L’ère du tout vidéo sur les réseaux sociaux
La vidéo a pris d’assaut les réseaux sociaux, changeant du même coup la façon de créer du contenu. Quelle incidence ce virage social a-t-il eue sur la vidéo et comment en tirer profit ?
Qu’elle soit diffusée en direct ou en différé, d’une durée d’une heure ou d’une minute, avec ou sans volet audio, la vidéo est en train d’inonder tous les canaux Internet à commencer par les réseaux sociaux.
La vidéo a désormais détrôné le texte au cœur des algorithmes sociaux tant choyés par les annonceurs et les diffuseurs. Nicola Mendelsohn, vice-présidente de Facebook Europe Moyen-Orient et Afrique, a déclaré ceci en 2016 dans le cadre d’une conférence : « D’ici cinq ans, Facebook sera définitivement mobile et probablement tout vidéo. On observe déjà un déclin de l’utilisation du texte et une augmentation impressionnante du nombre de vidéos. Donc, si je devais faire une prévision, ce serait celle-ci : vidéo, vidéo, vidéo. »
Il n’est donc pas étonnant que les créateurs et les producteurs s’intéressent de plus en plus à la diffusion de leurs vidéos sur les réseaux sociaux. Mais quelles sont les incidences des réseaux sociaux sur la création vidéo ?
À chaque réseau sa génération et ses usages
En février 2017, Brightcove a dévoilé les résultats d’une étude réalisée auprès de plus de 5 500 Européens sur « la science de la vidéo sociale ». Ces résultats devraient intéresser les entreprises souhaitant utiliser le format vidéo sur les réseaux sociaux pour accroître leur visibilité et – pourquoi pas – leurs ventes.
Cette étude fait ressortir des différences générationnelles en ce qui concerne les habitudes de visionnement, l’engagement vis-à-vis des vidéos proposées ainsi que le fameux taux de conversion. En voici les principaux enseignements :
- Les 18-25 ans squattent Snapchat et Instagram : Ce sont ceux qui consacrent le plus de temps à regarder des vidéos sur les réseaux sociaux, soit neuf heures par semaine en moyenne. Ils regardent moins de vidéos sur Facebook que les autres générations, mais ils affectionnent particulièrement Snapchat et Instagram, qui accaparent actuellement 9 % et 8 % respectivement de leur temps consacré au visionnement de contenu.
- Les 26-34 ans font confiance aux marques et interagissent avec elles : Ce sont ceux qui font le plus confiance au contenu des marques (à 51 %) et des éditeurs (à 53 %). C’est une génération qui interagit beaucoup avec les marques sur les réseaux sociaux : 89 %, contre 80 % en moyenne. Cette tranche d’âge est aussi la plus susceptible d’effectuer un achat après avoir regardé la vidéo d’une marque. D’ailleurs, 60 % affirment l’avoir fait.
- Les 55 ans et plus sont accros aux vidéos sur Facebook : Si YouTube est de loin la plateforme privilégiée pour le visionnement de vidéos, toutes générations confondues, les 55 ans et plus regardent autant de vidéos sur YouTube (48 %) que sur Facebook (47 %). En revanche, ils se méfient beaucoup des influenceurs. Près d’une personne sur deux (46 %) ne ferait pas confiance au contenu vidéo d’une célébrité ou d’un blogueur, alors que 80 % feraient confiance à tout contenu recommandé par un membre de la famille ou un ami.
Comme dans une boîte de nuit, l’important est de se démarquer
Face aux sollicitations constantes, l’enjeu pour les entreprises ou les créateurs de contenus est donc d’arriver à se distinguer et à créer un lien privilégié avec l’auditoire. « Internet, c’est comme une boîte de nuit, déclarait Pierre Orlac’h, responsable des contenus du site Gentside dans le cadre du Web Program Festival 2017. Il y a des milliers de personnes à l’intérieur. Donc, comment fais-je pour arriver à attirer quelqu’un dans la masse et à créer une relation intime avec lui ? ».
Orlac’h dirige un site en constante progression, ayant accueilli près de 50 millions de visiteurs uniques en mars 2017, alors que son groupe publie 3 600 vidéos par mois. « Gentside est un site très “affinitaire”. On a développé 13 chaînes vidéo selon 13 thématiques différentes et très ciblées. Par exemple, aujourd’hui, on ne va plus lancer une chaîne sur le jeu vidéo en général, mais sur un jeu vidéo précis. Parce qu’on sait que sur un seul jeu vidéo, il y a une vraie communauté, une vraie passion qui incitera les gens à revenir régulièrement. On est dans la niche de la niche ».
Toujours au Web Program Festival, Laure Lefèvre, cofondatrice de MinuteBuzz, abondait dans son sens : « On a commencé par faire du texte, mais, très rapidement, on s’est tourné vers la vidéo, tout simplement parce qu’on est tout le temps en train de regarder nos algorithmes ! » Souvent présenté comme le « Buzzfeed français », ce média créé en 2010 a décidé de supprimer son site Web en 2016 pour se consacrer à 100 % au viral et à la vidéo.
Apparemment, le pari s’est révélé payant, car le chiffre d’affaires du média aux 4 millions de fans Facebook est en constante augmentation. En 2016, ils ont en outre été rachetés par la chaîne de télévision TF1. « L’important, c’est de ne pas oublier pourquoi on fait ça : on est là pour donner un moment de sourire quotidien à nos internautes », rajoute-t-elle.
« Aujourd’hui, on n’a plus une stratégie au coup par coup, par plateforme ou par série Web. Notre objectif pour la marque est de ressortir en permanence dans les favoris de tout le monde. On doit avoir une stratégie globale. On publie 30 éléments de contenu par jour entre nos quatre différentes marques. Chaque vidéo doit avoir le même esprit, la même colonne vertébrale, quel que soit le sujet. La forme évolue constamment, mais le fond doit rester le même. »
Le contenu prime
Chef du contenu chez Kanta Media, Marie Dollé a constaté un fort développement des vidéos virales créées par des marques en France. Une dernière étude de Kantar constate une progression de 21 % du nombre de vidéos par rapport à 2015, avec 9 250 vidéos virales publiées en 2016. Cette migration inexorable des vidéos et des marques vers les réseaux sociaux influe sur la façon dont elles sont écrites.
« Au départ, on était vraiment dans du contenu de marque, alors que, maintenant, on est plus dans du marketing de contenu, remarque l’experte des médias. L’idée est désormais d’apporter de la valeur au consommateur : la vidéo doit avoir un intérêt réel pour l’internaute, ce qui explique que de nombreuses marques développent des chaînes vidéo avec des tutoriels, des magazines d’info, etc. La marque est beaucoup plus en retrait. »
La recherche d’un contenu de qualité, c’est également ce qui a poussé de nombreuses marques à lancer leurs propres webséries en 2016 : « Elles permettent de créer un rendez-vous régulier avec les auditoires et d’intégrer la marque de manière contextualisée, sans générer un phénomène de rejet publicitaire, ce qui est un très bon argument à l’heure où l’usage des adblockers est en constante progression ! »
Une autre incidence majeure des réseaux sociaux sur les vidéos virales se traduit par la présence de plus en plus forte d’influenceurs comme des Youtubeurs et des blogueurs entre autres. « Avant, une marque allait voir un Youtubeur pour l’intégrer dans son univers. Maintenant, c’est l’inverse, c’est le Youtubeur qui accueillera la marque dans son univers. Il y a une dynamique de co-création et une plus grande liberté laissée au Youtubeur, car c’est lui qui connaît sa communauté le mieux. »
Dans la forme et l’habillage des vidéos, la marque des réseaux sociaux se fait également sentir. Marie Dollé explique que les réseaux sociaux permettent aux marques de prendre la parole différemment : « Les marques peuvent proposer des formats plus longs que les spots à la télévision, mais aussi s’adresser aux nouvelles générations en leur racontant une histoire en lien avec leur identité, leur territoire et leurs valeurs, ce qu’on appelle du storytelling. » Les vidéos adoptent les nouvelles écritures en vogue, et il est devenu monnaie courante d’utiliser des émojis et d’autres filtres Snapchat dans les vidéos. C’est une façon de montrer à un jeune public que la marque est en phase avec son époque.
Et demain ?
Le mariage entre vidéo et réseaux sociaux n’en est donc qu’à ses débuts. Le phénomène est bien parti pour s’accélérer avec la systématisation du « live streaming » (la diffusion en continu en direct) et le développement annoncé des vidéos 360 degrés et de la réalité virtuelle, notamment sur Facebook. Certains, comme Snap (la maison mère de Snapchat), semblent davantage parier sur la réalité augmentée. L’entreprise d’Evan Spiegel, qui se présente désormais comme une « société caméra », devrait continuer d’innover en proposant des formats hybrides à la croisée de ses lunettes-caméras et des drones sur lesquels il se murmure que la firme d’Evan Spiegel travaille depuis quelque temps... À suivre dans notre prochaine vidéo !