TENDANCES 2012: La consécration du transmédia : un nouveau langage

 

Bien que le concept de « scénarisation transmédia » (« transmedia storytelling ») ne soit pas nouveau, il est appelé à prendre son envol cette année et à devenir plus que simplement une expression à la mode.

Henry Jenkins, éminent chercheur du MIT spécialisé en médias, est considéré par plusieurs comme le père du terme transmédia car il fut le premier à utiliser l’expression dans une publication en 2003. Depuis, l’expression a été utilisée à profusion (et parfois à tort et à travers…) mais dès cette année, nous estimons que cette approche multiplateforme sera démocratisée et mieux comprise.

Comscore a rendue publique en octobre dernier Digital Omnivores, une étude visant à définir l’homo-sapiens-digitalus, le nouveau consommateur de médias « standard » – en Amérique du Nord, en Asie et en Europe – qui possède et utilise plusieurs appareils.  Aujourd’hui, on accède au contenu concurremment, voire simultanément, à partir du téléviseur, de l’ordinateur personnel, du téléphone intelligent, de la tablette électronique et d’une pléthore d’autres appareils branchés.

Ce type de consommation demande de la dextérité et met de la pression sur les créateurs et distributeurs de contenu pour proposer du contenu engageant à ces utilisateurs devenus très habiles avec les médias numériques. Maintenant que s'élèvent de plus en plus les attentes des utilisateurs et les compétences des créateurs, la table est mise pour l’essor d’un nouveau langage.

D’ailleurs, quelle est la différence entre ce que certains appellent le "cross-média" (ou plurimédia)  et transmédia? Au moment de créer un projet, les producteurs de contenu peuvent choisir de raconter leur histoire à l’aide d’un média donné et décliner ou adapter ensuite l'histoire sur d'autres plateformes  pour permettre aux utilisateurs de vivre une expérience complémentaire selon le média choisi.  C’est ce qu’on entend par Cross-média.

Ils peuvent aussi opter pour une façon plus évoluée de raconter leur histoire en établissant les éléments de la même histoire sur différents médias qui forment tous un univers narratif et contribuent à créer une expérience narrative unique. C’est le transmédia.  Voici une simple analogie que propose Jeff Gomez de Starlight Runner Entertainment :

« Il y a lieu de considérer les différents médias comme des instruments de musique : ensemble, ils forment une symphonie. »

L’élaboration d’une expérience transmédia poussée ne doit cependant pas être un automatisme; on évalue le potentiel transmédia d’une oeuvre en jaugeant son PROPOS et sa PORTÉE.  Pour reprendre la métaphore musicale proposée par Gomez, cela signifie qu’on peut choisir d’écrire une sonate en trio, un solo de piano ou un ensemble pour orchestre.  Dans l’optique d’évaluer la stratégie la plus efficace pour offrir la meilleure expérience possible à leur auditoire, les créateurs de contenu et leurs partenaires devront encore mieux cerner les objectifs d’un projet donné, les caractéristiques qui différencient les diverses plateformes numériques et le marché ciblé par chacune. Simplement dit, un projet transmédia ne peut être une réflexion après coup. Soyez prêts à voir la scénarisation transmédia comme simplement un autre outil dans un coffre déjà bien garni de possibilités qui s’offrent au marché de la création de médias numériques. « La technologie et les libres marchés ont permis des niveaux sans précédent de personnalisation, d’individualisation et de réactivité. En conséquence, une politique de “formule unique” n’est plus attendue ou même acceptable. » – Robert Pratten, dans Getting Started in Transmedia.   


Catalina Briceño
Reconnue comme une communicatrice et mobilisatrice hors pair, Catalina Briceño accompagne depuis 20 ans des entreprises médiatiques et culturelles dans le développement et le déploiement d’initiatives de transformation numérique, d’innovation et de diversification. Parmi ses réalisations marquantes, mentionnons son rôle dans la croissance et le succès international des Têtes à claques (Salambo Productions) ainsi que la création et la direction du service de veille stratégique du Fonds des médias du Canada (2010-2018). Professeure invitée à l’École des médias de l’UQAM, elle partage aujourd’hui sa passion pour la veille stratégique et la réflexion prospective sur l’avenir de la télévision et des médias avec ses étudiants et ses collègues de l’industrie.
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