Moteur, action, inclusion: Épisode 1
Moteur, action, inclusion est la toute première série vidéo proposée par Futur et Médias, la plateforme éditoriale du Fonds des Médias du Canada (FMC). Elle se penche sur les enjeux de représentation et d'inclusion sur les écrans au Québec et surtout, se consacre aux pistes de solution qu’on voit à l’horizon.
Gaëlle Essoo, rédactrice en chef de Futur et Médias et Diego Briceño, chef principal contenu et diversité au FMC, ont réuni une vingtaine de personnes clés de l’industrie des écrans au Québec, autour de cinq tables rondes, dans le but d’avoir de longues et fructueuses conversations.
Au fil des épisodes, nous aborderons divers enjeux et points de vue afin de décrypter les particularités de la situation au Québec et réfléchir ensemble à l’avenir d’une industrie plus inclusive et équitable, en ayant en tête les prochaines générations.
Épisode 1: État des lieux et définition d’une industrie inclusive
Ce premier épisode fait un état des lieux de la situation actuelle en termes de diversité et d’équité et explore la définition d’une industrie des écrans réellement inclusive au Québec.
Intervenant·es:
- Jean-François O'Bomsawin, Directeur du marketing et de la communication au Bureau de l’écran autochtone
- Karine Dubois, productrice et fondatrice de Picbois Productions
- Eric Idriss-Kanago, producteur et fondateur de la société de production, Yzanakio
- Mara Gourd-Mercado, Directrice générale de l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision, section Québec.
À retenir
La section “À retenir” vous est proposée par Rime El Jadidi.
La diversité n’est pas une niche
Karine Dubois constate qu’on oppose souvent les publics dits “de la diversité” au “grand public”. “Au lieu de changer dans les shows grand public les narratifs, les personnages, on va faire à côté un show avec uniquement des personnes issues de la diversité et qui ne parle que d’enjeux liés à la diversité [puis] on va laisser le reste tel quel'', explique-t-elle.
Selon elle, le changement ne se fera pas tant qu’on continue de considérer la diversité comme une niche qui ne s’adresse qu'à certains groupes prédéfinis.
Mara Gourd-Mercado ajoute qu’on a tendance à parler du grand public comme d’une masse informe, et à faire des hypothèses sur ses goûts. “Si on n’offre pas au grand public des choses différentes de ce qu’il a vu jusqu’à présent, effectivement, il ne le demandera pas.” Elle donne l’exemple des pays scandinaves - marchés comparables au Québec, où du contenu dit “de niche” se retrouve à la télé généraliste et plaît au public.
L’urgence liée au renouvellement des publics
“Chaque année, on dit ‘Ah mon dieu, les méchants jeunes n’écoutent plus la télé québécoise’, ajoute Karine Dubois, comme si c’était une espèce de décision, que les jeunes sont des méchants qui ne s’intéressent qu’à l’anglais. Mais ils ne se reconnaissent pas dans leur télé. Ils ne trouvent pas des contenus qui leur plaisent, qui les représentent.”
Au-delà de l’aspect idéologique, une industrie plus diversifiée et plus inclusive est un enjeu économique. Selon Eric Idriss-Kanago, “en termes de business, c’est juste une catastrophe. On perd un auditoire et on risque de le perdre sur plusieurs générations.” L’enjeu est d’autant plus important étant donné que le contenu consommé par les publics qui ont déserté les écrans québécois n’est pas en français.
Préserver le français, mais aussi les langues autochtones, est également un moyen de préserver les cultures. Pour Jean-François O’Bomsawin, “une langue qui est entendue à la télé est une langue qu’on a envie d’apprendre et il faut qu’on puisse l’avoir dans les émissions jeunesse, dans les émissions pour adultes, dans le documentaire, dans les émissions de variété.” Il note que certains efforts sont faits à ce sujet, mais estime qu’il y a “toujours une certaine limite pour des contraintes qui sont souvent pécuniaires”.
Volonté politique de créer un imaginaire collectif attrayant et inclusif
Promouvoir la langue et la culture, cela se fait “en créant un imaginaire collectif où les gens vont se reconnaître”, explique Mara Gourd-Mercado.
“Ce n’est pas a coup de loi 96 qu’on va réussir cet amour de la langue”, ajoute-t-elle. “Plus on va accueillir à bras ouverts, plus les gens vont se sentir identifiés et bienvenus et vont adhérer à cette culture et à cette langue.”
Eric Idriss-Kanago rappelle que sans “une volonté politique au Québec d’avoir un star système québécois, on serait inondés de star système américain, et à l’heure actuelle, peut-être qu’on parlerait tous anglais. C’est vraiment une volonté politique de vouloir préserver quelque chose. On voudrait juste qu’il y ait cette même volonté, justement, pour des histoires qui sont elles-mêmes sous-représentées.”
Développer la tolérance à l’erreur
Tous s’accordent à dire que s’il y a un manque de main d'œuvre qualifiée au sein des communautés sous-représentées, il faut tout simplement la former, mais aussi lui accorder la même tolérance à l’erreur que les personnes blanches. Souvent, lorsqu’une personne autochtone ou racisée échoue, on ne lui donne pas de seconde chance, et on risque même de stigmatiser toute une communauté.
Former la main-d'œuvre est tout aussi important que de donner accès aux postes de pouvoir. Jean-François O’Bomsawin explique: “Lorsqu’il y a des leaders autochtones dans les structures de gouvernance, dans les structures de production, la façon de travailler est influencée positivement.”
Pour Mara Gourd-Mercado, il faut aussi que les allié·es acceptent de se tromper quand ils et elles cherchent à aider et il ne faudrait pas que ces personnes s’empêchent d’agir sous prétexte de ne pas savoir exactement comment procéder: “On en fait tous des erreurs, on va en faire tout le temps, on est des humains, c’est normal [...] Je pense que si on avait moins peur de constamment se tromper ou de faire des erreurs, ou de se faire call out, je pense qu’on avancerait plus vite.”