Ces leaders qui invitent la durabilité sur les plateaux en Amérique du Nord

Alors que le milieu de la production cinématographique et télévisuelle connaît une croissance significative depuis des années, tout particulièrement au Canada, la réduction du gaspillage et de l’empreinte carbone sur les plateaux de tournage représente plus que jamais un défi. Par exemple, en 2019 on estimait qu’une production moyenne entraînait le relâchement d’environ 500 tonnes métriques de CO2 dans l’atmosphère. Si l’on ajoute à cela le bois d’œuvre utilisé pour construire les décors, le travail des artisans, l’éclairage, les déplacements, les tournages hors-studio et les équipements de protection individuelle (EPI) nouvellement imposé par la pandémie, pas surprenant que les plateaux de tournage aient une incidence négative sur l’environnement.

C’est un véritable problème, qui a d’ailleurs entraîné la création de nombreux organismes au fil des ans, dont le Sustainable Production Forum (SPF) de Vancouver, Sustainable Media Production Canada, la Green Film School Alliance et la Sustainable Production Alliance (SPA). Celle-ci compte parmi ses membres de gros joueurs de l’industrie, dont Netflix, Amazon Studios, The Walt Disney Company, WarnerMedia, Viacom CBS, NBC Universal et Sony Pictures, et elle s’efforce depuis plus d’une décennie d’offrir des outils et des ressources aux productions nord-américaines facilitant l’adoption de pratiques plus écologiques à tous les échelons.  

En 2021, après une année déterminante où la pandémie a forcé tout le monde à revoir les meilleures pratiques, la SPA a saisi l’occasion pour repenser la question de la durabilité. «Nous avons révisé toutes les pratiques de tournage, mais aussi nos façons d’aborder la production sous l’angle de la durabilité, a dit Mike Slavich, directeur durabilité chez WarnerMedia. Ça nous a forcés à prendre un pas de recul, à analyser la situation et à nous demander comment on pouvait travailler de la façon la plus durable possible tout en assurant la sécurité des acteurs et des travailleurs.»

Transformer les meilleures pratiques

Pour réussir à implanter les meilleures pratiques à tous les échelons, la SPA a élaboré le Green Production Guide. Accessible en ligne, il propose des listes de vérification des pratiques durables, un outil de travail permettant le suivi du parcours du bois contreplaqué, un guide de soutien ainsi qu’un outil de calcul de l’empreinte carbone conçu pour permettre aux gestionnaires de reconsidérer l’utilisation qu’ils font de certaines ressources, mais aussi de réduire leurs dépenses. Le guide fait également la promotion de gestes qui auront une incidence positive sur l’environnement, comme l’utilisation de bouteilles réutilisables et de bois contreplaqué portant la certification FSC, l’installation de postes de remplissage mains-libres ou encore la communication d’information en ligne, pour ne distribuer des exemplaires papier que sur demande.

«Dans une industrie où les intervenants passent d’un projet à un autre (et d’un studio à un autre), il faut miser sur les collectifs pour mettre en place des méthodes universelles, affirme John Rego, vice-président à la durabilité chez Sony Pictures Entertainment. C’est en posant des gestes collectifs que nous aurons du succès de façon multidimentionnelle, a-t-il expliqué lors d’une table ronde sur la durabilité présentée sur Prime Time en janvier. C’est l’unicité de notre industrie qui a permis la création de la SPA… Quand beaucoup d’individus se déplacent au sein d’une industrie, il est très important de viser l’homogénéisation des pratiques. Il faut que tout le monde cible les mêmes objectifs, de sorte que nous ayons l’impression de consacrer du temps aux activités qui ont une plus grande incidence. »

Des pratiques qui étaient autrefois recommandées, comme donner les surplus de nourriture et de matériaux ou opter pour des assiettes et des ustensiles réutilisables, ont été mises de côté en raison des nouveaux protocoles sanitaires de l’ère post-COVID. Slavich révèle toutefois que les productions WarnerMedia ont «fait preuve de beaucoup de créativité pour tenter de maintenir certaines des pratiques d’avant la pandémie.» Parmi celles-ci, la réduction du gaspillage et la réutilisation des matériaux, mais aussi une diminution de la consommation d’énergie, entre autres grâce à l’éclairage à DEL sur les plateaux. Ils ont aussi choisi de s’appuyer sur des génératrices à batterie et d’établir des bureaux de production virtuelle, vu la réduction du nombre de personnes pouvant être présentes sur les plateaux en raison des protocoles sanitaires.

«Comment pouvons-nous nous y prendre pour accélérer les investissements dans ce domaine? demande Slavich. Nous réfléchissons à des façons de travailler avec les autres studios et les entreprises de diffusion en continu, mais il y a aussi les maillons de la chaîne d’approvisionnement, les fournisseurs, les autres acteurs de l’industrie, les villes, etc. Nous cherchons à collaborer avec eux pour accélérer l’innovation dans divers domaines. Nous devrons être créatifs pour que les changements systémiques auxquels nous aspirons se produisent.»

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S’attaquer au problème des génératrices

Les génératrices à moteur diesel (il en faut beaucoup sur le plateau d’une production à gros budget) représentent depuis longtemps le principal obstacle environnemental pour une production qui se veut écologique. La technologie s’est améliorée au fil des ans. Les génératrices à batterie constituent maintenant une option viable. Il existe également la possibilité de se brancher au réseau électrique dans les villes qui accueillent beaucoup de tournages, comme Vancouver, où les points de raccordement sont de plus en plus accessibles. Selon Slavich, les fournisseurs qui peuvent aider les productions à se brancher au réseau électrique là où il n’y a pas d’accès à des points de raccordement sont aujourd’hui plus nombreux. Ils contribuent à réduire l’empreinte carbone du processus d’électrification des productions. Slavich ajoute que d’autres villes (dont Los Angeles, New York, Atlanta et Londres, qui ont déjà des objectifs et des plans en matière de durabilité) ont été invitées à participer à la discussion sur la durabilité, qui ne fait toutefois que commencer.

«J’ai remarqué au cours des dernières années que beaucoup de productions avaient commencé à utiliser des génératrices à batterie, raconte Slavich. C’est un peu comme pour la technologie à DEL. Il y a 10 ans, c’était nouveau et, honnêtement, ce n’était pas aussi efficace que les ampoules traditionnelles au tungstène. Mais la technologie s’est améliorée depuis, et elle a été adoptée par l’industrie, pas seulement pour la diminution de la consommation d’énergie, mais aussi pour une question de performance, de qualité et de facilité d’utilisation.»

Se tourner vers l’avenir

La SPA encourage les producteurs à viser la durabilité dans tous les secteurs de l’industrie et à tous les échelons. Pour cela, il faut établir les intentions et les objectifs dès le premier jour. Ça peut se faire au même moment que la rencontre d’orientation touchant la sécurité sur les plateaux, lorsque tous les membres de la production sont réunis. Rego rappelle l’importance d’une bonne communication pour favoriser la constance dans les pratiques du début à la fin d’une production. C’est aussi la clé pour une entreprise quand vient le temps de transmettre efficacement ses objectifs et ses cibles en matière de durabilité.

«De plus en plus d’organisations se joignent à des collectifs, s’engagent à être plus durables ou confient à des gens la tâche de se concentrer sur la durabilité, a ajouté Rego lors de la table ronde diffusée sur Prime Time. Elles commencent également à dévoiler leurs cibles au public et à faire preuve de transparence quant à ce que tout cela représente. C’est difficile pour ceux d’entre nous qui n’ont pas fait ce pas en avant. Il faut nous demander pourquoi nous n’avons pas progressé et avec qui nous devons nous associer dans notre chaîne de production pour y parvenir. Plus nous collaborons, plus nous nous aidons mutuellement à progresser rapidement.»

Chez Sony, l’engagement a pris forme quand l’entreprise a promis de planter un arbre pour chaque jour passé dans un lieu de tournage spécifique. Puis, est né l’objectif d’éliminer toute empreinte environnementale d’ici 2050. Chez WarnerMedia, toutes les productions avec script doivent enregistrer leur empreinte carbone et mettre de l’avant les meilleures pratiques de l’entreprise en matière d’écologie. De leur côté, les studios NBC Universal misent sur l’énergie solaire sur leurs plateaux chaque fois que c’est possible. En 2020, ils ont fait un grand pas en avant et se sont engagés à générer assez d’énergie pour satisfaire environ la moitié des besoins annuels de leurs plateaux et bâtiments de bureaux associés. Cela leur permettra de réduire leurs émissions de CO2 de 652 tonnes métriques annuellement.

«Je crois que beaucoup d’équipes de production sont habituées de faire les choses d’une certaine façon, et il faut du temps pour s’adapter à ces technologies, dit Slavich en parlant de l’avenir de la production virtuelle, qui a connu une croissance rapide dans la foulée de la pandémie. Ce n’est pas toujours facile de changer les choses. Les outils et la technologie s’améliorent, mais il nous faudra du temps pour nous habituer. On verra ce que nous réserve l’avenir, mais l’important est de créer des outils pour nous donner des options.»

Pour approfondir le sujet:

Ecoutez l'épisode de la balado Now & Next "Rester éco-conscient sur le plateau pendant la COVID-19"


Amber Dowling
Basée à Toronto, Amber Dowling est une rédactrice spécialisée en lifestyle et en divertissement dont le travail a été publié dans plusieurs journaux, magazines et sites Web du Canada et des États-Unis. Ex-présidente de la Television Critics Association et ex-rédactrice en chef de TV Guide Canada, elle a écrit sur tous les aspects de l’âge d’or de la télévision et de son industrie pour des titres tels que Variety, The Hollywood Reporter, Indiewire, Playback, The Toronto Star et The Globe and Mail. Outre être une télévore, Amber est une grande voyageuse et une mère au penchant sérieux pour les rouges bien charnus et les fromages forts.
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