Un Québec à notre image
Par Jemmy Echaquan Dubé
Artiste multidisciplinaire, porte-parole du Réseau jeunesse des Premières Nations du Québec et du Labrador et ambassadrice pour Découvrons-NOUS
Si la Fête nationale est l’occasion de célébrer notre fierté en tant que peuple, pour beaucoup d’Autochtones, le 24 juin ou le 1er juillet se déroulent plutôt dans l’indifférence… C’est toujours un plaisir d’être invité aux célébrations, mais quand la fête se termine et que tout le monde rentre chez soi, la main tendue disparaît trop souvent pour le reste de l’année.
On oublie vite à quel point l’origine de la nation québécoise est indissociable des Premières Nations et des Inuits. C’est ce que nous rappelle d’ailleurs le Mois national de l’histoire autochtone, qui se déroule lui aussi en juin. Pour célébrer pleinement leur nation, c’est pendant tout un mois que les Québécois devraient festoyer et tisser des liens.
Cette insouciance qui persiste face à notre passé est compréhensible. L’actualité récente nous prouve encore à quel point, partout au Canada, les autorités étaient prêtes à tout pour effacer l’essence même de ce que nous sommes. Deux cent quinze enfants morts sont venus nous le rappeler brutalement. Depuis, 357 autres ont été découverts. Et combien d’autres encore auront été privés du droit d’exister, d’être aimés et de transmettre la richesse de leur culture? Tant de lumières éteintes à jamais.
Ce qui donne espoir, c’est que partout des voix s’élèvent pour raconter notre histoire, nos histoires, avec une multitude de regards. Ces voix sont nombreuses, variées, fières et inspirantes! Plus jamais on ne nous condamnera au silence.
Elles suivent le chemin tracé par des pionnières comme la grande Alanis Obomsawin qui a donné un écho à nos vies sur les écrans du monde entier. Des femmes comme Manon Barbeau qui a conduit son Wapikoni mobile vers nous, dans des villages isolés, en nous offrant la chance de nous faire entendre. Elles font partie des modèles qui nous ont donné envie de créer, de nous raconter, de voir grand et d’afficher bien haut nos couleurs parmi celles qui font la richesse du Québec. Elles ont ravivé notre fierté et, pour plusieurs comme moi, en tant qu’Atikamekw et artiste, elles nous ont donné des ailes!
Aujourd’hui, nous sommes nombreux à suivre leurs traces, comme la documentariste et sociologue Kim O’Bomsawin, avec laquelle j’ai eu le privilège de travailler. Avec des films comme Ce silence qui tue, sur le fléau des féminicides, ou Je m’appelle humain, sur la formidable poétesse Joséphine Bacon, elle présente un précieux miroir de nous-mêmes.
Je pense aussi au jeune réalisateur Raymond Caplin, de Listuguj, en Gaspésie. Grâce à son premier film d’animation Dans ton cœur, primé dans quelques festivals, ce décrocheur a trouvé sa voie. Il a obtenu un stage dans une école prestigieuse à Paris et a été admis, sans diplôme, à l’Université Concordia.
C’est portée par ces artistes et combien d’autres encore que j’ai accepté de devenir l’une des ambassadrices de la campagne Découvrons-NOUS, pour mettre de l’avant la richesse des œuvres et des créateurs de tous les horizons de notre société, notamment les Autochtones. Plus nos contenus seront accessibles et plus la vivacité de notre culture sera mise en lumière. Du petit au grand écran, des écoles aux festivals, nos œuvres rejoignent un public toujours plus grand et intéressé, en démystifiant qui nous sommes. Elles font tomber les préjugés, elles sensibilisent la population et suscitent une véritable conversation, à travers une diversité de points de vue. Par-dessus tout, elles permettent à des milliers de Québécois des nations autochtones de se reconnaître, en montrant enfin à l’écran un reflet juste et actuel du Québec d’aujourd’hui.
Pour la Fête nationale, je souhaite que ce vrai Québec soit de plus en plus visible. Que nous allions au-delà des stéréotypes, des symboles et des belles paroles. Que la main tendue le demeure en permanence. Que les caméras restent allumées. Que nous profitions du discours patriotique pour initier un véritable dialogue de réconciliation. Parce qu’en tant que Québécois, nous ne pouvons que grandir en apprenant les uns des autres.