Drôle, la ménopause?

Jennifer Whalen nous parle de la ménopause et de ses retrouvailles avec Meredith MacNeill, avec qui elle partageait la réplique dans Baroness Von Sketch Show, sur le plateau de la nouvelle comédie Small Achievable Goals.

Selon Jennifer Whalen, on peut rire de la ménopause et de la périménopause.

La scénariste, actrice et productrice surtout connue pour son travail dans la comédie Baroness Von Sketch Show (aux côtés de Meredith MacNeill, Carolyn Taylor et Aurora Browne) revient à la télévision dans la série Small Achievable Goals.

Les épisodes de 30 minutes présentés à CBC la mettent en scène dans le rôle de Julie Muldoon, créatrice d’un balado pour lequel elle a remporté des prix, qui se rend soudainement compte que ses bouffées de chaleur, ses sueurs froides et sa colère latente ne sont pas causées par une surcharge de stress au travail. La ménopause vient de cogner à sa porte!

On lui demande de produire un balado avec Kris Fine (Meredith MacNeill), une star de TikTok anxieuse. En périménopause, cette dernière doit composer avec un flux menstruel démesuré, des crampes douloureuses et une peur envahissante de l’échec.

L’émission s’attaque aux tabous associés à la ménopause. Fidèles à leurs habitudes, Whalen et MacNeill transforment les moments inconfortables en fous rires.

En entrevue, Jennifer Whalen nous parle des facettes comiques de la ménopause, de l’importance de résister à l’envie d’être parfaite et de sa partenaire de jeu, qui n’hésite jamais à ramper sur les meubles.

Jennifer Whalen et Meredith MacNeill dans Small Achievable Goals. Crédit photo : CBC

D’où vient l’idée derrière Small Achievable Goals?

Ç’a commencé vers la fin de la pandémie. J’ai commencé à me rendre compte que j’étais peut-être ménopausée, et j’étais choquée d’en connaître aussi peu sur le sujet. Comme je suis une nerd, j’ai fait des recherches. Je ne savais rien sur la périménopause et j’ai réalisé que plusieurs symptômes à la fin de ma quarantaine - que je croyais être des signes de vieillissement ou de la fatigue - étaient en fait des symptômes de la périménopause. J’ignorais qu’ils étaient très, très fréquents. Quand on parle de la ménopause, c’est souvent de manière très sombre et déprimante, et j’ai eu besoin d’en rire. Je me suis dit qu’il était impossible que je sois la seule à me sentir comme ça. En parlant à Meredith, j’ai compris qu’elle vivait la même chose.

Avez-vous l’impression que ce projet est plus personnel que les autres auxquels vous avez collaboré?

J’ai travaillé sur des projets qui abordaient des sujets plus larges, alors étant donné la nature du sujet traité cette fois, je dirais que oui, c’est assurément plus personnel.

Est-ce qu’il y a eu de la résistance quand vous avez présenté cette comédie aux organismes de financement et aux diffuseurs?

C’est ce à quoi je m’attendais! J’avais élaboré tout un argumentaire pour expliquer aux gens pourquoi cette série est importante et pourquoi je devais lui donner vie, mais j’ai été surprise par l’accueil positif que nous avons eu. Les gens étaient vraiment intéressés. Et moi, je me disais : « Vraiment? J’ai ce super argumentaire! » C’était formidable et encourageant.

Est-ce qu’il y avait plus de femmes parmi les décideurs qu’à l’époque de Baroness Von Sketch Show, il y a une dizaine d’années?

Oui. Il y a beaucoup plus de femmes en télédiffusion qu’avant. Dans chaque réunion, il y avait au moins une femme qui était en âge de comprendre et qui disait : « Ohhh, oui, oui. »

Dans l’émission, vous allez loin dans l’humour. On voit clairement les effets physiques et émotionnels de la ménopause et de la périménopause. Vous êtes-vous demandé jusqu’où vous pouviez aller? 

Meredith et moi, on aime aller le plus loin possible. Meredith est fantastique, j’oserais même dire qu’elle est un génie du jeu comique, très physique. Certains trucs sont scénarisés, mais il nous arrive aussi d’improviser, et là ça va plus loin.

En regardant les scénarios, l’équipe de production nous disait: « Ça, c’est une cascade. » On se disait: « Vraiment? C’est une cascade? » On a dû tester tous les bureaux sur le plateau pour s’assurer qu’ils étaient assez solides, de sorte que si Meredith décidait de ramper dessus, il n’y aurait pas de danger.

La force de votre humour est de bousculer la perception sociale à l’égard des femmes.

Nous voulons que les femmes soient vues et qu’elles se reconnaissent dans cette comédie. Mais il y a aussi des gens qui m’ont dit: « Oh, mon Dieu, c’est tellement gênant. Vous faites tellement de choses embarrassantes! » C’est drôle, je n’avais jamais vu ça de cette manière. Ça en dit beaucoup sur notre perception des femmes, les erreurs qu’on commet et la gêne qu’on éprouve en société. Il y a tellement de pression pour que les femmes soient parfaites. Je pense que de remettre en question cette perfection, ou d’essayer très fort de faire ce qu’on attend de nous sans y parvenir, parle aux femmes.

On parle de plus en plus de la ménopause dans les médias, parfois de manière très efficace. En 2023, une série documentaire intitulée Loto-Méno a fait grand bruit au Québec. Grâce à cette série, des médicaments coûteux que les femmes prenaient sont désormais remboursés par le gouvernement québécois. Qu’est-ce qui fait, selon vous, que nous vivons ce changement?

Je crois que la volonté est là. Je pense aussi, pour reprendre votre point sur le Québec, que c’est un problème médical important pour toute personne qui a un utérus. Les conséquences sont considérables. Comme les femmes sont graduellement exclues du marché du travail, ça nous affecte économiquement. Ça peut aussi affecter nos relations ainsi que notre bien-être physique, mental et spirituel; nous sommes censées ne pas en parler et faire comme si de rien n’était.

Et pour vous, c’est un double coup dur, parce que vous travaillez dans une industrie où la jeunesse et la beauté prennent beaucoup de place.

Oui, c’est très décourageant. On nous propose des rôles de grands-parents. Socialement, les médias nous envoient le message que notre travail en tant qu’être humain est terminé. On a l’impression de tomber brutalement dans un ravin, et après tout est fini. Mais je pense qu’on vieillit différemment de nos jours. On prend plus soin de nous qu’avant. C’est intéressant: l’autre jour, j’ai vu une publicité à la télévision sur les personnes âgées, les 50 ans et plus. 50 ans? Il y a 40 ans peut-être, quand l’espérance de vie était de 70 ou 75 ans, mais aujourd’hui, les gens de 50 ans ne sont pas des personnes âgées. On vit de plus en plus longtemps. Il faut changer notre discours.

Qu’est-ce que vous aimeriez que le public retienne de Small Achievable Goals?

On veut que les gens aiment l’émission, bien sûr, mais aussi mettre fin aux stigmates entourant la ménopause et la périménopause. Si j’ai voulu faire cette émission, c’est entre autres pour essayer de trouver de bons modèles. Cette étape de la vie ne peut pas être entièrement négative!


Ingrid Randoja
Journaliste indépendante, Ingrid Randoja est l'ancienne responsable éditoriale de la section Film du magazine NOW de Toronto, l'ancienne rédactrice en chef adjointe du magazine Cineplex et l'une des membres fondateurs de la Toronto Film Critics Association.
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