Amazon Video, le plus grand concurrent de Netflix
Amazon a fait de grands pas en 2016 en gagnant ses premiers Emmy et en attirant des créateurs de haut niveau grâce à son approche inédite en matière de pilotes et ses sorties simultanées en salle et en ligne. Un bref retour sur son parcours et quelques prévisions démontrent la grande capacité à innover dont Amazon fait preuve.
De Amazon Unbox à Amazon Video
Amazon Unbox, d’abord lancé en 2006, a été rebaptisé Amazon Instant Video en 2011. Pour stimuler sa croissance, Amazon a fusionné ce service de vidéo avec Amazon Prime, son service de livraison gratuite illimitée par abonnement. En acquérant la société européenne de vidéo sur demande par abonnement (VSDA) européenne Lovefilm en 2011, Amazon faisait son entrée en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Autriche. Puis elle perçait en Asie avec un lancement au Japon en 2015. À la fin de 2016, elle sera présente en Inde, en France, en Italie et en Espagne. En avril dernier, Amazon lançait aux États-Unis un service de vidéo par abonnement à 8,99 $ par mois, séparé de Prime, pour livrer une plus forte concurrence sur ce marché très actif.
Dans l’univers naissant de la vidéo sur demande (VSD), Amazon est vraiment le concurrent le plus féroce de Netflix. Une analyse de trafic de la société Sandvine a révélé que sa part de marché toujours croissante venait derrière celles de Netflix et de YouTube. Pourtant il y a trois ans, Amazon ne figurait même pas parmi les dix plus grands services de VSD.
En janvier 2015, Amazon a récolté des prix Emmy pour Transparent, ce qui prouvait l’efficacité d’une stratégie de productions originales mise en place en 2006 avec Ridley et Tony Scott. En 2013, Amazon annonçait qu’elle produirait des séries originales et qu’elle avait élaboré une approche novatrice entourant la diffusion de pilotes. Celle-ci consistait à renverser l’approche classique des télédiffuseurs pour la démocratiser, en utilisant les données provenant de ses futurs clients pour choisir les productions dignes d’être produites pour une saison entière.
En 2014, Amazon déclarait qu’elle dépensait 1,3 milliard de dollars en contenu vidéo. Lors d’une téléconférence en juillet 2016, Brian Olsavsky, son directeur financier, a affirmé que l’entreprise comptait « presque doubler » ses investissements dans tous les types de contenu vidéo et « tripler » le nombre de ses productions originales d’ici la fin de l’année.
Amazon encourage généreusement le cinéma et la télévision indépendants
Avec ses innovations, son ouverture envers les artistes et son statut de « nouvel entrant » avec des moyens financiers considérables, Amazon a pu attirer des créateurs d’envergure, Woody Allen en tête de liste. En plus de ses trois nouvelles saisons de contenu télévisé original, Amazon a proposé Amazon Studios en 2015, prenant à son bord le vétéran de la production indépendante Ted Hope pour créer « Amazon Original Movies [...], une source de films qui émerveillent, enthousiasment et touchent nos clients, où qu’ils soient. »
Son équipe a créé un émoi au festival du film de Sundance 2016 et dans le marché en général en faisant, comme Netflix, l’acquisition de films indépendants moyennant plusieurs millions de dollars. Ted Hope a engagé Bob Berney, un autre vétéran de l’industrie, et son équipe travaille fort à attirer des talents de pointe pour changer la perception actuelle autour des productions pour VSD et VSDA.
Le marché du cinéma indépendant a beaucoup évolué : les antennes indépendantes des grands studios ont été éliminées (sauf Sony Pictures Classics) et les nouvelles maisons indépendantes ont connu des difficultés (Alchemy a déclaré faillite), Pendant ce temps, la stratégie consiste toujours à offrir majoritairement des films à grand budget dans les salles de cinéma.
Les producteurs de films moins conventionnels ont donc été contraints de réduire leurs enveloppes budgétaires (à titre de comparaison, le nouveau-venu Bryan Singer a réussi à trouver un financement de 6 M$ en 1994 pour Usual Suspects alors que la plupart des débutants de la production indépendante obtiennent aujourd’hui un maximum de 1 M$). Il leur a fallu attendre que de nouveaux acquéreurs comme Amazon et Netflix viennent rééquilibrer le marché.
Comme l’a résumé le Vanity Fair : « Bien qu’elles ne soient pas de nouvelles sociétés, Netflix et Amazon ont provoqué une onde de choc dans le processus d’acquisition cette année à Sundance. Elles n’y avaient fait aucun achat l’an dernier, mais durant les quatre premiers jours du festival 2016, elles ont acheté en tout sept films moyennant plus de 30 millions de dollars. Cela représente beaucoup d’abonnements mensuels à 8,99 $ et au service Prime. »
Amazon a conclu la plus grosse affaire au festival en payant 10 millions de dollars pour les droits de Manchester By The Sea, du réalisateur indépendant Kenneth Lonergan. Grâce à cet important investissement, Amazon compte lancer simultanément ses productions en salle et en ligne pendant la période d’automne généralement réservée aux films destinés à être oscarisés. Au cours de la prochaine Soirée des Oscar, il est possible qu’on entende pour la première fois des acteurs et des réalisateurs remercier Amazon pour son appui.
L’avenir : un mini-forfait de contenu de premier choix
En décembre dernier, dans ma revue des grandes tendances de 2015, j’ai fait référence à Amazon : « On comprend que les acquéreurs et créateurs de contenu soient très heureux de voir Netflix finalement affronter de la concurrence, et l’on constate une lutte pour l’acquisition des droits exclusifs de contenu de première qualité qui influe sur les prix demandés. »
La concurrence entre les deux principaux géants de la VSDA s’est visiblement intensifiée en 2016, chacun privilégiant une approche non-interventionniste pour attirer les meilleurs créateurs et un appétit en apparence insatiable pour du contenu financé à sa juste valeur.
Amazon peut désormais largement se mesurer à Netflix. Elle a mis en œuvre une très judicieuse stratégie comportant l’ajout d’abonnements à Starz, Showtime et Lifetime. Ainsi se réalise ma prédiction concernant l’arrivée d’un agrégateur de forfaits VSDA et de télévision par contournement dans l’univers numérique, ce qui rappelle l’avènement de la câblodistribution à une autre époque.
Forte de cette stratégie, Amazon devrait pouvoir concurrencer Netflix en proposant plus de contenu, et ce, sans casser sa tirelire. Ceci pourrait amener Amazon à avoir son propre boitier décodeur numérique et ainsi devenir une solution alternative à AppleTV et aux câblodistributeurs.
Hulu rend la concurrence encore plus rude en accueillant Time Warner parmi ses investisseurs, en lançant un service de diffusion en continu en direct (tentant ainsi de proposer le meilleur forfait de base allégé). Netflix a réussi à mettre en place le plus important service de contenu et à être présente dans plus de pays que les Nations unies. Elle négocie l’achat des droits internationaux exclusifs de ses acquisitions, ce qui pourrait pousser Amazon à investir des sommes supérieures à celles qu’elle avait annoncées. Avec tous ces acteurs de la scène de la VSD et de la VSDA et leurs gros budgets, la vie est belle pour les producteurs de contenu.