L’impressionnant parcours de Renuka Jeyapalan derrière la caméra 

Depuis qu’elle s’est fait connaître grâce à Murdoch Mysteries en 2017, la réalisatrice torontoise Renuka Jeyapalan enchaîne les séries à succès.  

Renuka Jeyapalan au travail. Photo: Colin Medley

Bien des réalisateurs canadiens se reconnaîtront dans la trajectoire professionnelle de Renuka Jeyapalan : un cours suivi par hasard à l’université qui a fait naître l’idée d’une carrière en cinéma, des cours du soir en production, puis un passage au Canadian Film Centre (CFC). Sa vie après le CFC, en revanche, a été tout sauf prévisible. 

Avec en poche son court métrage Big Girl, réalisé en 2005 au CFC et présenté à Berlin, Tribeca et au TIFF, Renuka Jeyapalan est persuadée qu’elle est destinée à la réalisation au grand écran. Elle ne cherche pas de premier emploi en bas de l’échelle, comme assistante de production par exemple, mais choisit plutôt de se consacrer à l’écriture d'un scénario.  

Renuka Jeyapalan se lève alors à 5h30 tous les matins pour plancher sur son projet de long métrage avant de se rendre à la banque où elle travaille au centre-ville de Toronto. Cet emploi temporaire, qui devait durer six mois, s'étirera finalement sur six ans, avec un horaire chargé qui l’empêche de se consacrer à son rêve.  

« J’ai donc démissionné, se rappelle Renuka Jeyapalan. Je suis retournée vivre chez ma mère. J’ai abandonné mon appartement et toutes mes dépenses. Tout ce que je faisais, c’était écrire et tenter de donner vie à mon film. On parle de cinq ou six ans de lutte acharnée. Puis, la chance a tourné. » 

Son premier contrat 

L’agent de la réalisatrice tente de la diriger vers le milieu de la télé, mais comme elle n’avait encore jamais réalisé un projet sans l’avoir elle-même écrit, Renuka Jeyapalan croit que personne ne risquera de l’embaucher. Elle propose donc à CBC une série inspirée de ses années à la banque. CBC accepte de la développer.  

Le projet n’a jamais vu le jour. Mais il a permis à la jeune réalisatrice de rencontrer les bonnes personnes à CBC, et de décrocher une entrevue avec l’équipe derrière Murdoch Mysteries (une co-production de CBC et de Shaftesbury). Renuka Jeyapalan est d’abord observatrice sur le plateau, jusqu'à ce qu'elle se fasse offrir de réaliser un épisode en 2017. 

Depuis, la réalisatrice a travaillé sur des séries telles que Workin’ Moms, Kim’s Convenience, Sort Of et North of North. Son tout premier film, Stay the Night, a ravi la critique au festival SXSW en 2022. Elle travaille maintenant sur Wayward, la prochaine série de l’humoriste et scénariste Mae Martin pour Netflix. 

« C’était une grande étape pour moi, dit-elle, au sujet de Wayward. L’équipe était immense. Je n’avais jamais vu autant de monde au département coiffure et maquillage sur une seule série. Mais j’ai eu une expérience extrêmement positive. J’ai adoré le scénario, la distribution, l’équipe technique, et je me suis sentie en phase avec les épisodes que j’ai réalisés. Ça m’a demandé beaucoup de préparation, mais j'y suis aussi beaucoup allée à l’instinct. C’était agréable de sentir que j’étais alignée avec l’esprit de cette première saison. » 

Faire partie d’une équipe 

Renuka Jeyapalan aime réaliser la première saison d’une série, alors que tout est à bâtir. C’était aussi le cas avec North of North, une coproduction de Netflix, CBC et APTN tournée principalement au Nunavut. 

« North of North a été une expérience incroyable, dit-elle. D’habitude, je rassemble beaucoup de références cinématographiques et artistiques pour un projet, mais je ne l’ai pas fait autant pour cette série. La terre, les gens, l’esprit et la joie que met de l'avant la série demandaient une approche différente. » 

Elle a réalisé le cinquième épisode de la première saison, qui met en scène les acteurs en train de jouer à un jeu appelé « Walrus Dick Baseball ». La majorité de l’épisode suit la partie, qui se déroule à l’extérieur sur une plage glacée.  

Image tirée de l'épisode «Walrus Dick Baseball» de North of North. Crédit: APTN

« J'avais beaucoup d’éléments à gérer : le changement de météo, des tournages à l’extérieur sur plusieurs jours, une intrigue sportive au rythme soutenu, des cascades, des enfants, des foules… On a tourné de manière directionnelle pour optimiser la production. Un jour, on filmait le match en direction de la banquise, le lendemain les réactions de la foule tournées vers les rochers de la colline, puis le jour suivant, le grand moment de victoire où l’on voit tout le monde. » 

« On sautait d’une scène à l’autre dans le scénario et on tournait différentes séquences en bloc, poursuit-elle. Mais ça restait un vrai défi. On tournait aussi sur une magnifique partie de la plage que la communauté utilise régulièrement pour se déplacer. De temps en temps, on devait faire une pause pour laisser passer un qamutik [un traîneau traditionnel inuit]. » 

Le public pourra continuer de découvrir le travail de Renuka Jeyapalan dans deux épisodes de la série à venir de Mae Martin sur Netflix, Wayward. Avec Toni Collette, Sarah Gadon et Mae Martin comme têtes d’affiche, la série se déroule dans une école pour adolescents en difficulté.  

Cette production marque un autre tournant dans la carrière de la réalisatrice puisqu’elle s’attaque à un nouveau style. « Je cherchais quelque chose de différent de ce que j’avais fait auparavant. Ce n’est pas vraiment une comédie ; il y a un ton différent, plus sombre, plus insidieux. Je me sens très chanceuse d’avoir pu faire partie de cette série, et j’ai hâte de voir ce que le public en pensera. » 

Ses conseils à la relève 

Renuka Jeyapalan à Iqaluit. Photo: Anya Adams

Ayant constamment travaillé sur des séries à succès depuis une décennie, Renuka Jeyapalan a quelques conseils à donner aux réalisateurs en herbe. 

« D'abord, connaissez votre voix, votre point de vue, et ce que vous faites le mieux. Nous sommes tous conteurs à notre manière. Cherchez des séries qui résonnent en vous et apportez à ces projets ce que vous seul pouvez y apporter. » 

« Ensuite, pour citer Mark Duplass : “La cavalerie ne viendra pas. Continuez à créer vos propres projets. N’attendez pas qu’on vous donne votre chance. Créez vos propres opportunités, travaillez votre art. Et peut-être qu’un jour, lorsque cette chance arrivera, vous serez prêts. » 


Pahull Bains
Pahull Bains est une journaliste indépendante spécialisée en cinéma et en culture. Elle est née et a grandi en Inde, et est maintenant basée à Toronto. Elle a écrit pour diverses publications à travers le monde, notamment Wired, Billboard, GQ India, Vogue Arabia et le Toronto Star. Elle a également travaillé pour le Reelworld Film Festival, FASHION et Vogue India.
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