prune Lieutier
Prune Lieutier est à la fois productrice indépendante d’expériences numérique pour la jeunesse, et jeune chercheuse en éducation à l’UQAM. Dans le cadre de ses travaux à destination des jeunes publics, Prune a eu la charge de nombreux projets innovants, impliquant pour la plupart un écosystème de travail large, associant créateurs, développeurs, chercheurs et diffuseurs (Fonfon interactif, Le club des créatures mystérieuses, etc). Elle est également très impliquée dans différentes recherches académiques, pour le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, le Fonds de recherche du Québec société et culture, et autres. Dans le cadre de sa pratique et de ses recherches, elle a publié et donné de nombreuses communications et conférences, notamment à la Bibliothèque Nationale de France à Paris, à la Berkeley University ou pour de grands médias scientifiques. Ses projets pour la jeunesse, menés en tant que productrice ou en tant que jeune chercheuse, ont remporté deux Grands Prix Boomerang (Meilleure application pour la jeunesse, ex aequo avec l’ONF, et Contenu), le Prix NUMIX Convergence Jeunesse, et le Prix MITACS-Conseil national de Recherches Canada pour la commercialisation, entre autres. Enfin, Prune est la fondatrice et directrice générale du studio de production de podcasts pour enfants La puce à l’oreille, premier du genre en francophonie.
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