RACCORD, anciennement le FRIC, fête ses 20 ans
C’est en 2005 que le Front des réalisateurs du Canada voit le jour. À l’automne 2024 à l’aube de ses 20 ans, l’organisme qui compte plus de 80 membres se dote d’un nouveau nom, RACCORD : Regroupement des artistes cinéastes de la francophonie canadienne. Retour sur deux décennies d’engagement et de représentation pour faire florir les artisans de l’industrie des quatre coins du pays.
Genèse
Ce changement de nom arrive à point, selon le président actuel du conseil d’administration et réalisateur de Winnipeg, Pascal Boutroy. « On a atteint une période de maturité avec l’organisme. Nous avons trouvé notre place dans le paysage médiatique canadien avec des partenaires de choix. Avant avec le FRIC, on était dans la provocation, pour pouvoir plaider notre cause ».

La réalisatrice de Winnipeg Danielle Sturk est membre fondatrice de l’organisme. Elle se remémore les débuts du FRIC. « À l’époque, il y avait des maisons de productions hors Québec, et elles étaient organisées, mais les réalisateur·trices ne l’étaient pas. On avait besoin d’un organisme pour défendre, négocier et revendiquer nos droits et nos revenus », explique-t-elle.

Avant d’être président, Pascal Boutroy a aussi été membre du conseil d’administration. « On a milité pour que Conseil des arts du Canada ait des membres du jury qui soit hors Québec. C’est un problème auquel on fait toujours face avec Téléfilm Canada, mais on travaille là-dessus », soutient-il.
À savoir si le FRIC, devenu RACCORD, a aidé sa carrière, Danielle Sturk réfléchit. « Je pense que ç’a injecté de l’énergie à vouloir travailler en français. Si le FRIC n’avait pas été là, je pense que j’aurais travaillé en anglais. Mais ça m’a permis de développer un sentiment d’appartenance, d’avoir une grande famille de cinéastes au pays » conclut celle qui a signé la scénarisation et la réalisation de la série El Toro.
Visibilité
Cela fait déjà 12 ans que le réalisateur acadien Julien Cadieux s’est joint à l’organisme. Dès le début, il s’est impliqué au conseil d’administration. « Je voulais comprendre l’écosystème, mais aussi, assurer que ma voix, soit une voix de la communauté queer acadienne, soit entendue », explique-t-il. Pour lui, RACCORD est plus qu’un organisme. « Ça me solidifie dans mon lien comme cinéaste de la francophonie. Ça me permet d’échanger, de me sentir moins seul », poursuit le réalisateur, qui a reçu le prix du meilleur film franco-canadien au festival Rendez-vous Québec Cinéma 2024 pour son film Y'a une étoile.

Lors de l’Assemblée générale annuelle, à l’automne 2024, les membres ont voté en faveur du changement de nom. RACCORD : Regroupement des artistes cinéastes de la francophonie canadienne remplace désormais le FRIC. Ce nouveau nom vise à l’inclusion, grâce au langage épicène, mais aussi, à rendre le mandat de l’organisme plus clair au sein de l’industrie. Bruno Boëz, le directeur général de l’organisme, soutient qu’il vise gagner de la visibilité et de la crédibilité. « Nombreux sont ceux qui ne connaissaient pas le FRIC. Il y a du travail de visibilité à faire. Nous gagnons en reconnaissance grâce à des partenaires extraordinaires comme le gouvernement du Québec, par exemple. La clé de notre organisme a été, à travers les années, de réussir se démarquer comme organisme national », explique Bruno Boëz.
De récents partenariats offrent aussi des occasions pour les membres de rayonner. En novembre 2024, dans le cadre du volet professionnel du Festival de films francophones Cinémania à Montréal, RACCORD mènera une table ronde pour raconter l’histoire et la mission de l’organisme. Cette visibilité à proximité des sièges sociaux des diffuseurs est essentielle pour le réalisateur Julien Cadieux. « Il faut nous donner une visibilité au Québec, car sinon, on est loin des yeux, loin du cœur », soutient-il.
PERCÉES
Alors qu’il termine actuellement les tournages de son tout dernier long métrage, Et maintenant?, financé par Téléfilm, le réalisateur d’Ottawa Jocelyn Forgues prend un moment pour discuter de l’impact du FRIC devenu RACCORD sur le développement sa carrière. « J’étais présent au tout premier Forum, notre rassemblement annuel, il y a de cela 19 ans! », raconte-t-il. « Je me suis impliqué au conseil d’administration et j’étais là quand on a embauché notre premier directeur général, Jean-Pierre Caissie. Ça nous a beaucoup aidés à trouver du financement, car avant cela, c’était à nous, membres du CA, de faire le travail bénévolement ». Jocelyn a participé à de nombreux programmes offerts par RACCORD, tel que Fauteuil réservé ainsi que plus récemment Plan séquence, en partenariat avec l’Inis. « J’ai eu l’occasion de développer des liens importants dans l’industrie, grâce à ces programmes. Le réseautage que j’ai fait grâce au FRIC m’a permis de produire mes longs métrages ».
Alors qu’il se tourne vers l’avenir, il applaudit la volonté de RACCORD à soutenir la relève. « J’ai deux fils dans l’industrie. J’aime bien voir que RACCORD se diversifie. On a maintenant des membres qui font de tout, et je me sens toujours à l’aise de pouvoir poser des questions! », conclut le réalisateur ottavien.

D’autres membres qui ont profité du programme Plan séquence ont aussi connu des succès récents, tels que Marie-Claire Marcotte dont le tout premier long métrage Rêver en néon circule actuellement dans les festivals.
DÉFIS
Les organismes francophones sont en perpétuelle recherche de financement. Bruno Boëz soutient que la relance post-covid a été bien utile, mais qu’il faut désormais trouver une manière de maintenir ces services, en devant composer en plus avec l’inflation. « Heureusement, nous avons reçu une bonification de Patrimoine canadien sur trois ans, ce qui nous permet de stabiliser nos activités ». Le directeur général affirme toutefois que RACCORD est le seul organisme francophone national à ne pas bénéficier de soutien du Conseil des arts du Canada. Il soutient d’ailleurs avoir signalé cet enjeu au CAC.
Qui plus est, la répartition des fonds pour les projets francophones au pays sont aussi un enjeu qui préoccupe RACCORD. Et il existe un grand écart entre les fonds et les budgets alloués aux projets francophones et anglophones. « Avec l’Alliance des producteurs francophones du Canada, on travaille là-dessus », affirme-t-il.
La question du financement n’est évidemment pas que nationale. Julien Cadieux affirme que le financement régional est aussi un défi de taille. « Il y a beaucoup de projets, mais pas assez de fonds provinciaux pour les soutenir tous. Et on a vraiment hâte de voir un premier projet de long métrage de l’ONF en Acadie, car il n’y en a jamais eu ».
Perspectives 2024-2025
RACCORD s’attend à une année chargée et riche en activités. De nombreuses initiatives ont été mises en place pour célébrer les 20 ans de l’organisme. D’abord, Le Fric fait son festival est un projet de circulation d’œuvres réalisées par ses membres dans différents festivals ou événements culturels au pays. L’organisme se joindra à la Tournée Québec Cinéma, en plus d’assurer des places à ses membres lors d’événements de l’industrie, tels que les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM).