InvestYYC : Leçons tirées d’une plateforme de financement participatif

Retour sur une plateforme ayant éprouvé des difficultés à se démarquer dans un marché dominé par Kickstarter et Indiegogo entre autres.

  • Nom de la plateforme : InvestYYC
  • Type de projet : plateforme de financement participatif réservée aux projets culturels de Calgary
  • Firme associée au développement : Katipult
  • Partenaires financiers : Alberta Foundation for the Arts, ATB Financial, Calgary Arts Development, Calgary 2012
  • Pays : Canada
  • Période d’activité : de novembre 2012 à janvier 2016
  • Frais : 7 % des dons en plus des frais de transaction

Après avoir remporté de francs succès au cours de ses deux premières années d’exploitation, la plateforme de financement participatif InvestYYC s’est tranquillement essoufflée jusqu’au point de cesser ses activités au début de 2016, et ce, jusqu’à nouvel ordre. Une analyse de la situation.

2012-2013 : Un départ en force

« InvestYYC a été développée en 2012 pour être un legs de l’année où Calgary était la capitale culturelle du Canada », explique Melissa Tuplin, agente d’investissement communautaire pour Calgary Arts Development, l’agence qui a hérité de la plateforme en 2013 et qui devait veiller à sa pérennité.

La plateforme dédiée aux artistes et aux organisations artistiques de Calgary devait permettre la mise en valeur de divers projets liés, par exemple, à la culture, à la danse, aux films, aux arts littéraires, à la musique et aux arts visuels.

« L’un des éléments différenciateurs d’InvestYYC était qu’il y avait une curation pour choisir les projets présentés », ajoute Mme Tuplin. Tant la viabilité que les mérites artistiques des projets étaient évalués.

Cette curation, combinée à l’enthousiasme suivant les célébrations à Calgary en 2012, a permis de faire d’InvestYYC une plateforme vivante. « Un esprit de communauté entourait la plateforme. Nous avions beaucoup de succès, tant par rapport à la quantité des projets proposés qu’à leur financement », se rappelle l’agente.

Deux autres facteurs ont contribué au succès d’InvestYYC des premières années.

« Chaque don donnait droit à un reçu électronique aux fins de l’impôt, ce que les autres plateformes ne font pas », explique Mme Tuplin.

La mesure n’a peut-être pas eu un grand effet sur tout le monde – un sondage interne a d’ailleurs indiqué que celle-ci n’était généralement pas une grande source de motivation pour les donateurs –, mais elle a tout de même pu exercer une influence sur les grands donateurs. Prenons l’exemple où un mécène faisait un don unique de 10 000 $ à un projet.

Pour Melissa Tuplin, un autre facteur a beaucoup plus contribué aux premiers succès d’InvestYYC. Au début de 2013, Calgary Arts Development avait annoncé son intention d’égaler les premiers 50 000 $ amassés en dons par la plateforme. « Voir que leur investissement était multiplié était très encourageant pour les donateurs », estime l’agente.

Les 50 000 $ promis par Calgary Arts Development ont été distribués en moins de deux mois, et plus de 30 projets ont pu en bénéficier.

2014-2016 : L’essoufflement

Dès 2014, InvestYYC s’est mise à ralentir rapidement. « Nous avons observé une baisse des dons et du taux de réussite des projets, mais il y a aussi eu une baisse marquée du nombre d’artistes intéressés à profiter de la plateforme », résume Mme Tuplin.

Selon elle, plusieurs facteurs contribuent à expliquer cette diminution.

« Pour les artistes, le site était accompagné d’une bureaucratie plus considérable que celle associée à Kickstarter et Indiegogo », explique-t-elle. La curation de la plateforme, même si elle avait ses avantages et si elle était nécessaire compte tenu des incitatifs fiscaux auxquels les dons donnaient droit, faisait que le processus pour lancer une campagne pouvait prendre jusqu’à un mois.

« En plus, il fallait attendre trois mois après la fin de la campagne pour toucher ses fonds », se désole Mélissa Tuplin. Considérant la durée des campagnes, les artistes devaient parfois s’inscrire à InvestYYC un an avant le début de leur projet s’ils voulaient recevoir leur argent à temps.

De plus, si l’effort supplémentaire pouvait valoir la peine au lancement d’InvestYYC, alors que plusieurs donateurs consultaient fréquemment la plateforme, ce n’était plus le cas dans les dernières années.

L’exode des artistes et des donateurs s’est évidemment fait sentir dans les résultats d’InvestYYC. De plus de 30 projets financés en 2013, InvestYYC est passée à 18 projets en 2014, puis à seulement dix en 2015.

La plateforme a cessé ses activités le 1er janvier 2016 après avoir permis d’amasser plus de 500 000 $ en l’espace de quatre ans.

2017 et après : Quel avenir pour InvestYYC?

Même si InvestYYC n’accepte plus de nouveaux projets, la plateforme existe toujours et Calgary Arts Development n’a pas l’intention de s’en débarrasser. « Nous possédons le code de sur lequel repose le site. Nous voulons toutefois évaluer comment utiliser la plateforme d’une façon plus large que le financement participatif traditionnel », explique Mme Tuplin.

La plateforme a d’ailleurs déjà été utilisée autrement, notamment pour amasser de l’argent pour les victimes des inondations de Calgary en 2013. « C’était une façon rapide pour nous d’amasser de l’argent », résume l’agente.

Chose certaine, offrir un service à l’Indiegogo ou la Kickstarter n’est pas la solution. « Nous ne pouvons pas être concurrentiels avec ces plateformes, car elles sont plus intuitives et plus simples et proposent des échéanciers plus conviviaux », soutient Mme Tuplin.

Peu importe la forme que prendra la prochaine version d’InvestYYC, celle-ci se devra d’être plus efficace qu’auparavant. « À la fin, on investissait beaucoup trop de temps dans la plateforme par rapport à l’argent amassé. Si le site renaît, il faudra s’assurer qu’il soit plus efficace afin d’assurer un processus durable », croit l’agente.

Pour cette dernière, une plateforme comme InvestYYC peut servir à plusieurs fins communautaires utiles. Il ne reste qu’à trouver la forme qu’elle prendra.


Industry & Market Trends | Veille stratégique
L’équipe de veille stratégique est composée de la directrice de la veille stratégique Catherine Mathys, des analystes Pierre Tanguay et Sabrina Dubé-Morneau, ainsi que de la coordonnatrice éditoriale Laurianne Désormiers. Ensemble, ils rédigent annuellement un rapport sur les tendances dans l’industrie de l’audiovisuel.
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