Pleins feux sur Tracey Deer
Enfant de Kahnawake, Tracey Deer n’oubliera jamais le jour où elle et sa famille ont reçu une volée de roches lancées par une foule en colère. C’était pendant la crise d’Oka, et la police est restée les bras croisés. Cet événement troublant a eu un impact important sur la femme et l’artiste qu’elle est devenue. Il est d’ailleurs recréé dans son premier long métrage Beans, primé à la Berlinale, au TIFF et élu Meilleur film aux prix Écrans canadiens cette année.
« Ce que cet événement m’a dit, c’est que je ne valais rien. Si ces adultes étaient capables de nous faire ça et que c’était OK pour les policiers, c’est tout ce que mon esprit de jeune de 12 ans pouvait se dire », se souvient la cinéaste mohawk.
Tourné avec l’appui financier du FMC, Beans met en parallèle cette sombre crise de l’histoire canadienne et la crise d’adolescence d’une jeune fille qui réalise brutalement ce que cela signifie d’être une Autochtone dans ce pays. Pour la cinéaste, encore très marquée par les chars d’assaut pointés sur sa communauté à l’époque, il fallait que cette fillette soit vue, entendue et comprise.
« C’est tellement important que notre monde devienne plus sûr et accueillant pour les peoples autochtones, les enfants autochtones. Je veux que les Canadiens se sentent concernés et qu’ils s’impliquent pour que les choses s’améliorent. »
À travers tout ce qu’elle crée, comme la série remarquée Mohawk Girls, Tracey vise toujours le même objectif : bâtir des ponts avec la population en humanisant les enjeux à travers ses personnages. « J’espère que les gens voient l’effet dévastateur que cela a eu sur nous et qu’ils se sentent habités du pouvoir de changer les choses. Ce film est un appel à l’action pour que ce genre d’événement n’arrive plus, pour que nos jeunes autochtones puissent rêver et croire que tout est possible. »