De bonnes notes pour le programme Series Accelerator

Vous avez une idée pour une série originale et divertissante? Super! 

Ça, c’était la partie facile.  

Pour porter une série à l’écran, il faut une grande connaissance de l’industrie... et aussi un peu d’aide.   

C’est pourquoi le Fonds des médias du Canada s’est associé au Festival international du film de Toronto (TIFF) pour créer le programme TIFF Series Accelerator (l’accélérateur de séries du TIFF). Cet atelier d’une durée de deux jours a été conçu pour les créatrices et créateurs émergents du Canada afin de leur permettre de mieux présenter leurs séries, de les aider à développer des idées et des stratégies pour dénicher des partenaires à l’international et de leur donner la chance de travailler avec des mentors dont la réputation dans l’industrie n’est plus à faire.

En septembre dernier, alors que le programme Series Accelerator en était à sa deuxième année d’existence, il a accueilli huit duos (producteur ou productrice et scénariste) qui ont plongé tête première dans les séances intensives.  

Pour Futur et Médias, nous nous sommes entretenus avec quelques participants et participantes qui ont accepté de raconter leur expérience, de parler de leur projet qui prend forme et de prodiguer quelques conseils aux équipes qui songent à s’inscrire au Series Accelerator du TIFF en 2024. 

«Ç’a été deux journées captivantes, au cours desquelles nous avons rencontré des chefs de file de l’industrie de partout dans le monde», raconte Heidi Lynch, scénariste et actrice acclamée, reconnue pour Avocado Toast, série qu’elle a co-créée et dont elle est l’une des têtes d’affiche.  

Heidy Lynch

Lors de leur participation au programme, Heidi et sa coscénariste, Cosima Herter, ont présenté un projet de série érotique à suspense, A Confusion of Tongues.

«Au départ, nous avions pensé que ce serait un film, et des gens s’étaient montrés intéressés. Mais nous avons continué à affiner le projet, et ça nous a paru plus excitant d’en faire une série, dit-elle. C'est très sombre. Cosima a le don de prévoir les tendances à la télévision. Il y a deux ans, elle a dit que les suspenses érotiques seraient le prochain genre en vogue, et puis des émissions comme Fair Play et Basic Instinct sont sorties.»

«Il faut beaucoup de temps pour développer un projet d’émission, et les modes passent. Une émission doit être en développement cinq ans avant qu’une tendance se confirme pour avoir la chance de profiter de la manne. Quoi qu’il en soit, le plus important c’est d’aimer passionnément votre projet.»

Au cours du programme, ce qui a réellement inspiré Heidi Lynch c’est d’avoir la chance de discuter avec des producteurs et productrices dont elle admire le travail.  

«C’était fantastique de côtoyer Joe Lewis, l’homme qui a dit oui à Fleabag. Cette émission a changé ma vie en tant qu’auteure, en tant que productrice et en tant que femme. Ça m’a ouvert un champ de possibilités. Lewis a aussi participé à Transparent, une autre émission qui a changé ma façon de voir le monde et qui m’a fait sentir que je pouvais faire de la télévision, qu’il y aurait un public pour mon travail. C’était extraordinaire d’être dans la même pièce que lui.»

Basées à Vancouver, la productrice Thea Loo et la scénariste Rosie Choo Pidcock ont travaillé ensemble à l’adaptation du court-métrage écrit par cette dernière, Esther & Sai, pour en faire une série. 

Thea Loo

«Esther & Sai, c’est l’histoire de deux jeunes immigrantes venues étudier les soins infirmiers au Canada dans les années 70, raconte Thea Loo. Elles deviennent amies un peu par défaut, parce qu’elles viennent toutes les deux d’ailleurs et qu’elles découvrent ensemble la vie universitaire des années 70, qui ne correspond pas tout à fait à leurs attentes d’immigrantes.» 

Selon Thea Loo, le programme donne une idée de ce qu’il faut faire pour rejoindre un auditoire plus vaste à l’extérieur du Canada. 

«Nous avons eu une rencontre avec Sanjay Sharma, directeur général de Marginal Mediaworks et originaire des États-Unis, se rappelle Thea Loo. Il nous a expliqué en détail comment explorer le marché et faire la promotion de notre projet pour trouver des acheteurs. Puis, il a insisté sur les États-Unis et sur les bonnes stratégies à adopter en fonction de l’échéancier qu’on a en tête. Il faut faire beaucoup de recherches. On ne m’avait pas appris ça dans les autres programmes de mentorat auxquels j’ai participé dans le passé.»

Le programme a ceci d’unique que chaque équipe peut entrer en contact avec les autres et observer comment elles interagissent.

«C’était bien d’observer la dynamique au sein des autres équipes, il n’y a pas deux projets qui sont élaborés de la même manière, fait remarquer Thea Loo. Parfois, c’est le ou la scénariste qui prend les choses en main, et parfois c’est le producteur ou la productrice. Ça importe peu, en fait.» 

«Il y avait un beau mélange de gens plus ou moins expérimentés au sein des équipes, raconte Heidi Lynch. C’est comme ça quand vous mettez sur pied des initiatives favorisant une plus grande diversité. Comme certains groupes ont eu le monopole dans cette industrie pendant très longtemps, je crois que le programme vise, en partie du moins, à donner leur chance à des gens qui n’ont peut-être pas eu accès à des mentors qui leur ressemblaient et qui pouvaient porter leur voix, des gens qui auraient pu les parrainer et les pousser vers l’avant, eux et leurs idées novatrices.»

«J’étais vraiment excitée de discuter avec les gens de notre cohorte, sans parler des conférenciers et conférencières, s’exclame Pidcock. C’était super de rencontrer des gens plus expérimentés que nous et de profiter de l’occasion pour apprendre. Et comme j’accorde beaucoup d’importance aux processus, j’ai aimé assister aux présentations des autres groupes. C’est un art de préparer une bonne présentation, c’est une compétence essentielle à avoir quand vous essayez de “vendre” votre série et de convaincre de gros studios de production de s’y associer. Nous avons passé pas mal de temps avec des gens qui nous ont enseigné comment réussir nos argumentaires de vente.»

Rosie Choo Pidcock

Ces trois participantes sont d’accord : l’élément essentiel de leur participation au programme était l’importance de peaufiner leurs présentations et leur argumentaire.  

«La mécanique de la présentation est primordiale; qui dit quoi, et comment on racontera notre histoire, glisse Pidcock. C’est bien aussi de laisser des indices en cours de présentation à l’intention des équipes de production et de diffusion, afin qu’elles aient envie de poser des questions. Il faut se garder de tout révéler dans notre argumentaire et donner juste assez d’information pour que les gens en veuillent davantage.»

«Selon moi, ce qui nous a le plus aidées, Thea et moi, dans le programme du TIFF, c’est qu’il nous a poussées à retravailler notre argumentaire, poursuit-elle. Nous n’avons pas arrêté de le peaufiner depuis, et au cours du dernier mois nous avons même eu la chance de le présenter devant les équipes de six ou sept studios de production.»

Une bonne présentation ne vise pas seulement les patrons des studios de télévision. Heidi Lynch recommande à ceux et celles qui pensent poser leur candidature pour le programme d’accélérateur de séries du TIFF cette année de s’assurer que leur présentation a été retravaillée et qu’elle est prête. 

«Mon conseil : soumettez des documents aussi clairs et concis que possible. Si vous faites une présentation orale, commencez à répéter avant le jour J, dit-elle. Et faites en sorte qu’elle ne dure pas plus de huit minutes. Si vous n’y arrivez pas, ça augure mal. Vous devez être capable de cibler le cœur de votre projet, de dire pourquoi on devrait vous choisir, vous, et pourquoi maintenant. Enfin, vous devez exprimer votre rapport personnel à votre histoire. Si vous parvenez à atteindre ces quatre cibles en huit minutes, vous serez en mesure d’absorber ce que le programme a de meilleur à offrir.» 


Ingrid Randoja
Journaliste indépendante, Ingrid Randoja est l'ancienne responsable éditoriale de la section Film du magazine NOW de Toronto, l'ancienne rédactrice en chef adjointe du magazine Cineplex et l'une des membres fondateurs de la Toronto Film Critics Association.
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