État des lieux de la production francophone en milieu minoritaire

En 2023-2024, l’engagement financier du Fonds des Médias du Canada (FMC) envers la production audiovisuelle francophone hors Québec s’élevait à 17,9M$. Ces fonds ont mené à des projets en fiction, jeunesse, variété et arts de la scène, et documentaire. Si le nombre de membres des organismes francophones qui défendent les intérêts des producteurs indépendants de l’industrie augmente, l’enveloppe, elle, est demeurée plutôt stable.

Cela dit, la stabilité est considérée comme étant plutôt une bonne nouvelle, étant donné les compressions qui ont touché d’autres programmes de financements du FMC. Les regards sont tournés toutefois vers les premiers résultats de l’injection de fonds provenant de la modification de la loi sur la radiodiffusion au Canada, la loi C-11, qui mènera les plateformes de diffusions numériques à contribuer au système-cadre de radiodiffusion canadien. Des 5% de leurs revenus imposés aux plateformes, 2% iront au FMC. Cependant, les plateformes peuvent déduire 75% (ou 1,5% du 2%) de leur contribution au FMC vers des dépenses en émissions canadiennes. Ces déductions facultatives ne s’appliquent pas aux contributions aux fonds certifiés.

Carol Ann Pilon, directrice générale de l’Alliance des producteurs francophones du Canada, explique que «le FMC investit au moins 10% de ses budgets en production francophone minoritaire. Mais ce n’est pas le cas pour les fonds certifiés, comme le Fonds Bell, Telus, Shaw-Rocket, par exemple.» Et des déductions sont possibles lorsque les plateformes investissent ou font des achats de contenu canadien. Donc impossible, pour le moment, d’évaluer les montants qui pourraient être ajoutés aux financements du FMC. En production hors Québec, les licences des diffuseurs sont moins élevées qu’au Québec, «en moyenne, sous la barre des 35%. Le FMC, lui, verse jusqu’à 38% du financement total de nos productions, contre 9% au Québec. Il n’y a pratiquement rien qui se trouve en ondes chez nous à moins que le FMC participe à la structure financière», ajoute la DG. 

En 2017, l’APFC comptait 17 membres. À l’occasion de ses 25 ans, elle en compte désormais 26. À savoir si c’est une situation viable à long terme, Carol Ann Pilon s’en préoccupe, surtout si les fonds demeurent les mêmes. «Bien que le volume de production hors Québec ait presque doublé depuis 2017, les coûts de production post-pandémique ont beaucoup augmenté et le nombre de demandeurs continue de croître», affirme-t-elle. Elle conclut qu’à moins que le déclin des contributions des câblodistributeurs envers les enveloppes du FMC soit compensé, il y aura des perturbations importantes dans l’industrie.

Les données de l’Analyse de l’impact économique de la communauté culturelle canadienne-française en 2021, préparée pour la Fédération culturelle canadienne-française, offrent, elles aussi, un argument intéressant contre les compressions dans les arts et la culture. En effet, l’impact économique des arts, de la culture et du patrimoine de la communauté culturelle canadienne-française (hors Québec) s’élevait à 5,63 milliards de dollars en 2021. Il s’agit là d’une contribution au PIB similaire à celle de la foresterie et de l’exploitation forestière pour la même année.

Succès malgré l’adversité

Le portrait peut sembler sombre. Mais malgré cela, les maisons de production hors Québec ont connu une année marquée de succès. Pensons à la troisième saison de la série de fiction Le Monde de Gabrielle Roy, dont les deux premières saisons ont été nominées aux Prix Gémeaux. La série coproduite par les Productions Rivard et Zone3 a reçu un engagement de 1 300 000$ du FMC. Cette troisième saison comportait des défis particuliers, car le récit se déroule presque entièrement en Europe. La production a opté, après avoir tergiversé, de tourner au Manitoba et trouver des solutions créatives afin de reproduire l’Europe. Ce sont 65 personnes qui ont été embauchées pour la production, en excluant les comédiens et figurants.

Plateau de tournage - Le Monde de Gabrielle Roy
Plateau de tournage de Le Monde de Gabrielle Roy - Crédit photo: Les Productions Rivard

Des boîtes francophones se démarquent aussi à l’échelle internationale. La boîte Zazie Films de Dominic Desjardins et Rayne Zuckerman, basée à Toronto, a vu sa série Paris Paris acceptée au Festival de la Fiction à La Rochelle dans la catégorie de meilleure série de fiction étrangère. «Grâce à nos rencontres à Série Mania, nous avons réussi à décrocher un distributeur français, Balanga, » explique Rayne Zuckerman. Cette rencontre a éventuellement mené à une vente des droits du format à un grand studio américain. 

Le Scénariste Et Réalisateur Dominic Desjardins Paris Paris
Le scénariste et réalisateur Dominic Desjardins, Paris Paris - Crédit photo: Zazie Films

Finalement, Moi&Dave, la maison de production de David Baeta et Simon Madore aussi basée à Toronto, participe aux Rencontres de Coproduction francophone (RCF) depuis 2021. Cette année, les RCF auront lieu à Montréal en novembre 2024 et leur projet de long métrage de fiction Médium Béluga a été sélectionné à titre de projet officiel. «La coproduction nationale et internationale fait partie de nos objectifs à moyen terme», affirme le producteur David Baeta. «Nous visons également attirer l'attention de partenaires européens, notamment en France et en Belgique, pour des coproductions minoritaires, renforçant ainsi la dimension internationale du film.»

Medium Béluga
Medium Béluga - Crédit photo: Moi&Dave

Catherine Dulude
Avec plus d'une dizaine d'années d'expérience, Catherine a commencé sa carrière en journalisme avant de faire le saut en production audiovisuelle. En 2018, Catherine a décidé de créer sa petite entreprise, Ardoise&Co, afin de répondre aux besoins de l'industrie dans l'Ouest. Depuis, elle a contribué à plusieurs dizaines de projets, dans des rôles divers: recherche, écriture, montage, marketing numérique et découvrabilité.
En savoir plus