Netflix: la pointe de l’iceberg

Alors que le CRTC a récemment révélé les fruits d’une série d’études et de recherches pour mieux appréhender l’impact des services OTT (over-the-top) au Canada, d’autres nouvelles dans l’univers de la TV connectée n’ont fait qu’accroître le niveau d’incertitude de l’industrie en révélant l’énorme compétition qui se dessine actuellement autour des services de distribution numérique des contenus télévisuels.

Depuis l’arrivée des services de Netflix au Canada en décembre 2010, l’un des premiers véritables services OTT au pays s’est attiré les foudres de plusieurs acteurs de l’industrie. Mais s’il a été le porte-étendard d’une nouvelle tendance, Netflix n’est pas seul.

D’ailleurs, à plus d’une occasion dans les derniers mois, les groupes de télédiffusion ont fait part de leurs préoccupations face à l’arrivée au Canada de nouveaux venus dans l’espace de télédiffusion; qu’il s’agisse des nouveaux récepteurs tels les Apple TV, Google TV et autres Boxee de ce monde ou de services tels Netflix, les intervenants traditionnels de l’écosystème de diffusion canadien sont en mode défensif.

Netflix… et maintenant, les autres

Il s’agit de suivre un tant soit peu peu ce qui se passe côté tendances TV pour réaliser que cette attitude d’extrême prudence est peut-être justifiée.  Pour mieux cerner l’énorme compétition qui se forge actuellement dans ce secteur, il n’y a qu’à s’attarder aux nombreux défis que Netflix rencontre actuellement sur son propre marché...

Amazon, le géant incontesté de la longue traîne, a mis en place en février dernier un service de streaming vidéo donnant accès à 9000 titres, service qui ne coûte rien de plus à ses abonnés de base.  Bien que le service Amazon Prime ne soit pas disponible au Canada, il s’agit néanmoins d’un ajout important pour la librairie Amazon Instant Video qui jusqu’ici offrait son catalogue de 90,000 titres à l’achat ou à la location.

Autre épine dans le pied de Netflix : récemment, le géant de distribution Miramax a annoncé une entente avec Facebook pour distribuer via la réseau social un catalogue de films.  Quand on pense qu’au Canada, 16 millions de personne possèdent un compte FB, c’est comme si Miramax venait de se payer une entrée dans les loges privées de centaines de milliers de canadiens.

Questions de sous Netflix n’est pas au bout de ses peines : après s’être rallié des millions d’abonnés grâce à une tarification très avantageuse, l’entreprise a annoncé qu’à partir de septembre, le tarif mensuel aux États Unis ferait un bond de 60%... et les protestations de sa clientèle ne se sont pas fait attendre.

Les tarifs avantageux de l’entreprise sont également au cœur de ses problèmes avec Starz, le distributeur de Walt Disney et Sony.  A l’approche de l’échéance de leur contrat au mois de février, les deux sociétés n’ont pas été en mesure de s’entendre : Starz a refusé les 30 millions offerts par Netflix pour son catalogue, arguant notamment que les abonnés de ses chaines satellites et câblées payaient 15$ par mois, soit sept de plus que les 25 millions de « Netflixters » américains.

Tous contre un ?

Le branle-bas de combat actuel autour des OTT fait oublier à certains que télédiffuseurs traditionnels et émergents ont toujours un ennemi commun : le piratage.  Selon une récente étude Ipsos/Oxford Economics, le piratage de films à lui seul priva l’économie canadienne de quelques 1.8 milliard de dollars et l’équivalent de 12,600 emplois à temps plein en 2009-2010. Et avec l’annonce récente des premiers téléviseurs « certifiés » BitTorrent, le piratage semble presqu’une pratique de plus en plus accessible.

Bref, si Netflix empêche plusieurs télédiffuseurs de dormir… ces derniers devraient s’intéresser à ce qui empêche Netflix de dormir également!    La compétition de demain a de nombreux visages… et ils ne sont pas tous encore sortis de l’ombre.

Mise à jour (19 septembre 2011):  Hier, le co-fondateur et dirigeant de Netflix Reed Hastings a diffusé une lettre sur le site de l'entreprise pour tenter d'expliquer ses récentes décisions concernant la séparation des services de streaming et de location DVD ainsi que la hausse des tarifs.  Ça vaut le coup de lire les commentaires des utilisateurs: comme quoi, les entreprises doivent apprendre à composer avec une relation aussi directe avec les utilisateurs.  Leçon: http://blog.netflix.com/2011/09/explanation-and-some-reflections.html


Catalina Briceño
Reconnue comme une communicatrice et mobilisatrice hors pair, Catalina Briceño accompagne depuis 20 ans des entreprises médiatiques et culturelles dans le développement et le déploiement d’initiatives de transformation numérique, d’innovation et de diversification. Parmi ses réalisations marquantes, mentionnons son rôle dans la croissance et le succès international des Têtes à claques (Salambo Productions) ainsi que la création et la direction du service de veille stratégique du Fonds des médias du Canada (2010-2018). Professeure invitée à l’École des médias de l’UQAM, elle partage aujourd’hui sa passion pour la veille stratégique et la réflexion prospective sur l’avenir de la télévision et des médias avec ses étudiants et ses collègues de l’industrie.
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