Ruée aux abonnés TikTok: serez-vous un pionnier de la plateforme?

TikTok est LA nouvelle application à avoir sur son téléphone. Sorte de croisement entre Vine et Musical.ly – rachetée par TikTok –, elle rejoint un public de jeunes amateurs de lipsync et de vidéos humoristiques. Est-ce l’heure pour les influenceurs de s’y intéresser? Plusieurs répondent «oui!» et rencontrent un succès inespéré. Introduction à la plateforme qui fait jaser.

«Quand j’ai publié ma première vidéo, ce n’était pas la plus réussie, ce n’était pas la plus drôle... Mais j’ai fait une chose: j’ai suivi la “tendance” […] mais en l’améliorant juste un peu. Et c’est devenu semi-viral», raconte Eric Struk dans une vidéo YouTube intitulée «How I Became TIK TOK Famous!»

Eric Struk est un jeune créateur de contenu de Sudbury, Ontario, présent sur YouTube depuis 2016. Ce n’est pourtant pas sur cette plateforme qu’il a connu son heure de gloire, mais bien sur TikTok, en seulement quelques mois d’utilisation.

Son compte a fait un premier bond de 75 000 abonnés grâce à des vidéos parodiant les «stéréotypes canadiens». Puis il a fracassé la marque du million d’abonnés avec une vidéo virale dans laquelle il promettait d’inscrire sur la camionnette de ses parents les noms de tous ceux qui aimeraient sa publication.

Ça donne une idée du ton – mais aussi du potentiel – de cette application fort populaire auprès des jeunes.

Selon les données de la firme App Ape Lab, 40% des utilisateurs de TikTok auraient moins de 20 ans et 66% auraient moins de 30 ans. En octobre 2018, TikTok a été l’application gratuite la plus téléchargée dans l’App Store. Elle figure parmi les meilleures applications gratuites de Google Play, ayant reçu la mention «Choix de l’équipe». Et pour toutes ces raisons, elle pique maintenant la curiosité des influenceurs et des marques.

TikTok: une plateforme où le contenu est Roi

«Je me suis donné comme objectif de devenir le plus gros Youtubeur/Tiktokeur québécois, lance au téléphone Kévin Marquis, qui a fait progresser son compte TikTok de 50 000 abonnés en trois mois. Je regrettais de ne pas m’être lancé dans l’aventure Vine. Cette fois, je me suis dit que je n’allais pas manquer mon coup. En ce moment, je mise sur la quantité en publiant quotidiennement.»

La force de TikTok, c’est de permettre à tout un chacun de se mettre en scène rapidement et sans complication, dans une courte vidéo avec musique et montage. On sélectionne une piste sonore et on appuie sur «Record». Les options de montage sont par la suite nombreuses et convaincantes: filtres, ralentis, reculons, transitions multiples, etc.

«TikTok est un hub de création incroyable, renchérit Gabrielle Madé, directrice générale et associée de l’agence de marketing d’influence Le Slingshot. On y trouve des vidéos de musique, d’humour, des reconstitutions de scènes de films. En comparaison, Instagram et YouTube appellent davantage à la confidence, même s’il y a aussi beaucoup d’humour sur ces plateformes.»

D’un point de vue de spectateur, TikTok se consomme comme du fast-food. Les clips de 15 et de 60 secondes défilent pêle-mêle dans la section «Pour toi»: les steppettes d’Howie Mandel, la séance de lipsync d’une fille en coton ouaté, les cascades d’un adolescent de banlieue, la vignette humoristique du Washington Post

Rien de transcendant. Mais suffisant pour redonner le sourire un jour de pluie.

«Il n’y a pas encore de vedettes à proprement parler, résume Frédéric Tremblay-Naud, directeur numérique et innovation chez Tam-TamTBWA. Mais il y a des visages qui reviennent souvent dans le “Pour toi”, autant du Québec que d’ailleurs. Jeunes, vieux, aucune importance. Sur TikTok, le contenu est Roi.»

De belles promesses marketing sur TikTok

ByteDance – l’entreprise chinoise derrière TikTok – n’a jusqu’ici ménagé aucun effort pour mousser sa plateforme. Elle a racheté sa concurrente Musical.ly, une application de création de vidéos de lipsync prisée des enfants. Puis elle a sorti des millions pour attirer la crème des Youtubeurs et des Instagrammeurs à son application.

La monétisation de TikTok demeure toutefois en chantier. On voit très peu de publicité dans la version canadienne de l’application – certains utilisateurs n’en voient aucune (!) – et, pour le moment, les entreprises d’ici ne peuvent pas s’annoncer directement sur la plateforme puisqu'il est nécessaire de passer par Facebook Audience Network.

On peut cependant observer des initiatives marketing intéressantes aux États-Unis. Parmi les campagnes les plus convaincantes, on note celle de Chipotle, qui a mis au défi les utilisateurs de TikTok de créer une vidéo «tendance» à thématique d’avocat utilisant le hashtag #GuacDance. Résultats: 250 000 vidéos soumises, 450 millions de vues générées et une hausse de 68% de la consommation d’avocats en restaurant.

Faire de l’argent sur TikTok? Pas encore au point!

Au Canada, les influenceurs ont l’option de passer en mode «professionnel,» afin de consulter leurs statistiques d’engagement. Mais ils ne peuvent pas monétiser leurs vidéos, comme c’est le cas sur YouTube.

Une première façon de faire de l’argent sur TikTok est de solliciter des dons, comme ça se fait sur Twitch. «TikTok a créé ce qu’on appelle des gifts, explique Kévin Marquis. Les gens qui regardent des séances en direct peuvent acheter des points et les remettre au créateur. Le Tiktokeur Kebekman a fait un live de 24 heures pour célébrer le fait d’avoir atteint les 80 000 abonnés. Il a alors recueilli 180 dollars américains.»

Bien sûr, il y a aussi la possibilité d’établir des partenariats avec des marques. Sarah Morissette, stratège de contenu chez Cossette, relate une expérience récente:

«Nous avons approché cinq créateurs de contenu canadiens pour promouvoir une marque de chips. Nous leur avons donné une ligne éditoriale et ils nous sont revenus avec des propositions. Les retombées sont toutefois difficiles à mesurer en l’absence d’outils d’analyse.»

L’agence Le Slingshot n’a pas encore reçu de demandes de partenariat. Mais Gabrielle Madé a bon espoir que les annonceurs soient au rendez-vous quand l’application déploiera sa plateforme publicitaire:

«Il existe vraiment beaucoup de catégories d’annonceurs qui veulent atteindre un public adolescent ou jeune adulte, car c’est à ce moment que l’on fixe ses habitudes de consommation. Il y a aussi des annonceurs publics, qui mènent des campagnes contre l’intimidation ou qui font la promotion de choix de carrière, par exemple.»

Quel avenir pour TikTok?

Créer le «buzz» autour d’une application est une chose, mais s’établir de manière durable dans le paysage numérique en est une autre. C’est pourquoi il est difficile de prédire ce que l’avenir réserve à TikTok.

On a vu, au cours des dernières années, des plateformes de médias sociaux connaître un départ canon pour ne jamais trouver leur public (Vero), manquer la cible de la profitabilité (Vine) ou se faire acheter par la concurrence (Instagram).

«C’est une belle plateforme qui a maintenant attiré l’œil des géants», conclut Frédéric Tremblay-Naud, pointant vers la rumeur selon laquelle Instagram travaille sur l’ajout de musique aux stories et sur le découpage vidéo, des fonctionnalités qui ressemblent drôlement à celles de TikTok. À cela s’ajoute la nouvelle de Google qui songe à acquérir Firework, une application mobile de partage de vidéos de 30 secondes…

La compétition, tout compte fait, s’annonce féroce!


Philippe Jean Poirier
Philippe Jean Poirier est un journaliste indépendant couvrant l'actualité numérique. Il explore l'impact quotidien des technologies numériques à travers des textes publiés sur Isarta Infos, La Presse, Les Affaires et FMC Veille.
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