Le FMC souffle ses 15 bougies 

Le Fonds des médias du Canada a été fondé en 2010 dans le but d’aider les créateurs de chez nous à raconter leurs histoires. Sa présidente et chef de la direction Valerie Creighton revient sur la création du Fonds, son impact culturel et financier et l'avenir de l’organisation.  

Valerie Creighton. Photo: Munz Media / l'Université de Regina

Le temps passe vite quand on est occupé à investir des milliards de dollars dans l’industrie des médias du Canada.  

Cette année, le Fonds des médias du Canada (FMC) célèbre son 15e anniversaire – un moment idéal pour revenir sur tout ce qui a été accompli et, surtout, regarder ce qui l’attend.  

Découvrez la campagne vidéo pour le 15e du FMC

C’est le ministre du Patrimoine canadien James Moore qui a annoncé, en avril 2010, la création du FMC, venant replacer le Fonds canadien de télévision (FCT) et le Fonds des nouveaux médias du Canada.  

« Il disait que, selon lui, le public allait vouloir regarder du contenu à tout moment et n'importe où, sur l’appareil de leur choix », se souvient Valerie Creighton, présidente et chef de la direction du FMC, lors d’un entretien vidéo.  

Valerie Creighton était présente lors de cette conférence de presse déterminante. Alors nommée à la tête de l’organisation naissante, elle se rappelle que c’est une nouvelle disposition imposée par le ministre Moore qui a transformé les modèles de financement.  

Les producteurs bénéficiant du Fonds allaient non seulement devoir diffuser leur contenu à la télévision, mais celui-ci devrait également être offert sur une autre plateforme, que ce soit en diffusion en continu ou en ligne.   

« Ça a déclenché une grogne pas possible. Tout le monde au pays détestait l’idée, dit-elle. C’était très intéressant parce que, souvent, les gouvernements prennent une décision et le public se demande à quoi ils ont bien pu penser. Dans ce cas-ci, il a devancé les tendances et l’industrie. »  

Quand les créateurs d’ici ont le vent dans les voiles  

En 2010, les sites de diffusion en continu, les plateformes numériques et les médias sociaux prenaient forme. Les créateurs de contenu d'ici entraient dans ce monde multiplateforme, aux nouveaux modèles de financement.   

Au même moment, quelque chose d’autre se préparait.  

Alors que les créateurs canadiens avaient le vent dans les voiles, produisant de plus en plus d’émissions et de films populaires de qualité, le FMC était prêt à leur prêter main-forte.  

De nouvelles séries comme Unité 9, Les enquêtes de Murdoch (Murdoch Mysteries), Baroness von Sketch Show, Kim’s Convenience, Orphan Black, Bienvenue à Schitt’s Creek (Schitt’s Creek) et Vikings ont conquis le petit écran, alors que des films à grand déploiement comme Gerry, Les enfants de minuit (Midnight’s Children), Watermark, Rouge Quantum (Blood Quantum) et Wildhood ont été acclamés.  

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Unité 9. Photo: Aetios Productions

Les émissions pour enfants, les séries Web, les jeux vidéo, les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), les coproductions internationales ainsi que des contenus autochtones, documentaires et expérimentaux ont tous bénéficié du soutien du FMC.  

L’organisation, qui a financé plus de 19 000 projets depuis 2010, générant plus de 24 milliards de dollars en retombées économiques pour le PIB canadien, a transformé le paysage économique de l’industrie audiovisuelle.    

Derrière ces chiffres se cachent les répercussions culturelles importantes que ces séries, films et jeux ont eues ici et à l’étranger.    

« Heartland vient de clore sa 18e saison et a diffusé son 250e épisode en 2023, souligne Valerie Creighton. L’équipe a organisé un grand événement à Calgary pour l’occasion, en invitant même le cheval vedette de l’émission, Spartan, sur le tapis rouge. Le public apprécie cette série parce qu’elle sait comment le rejoindre. C’est la même chose avec Les enquêtes de Murdoch et Kim’s Convenience. Quand nous étions en Corée, je me faisais montrer des photos de la série parce qu’elle était numéro un dans leur pays. » 

Vikings est un autre bon exemple, selon Valerie Creighton : « C’était l’émission la plus regardée en Islande, l’endroit même d’où viennent les Vikings. Ces séries sont profondément marquantes pour la culture de notre pays, mais pas seulement : elles résonnent aussi partout dans le monde. » 

Vikings. Photo: Take 5 Productions

Bien répartir les fonds  

Le budget du FMC pour l’année financière 2025-2026 s'élève à 346 millions de dollars. Le défi pour le Fonds et pour les créateurs d’ici est de déterminer comment allouer cette somme.  

« C’est ma 19e année ici, en comptant mes années au Fonds canadien de télévision et au FMC, et la chose que j’entends le plus souvent, c’est à quel point les procédures sont compliquées », affirme Valerie Creighton.   

Le FMC met tout en place pour surmonter ce défi.  

« Ce que les gens ne réalisent pas – peut-être parce que nous ne les avons pas assez informés – c’est qu’avant de se lancer dans un processus de candidature, ils peuvent communiquer avec notre personnel pour une consultation préliminaire. Nous pouvons les aider à organiser leur projet. Nos équipes sont là pour dire “OK, voici ce que vous devez faire pour maximiser vos chances d’accéder au fonds, pour faire ressortir votre projet du lot”. Parce que oui, c’est un environnement très compétitif .»  

Une des raisons qui expliquent cette compétitivité est le nombre impressionnant de créateurs passionnés qui ont envie de raconter et de partager des histoires d’ici. La clé pour le FMC est de déterminer comment il les aidera à le faire dans les 15 prochaines années.  

« Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, dit Valerie Creighton, mais je suis convaincue que nous devons réellement travailler ensemble en tant qu’industrie pour déterminer quelle direction nous voulons que notre pays prenne. C’est ce qui ressort en grande partie du processus entrepris par le CRTC pour mettre en œuvre le projet de loi C-11, qui modifie la Loi sur la radiodiffusion pour intégrer les services de diffusion en continu dans le système, et c’est un processus très compliqué. »  

Ces changements exigeraient que les services de diffusion en continu mettent en valeur et contribuent au rayonnement des contenus canadiens, notamment ceux qui reflètent la diversité du pays et ceux de langues autochtones.  

« La créativité ne manque pas au Canada, ajoute-t-elle. Nous en avons à revendre, et la vraie question est de savoir si les systèmes mis en place, qui ont bien servi le public et le pays, sont toujours ceux qui serviront la création de nouveaux contenus à la lumière de ces changements. »   

En fin de compte, tout repose sur les histoires que nous racontons. Celles qui reflètent nos identités, nos communautés, notre pays.  

« Les histoires sont ce qui façonne l’expérience humaine, et les raconter est une façon de créer des liens et d’atténuer les conflits, croit Valerie Creighton. Nous vivons dans une époque de polarisation extrême, et c’est en s’ouvrant aux histoires d’autres personnes qu’on peut vraiment prendre conscience du côté universel de nos expériences, et le pouvoir qu’elles ont de faire tomber des barrières. »    


Ingrid Randoja
Journaliste indépendante, Ingrid Randoja est l'ancienne responsable éditoriale de la section Film du magazine NOW de Toronto, l'ancienne rédactrice en chef adjointe du magazine Cineplex et l'une des membres fondateurs de la Toronto Film Critics Association.
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