L’industrie audiovisuelle au Québec veut faire sa part pour l’environnement
On tourne au vert entame déjà sa quatrième année. Née au début de la pandémie, cette initiative certifie les tournages qui remplissent un certain nombre de critères bons pour l’environnement. Zoom sur une petite révolution verte dans l’industrie du cinéma québécois.
«On s’est rendu compte qu’en moyenne, un long métrage produit une empreinte carbone équivalente à 10 000 aller-retours Montréal-Toronto en avion», s’exclame Christine Maestracci, présidente-directrice générale du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ).
La femme est à la barre du bureau qui a mis sur pied l’initiative On tourne au vert en pleine pandémie. Elle croit résolument au rôle central que peut jouer le cinéma dans la lutte aux changements climatiques.
Qui n’a jamais travaillé sur un plateau de tournage serait loin de se douter de l'empreinte carbone d’une production télévisuelle. Et même celles et ceux qui œuvrent dans l’industrie n’ont pas toujours conscience de l’ampleur des émissions de GES produits.
«C'est fou, quand tu fais le calcul des émissions de CO2, c 'est là que tu te rends compte de tout ce qu’on dégage comme petit show jeunesse!», s’écrit Léa Mignault, directrice de production chez la boîte franco-ontarienne Slalom. Son dévouement pour transformer son industrie est palpable.
Il n’a pas fallu beaucoup pour convaincre cette boîte de production basée à Ottawa, qui tourne surtout des séries jeunesse, d’adopter le défi lancé par On tourne au vert. C’est grâce à ce programme que Mme Migault constate que le transport représente une des grosses sources d’émissions de gaz à effet de serre. «On a des comédien·nes qui font plusieurs aller-retours de Montréal à Ottawa», précise-t-elle.
Une étude publiée par la Sustainable Production Alliance en 2021, menée auprès de plusieurs productions télévisuelles dans le monde, indique que le transport et le carburant dans les génératrices sont les plus grandes sources de pollution sur les plateaux de tournage.
Un programme volontaire et à plusieurs niveaux
Le programme d’accréditation comporte trois niveaux pour les productions. «Ce qu’on accrédite, c’est une production elle-même», avance Mme Maestracci.
Le premier niveau est le niveau engagement, le deuxième s’intitule performance et enfin, le dernier est le niveau d’excellence.
Après trois ans d’existence, 85 productions ont été accréditées ou sont au cours de l’être.
Ce mode d’accréditation permet alors d’y aller par projet. Par exemple, quand la boîte de production Slalom a découvert l’existence du programme, ils étaient presque à la fin du tournage de la deuxième saison d’une de leur série jeunesse, Makinium. La compagnie a donc décidé de viser les exigences du premier palier.
«Mais pour nos saisons 3 et 4, on s’est dit qu’on allait chercher l’excellence!», se remémore Léa Mignault avec beaucoup d’entrain.
Un enthousiasme de pionnier
Pour candidater au programme écologiste, il faut aller à la chasse aux photos sur le plateau de tournage, pour montrer que certains gestes ont été posés.
Maintenant, pas question de revenir en arrière.
«Il y a beaucoup de choses à documenter et au début, il faut y penser», explique Léa. Par exemple, elle doit penser à prendre en photo une porte fermée et la climatisation pour montrer que l’équipe de tournage ne gaspille pas d’énergie. «Mais là, tu vois, tout est ancré maintenant, ça fait partie de nos réflexes».
Un autre changement majeur qui demande encore de l’ajustement aux comédien·nes: plus question d’imprimer les feuilles de service, sorte de document de route pour chaque journée de tournage. Maintenant, les comédiens et tous ceux présents sur le plateau doivent consulter le dossier en ligne, sur leur téléphone ou autre.
Mme Maestracci estime que cette position est partagée par tous ceux qui ont adopté les gestes proposés par la certification d’On tourne au vert. Il n’y a plus de retour en arrière.
«Les producteurs voient ce qu’ils sont capables de faire et ils comprennent qu’en organisant les choses différemment, cela peut avoir un réel impact», partage-t-elle. «Ils sont très heureux de pouvoir partager les connaissances qu'ils ont acquises dans le cadre de la formation et du parcours, mais aussi de voir comment ils peuvent aller plus loin.»
Car les productions qui ont acquis des accréditations deviennent, si elles le souhaitent, ambassadrices du programme et peuvent partager leurs astuces aux nouvelles productions.
Mme Maestracci révèle aussi qu’On tourne au vert a pour ambition de s’étendre à l’industrie de l’audiovisuelle en général.
«On lance notre guide vert pour l’industrie des effets visuels et d’animation pour les studios», s’enthousiasme-t-elle.
La route est donc encore longue.
Pour des coordonnateur·trices écolos sur les plateaux
Sur les plateaux de tournage, plusieurs mesures ont dû être adoptées pour éviter l’infection et la propagation du virus lors de la pandémie de COVID-19.
Un rôle a alors été mis de l’avant, celui de coordinateur des mesures sanitaires. Une personne dont la tâche était entièrement dédiée à s’assurer du respect par exemple des tests COVID sur place, des masques, de la distanciation sociale… «Il y a aussi des coordonnateurs d’intimité, qui gèrent certaines scènes intimes pour s’assurer du confort de toutes et tous», relate Mme Maestracci, «Je pense que ces rôles ont grandement aidé et qu’ils ont pris de l’importance dans le métier.»
Alors, pourquoi pas un coordinateur pour les initiatives écologiques sur le plateau, se demande-t-elle?
«C’est sûr qu'on va travailler l'ensemble des outils disponibles au fur et à mesure que les choses se raffinent», croit-elle.
Un poste qui serait certainement salué par Léa Mignault, puisqu’elle devait ajouter à sa tâche celle de faire le suivi pour obtenir la certification d’On tourne vert. Un rôle dédié pour s’assurer de tout l’aspect environnemental d’un tournage serait plus que bienvenu.
Une préoccupation centrale
De nos jours, difficile d’ignorer l’importance de la lutte aux réchauffements climatiques. Les nombreuses conférences internationales pour le climat, les rapports inquiétants sur l’état du monde et l’accélération des catastrophes naturelles sont autant de preuves que des efforts doivent être faits.
Cela dit, il faut tout un village pour y arriver. «Il y a moyen de mettre en place pleins de petites initiatives qui vont faire une différence, ça en vaut la peine!», s’exclame Léa Mignault. «Évidemment, on n’a plus de bouteilles d’eau sur les plateaux de tournage - d’ailleurs, ça m’étonne que ça existe encore». Elle affirme qu’il est important pour Slalom de mettre la main à la pâte «parce que les plateaux de tournage peuvent être nocifs [pour l’environnement] et il y en a beaucoup».
Mais si certains gestes sont faciles à adopter, d’autres sont plus complexes, rappelle Christine Maestracci. «Il y a des choses qu'il faut organiser à d’autres niveaux, ne serait-ce qu’avec les municipalités pour s’assurer de la disponibilité, par exemple, des écocentres ou de tout ce qui concerne le compostage, le recyclage», mentionne la directrice de BCTQ.
«Un autre exemple: quand on parle d'avoir des génératrices électriques plutôt que des génératrices au diesel, il faut que les compagnies de location changent aussi leur offre.» Mme Maestracci se réjouit de découvrir un autre moteur de changement: la jeunesse. «Certains nouveaux diplômés décident de seulement travailler pour des productions écoresponsables maintenant», lance-t-elle.
Un vent de renouveau souffle déjà sur l’industrie qui se réforme pour faire sa place en laissant moins de traces.