Quelle probabilité a votre campagne de financement participatif de réussir?

La réponse est simple : tout dépend du projet, de la plateforme utilisée et d’autres facteurs liés aux particularités de la campagne.

Bien que les médias regorgent d’exemples de réussites, en réalité, bon nombre – sinon la plupart – des campagnes de financement participatif n’atteignent pas leur objectif ultime. En effet, selon le rapport Crowdfunding Industry Report de 2013 de Massolution, le taux de réussite global moyen des campagnes se situait autour de 50 % en 2012.

La plateforme

Il semble y avoir effectivement une variation entre les diverses plateformes quant aux taux de réussite des campagnes de financement, mais ce genre de comparaison peut être passablement difficile à établir. Ainsi, le taux de réussite global des projets hébergés sur Kickstarter est d’un peu moins de 44 % en janvier 2014, tandis qu’une analyse récente du site Indiegogo (voir l’article ici et les données brutes ici) indique un taux de réussite global légèrement inférieur (34 %) en incluant uniquement les projets ayant reçu un financement de plus de 500 $ et de moins de 10 % lorsque tous les projets sont pris en compte.

L’écart entre ces deux plateformes peut dépendre en partie de la différence de modèle de financement. Indiegogo débloquera des fonds même dans le cas de projets qui n’ont atteint que partiellement leur objectif, ce qui permet aux responsables d’une campagne de fixer des objectifs très ambitieux qui pourraient ne pas être réalisés. Ceci pourrait contribuer à gonfler le nombre de projets considérés comme des échecs. Indiegogo impose aussi moins de contraintes quant aux types de projets admissibles sur la plateforme, ce qui pourrait favoriser la présence de projets de nature plus spéculative ou plus risquée et là encore affecter le taux de réussite global.

À l’inverse, les campagnes hébergées par Kickstarter doivent atteindre leur objectif pour recevoir des fonds. L’imposition de cette contrainte peut également inciter les auteurs des campagnes inscrites sur Kickstarter à travailler plus fort pour réaliser leurs objectifs – ou à en fixer de plus bas –, puisqu’ils ne recevront aucuns fonds à moins d’avoir « entièrement » atteint leur but.

En dépit du taux de réussite apparemment faible d’Indiegogo, les plateformes plus importantes et plus établies, qui attirent généralement davantage de trafic, tendent à afficher des taux de réussite supérieurs à ceux des plateformes plus modestes ou plus récentes, où un projet pourrait être moins largement diffusé. Par exemple, le taux de réussite moyen actuel de Kickstarter est d’un peu moins de 44 %, tandis que celui de Rockethub, une plateforme de financement participatif elle aussi axée sur les dons ou les récompenses, connaît un taux de succès global d’à peine 11 %, selon les informations fournies par crowdsunite.com.

De plus, certaines plateformes filtrent ou sélectionnent leurs projets, ce qui peut gonfler artificiellement leur taux de réussite, étant donné que de nombreux projets sous-optimaux risquent de ne pas être approuvés. Une de ces plateformes est Ulule, établie en France, qui ne retient qu’environ 65 % des projets soumis et peut ainsi afficher un taux de réussite total de 54 %.

Il faut donc prendre avec précaution les comparaisons entre les taux de réussite des diverses plateformes puisqu’ils sont influencés par un grand nombre de variables qui se chevauchent, à savoir la taille de la plateforme, la part qu’elle accorde à la sélection des projets, son modèle de financement (tout ou rien ou flexible), la durée de la campagne et les critères d’admissibilité de la plateforme.

Vu les chances somme toute relativement faibles de réussite, il importe d’envisager de manière réaliste la probabilité de succès de sa campagne avant d’y investir un temps et des efforts considérables. Même une recherche et une préparation approfondies (voir les bonnes pratiques) ne sont pas des garanties de succès.

Une étude indique que le choix de la plateforme pourrait être le facteur le plus déterminant du succès potentiel d’un projet. Cela dit, il faut comprendre de quelle manière les autres facteurs peuvent conditionner la probabilité de réussite de votre projet. L’information colligée ci-dessous donne un aperçu des divers facteurs susceptibles d’influer sur le succès éventuel d’une campagne.

Le modèle de financement participatif

Les différents niveaux de risque perçus par le donateur ou l’accessibilité du modèle peuvent influencer considérablement les chances de succès d’un modèle de financement participatif.

Par exemple, le modèle axé sur les valeurs mobilières est actuellement victime d’un cadre juridique aux contours mal définis et d’une réglementation pesante dans de nombreux territoires de compétence, ce qui réduit son taux de réussite, et ce, bien que les craintes de fraude se soient jusqu’ici révélées non fondées  puisqu’il n’y a pas eu le moindre cas de fraude dans les six plateformes de valeurs mobilières surveillées par thecrowdcafe.com et qui couvraient au total 3 000 rondes fructueuses de financement par investissement.

À l’inverse, d’après Massolution, les modèles de prêts ont tendance à connaître un énorme succès, avec un taux de réussite de 91 %, principalement attribuable à la popularité des microprêts, qui présentent la plus grande probabilité de succès de tous les types de campagnes de financement participatif.

Enfin, les taux de succès des modèles axés sur les modèles du don (y compris don avec récompense), les valeurs mobilières et les préventes se situent entre 40 % et 50 %, soit entre les deux « extrêmes » mentionnés précédemment.

Le type de projet

Certains projets conviennent mieux que d’autres au financement participatif. À la lumière des statistiques publiées sur le site de Kickstarter, les projets de jeux présentés sur la plateforme connaissent un taux de réussite de près de 35 %, alors que les projets de films et de vidéos affichent un taux de presque 40 %. Les catégories de projets récoltant les taux de réussite les plus élevés sont la danse (71 %), le théâtre (64 %) et la musique (55 %). Soulignons néanmoins que les projets de danse ou de théâtre ne représentent qu’une infime portion des activités de Kickstarter, aussi bien en ce qui trait au nombre de projets qu’aux sommes totales amassées. D’autres diront qu’il est plus facile de collecter quelques milliers de dollars que quelques centaines de milliers…

L’élan initial

L’un des principaux facteurs de réussite d’un projet de financement participatif réside dans la capacité à donner suffisamment de dynamisme à la campagne – surtout dans les premiers jours suivant son lancement – et puis à maintenir le rythme. En effet, selon les statistiques présentées par Kickstarter, une fois qu’une campagne a atteint 20 % de son objectif initial, la probabilité que le projet parvienne à son but est de 80 %. Seedrs indiquequ’après avoir franchi le cap des 30 %, une campagne verra son taux de réussite grimper à 90 % (comparativement à seulement 50 % pour une campagne ayant atteint 5 % de son objectif). Et plus vite la campagne prend son essor, meilleures sont ses chances : les campagnes ayant atteint la marque des 30 % dans la première semaine affichent un taux de réussite supérieur. Jusqu’à présent, Seedrs a observé un taux de réussite de 100 % pour les projets ayant atteint 35 % de leur objectif de financement.

Cela dit, le moment décisif d’une campagne varie également en fonction de l’ampleur de son objectif, selon une analyse menée par le professeur Ethan Mollick et la blogueuse Jeanne Pi. Comme on peut s’y attendre, plus l’objectif est élevé, plus le pourcentage décisif le sera aussi. Par exemple, pour faire passer leurs chances de succès à 80 %, les projets dont l’objectif est de 100 000 $ ou plus doivent atteindre 65 % de cet objectif, alors que les projets dont l’objectif est de 10 000 $ ou moins n’ont besoin d’atteindre que 15 % de cet objectif.

Le retentissement

Les chiffres le confirment : plus votre campagne est publicisée, plus ses chances de succès sont élevées. Et l’une des meilleures façons de faire connaître votre projet est par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Mollick et Pi indiquent qu’un projet type ne bénéficiant que d’un réseau social de 10 amis ou abonnés aura un taux de réussite de 9 %, tandis qu’un auteur de projet ayant un réseau de 1 000 amis ou abonnés fera grimper son taux de réussite à 40 %.

En outre, le fait d’être mis en vedette par la plateforme de votre choix est un facteur clé de réussite, puisque cela procure à la campagne une visibilité supplémentaire qui lui permet de maintenir son élan. D’après l’analyse effectuée par Mollick et Pi, les projets mis en vedette par Kickstarter affichent un taux de réussite de 89 %, comparativement à une moyenne de 30 % pour les projets qui ne le sont pas. Le problème, c’est que votre campagne doit avoir déjà pris un essor suffisant pour être mise en vedette.

La durée de la campagne

Le choix d’une bonne durée pour une campagne de financement participatif est un facteur de succès (ou d’échec) important. Entre le fait de donner au public assez de temps pour prendre part à la campagne et l’essoufflement causé par un échéancier trop long qui épuise ou décourage l’équipe, il est nécessaire de trouver un compromis. Parfois, une campagne plus longue peut être associée à une diminution de ses chances de succès. Par exemple, un projet moyen dont l’objectif de financement est de 10 000 $ aura une probabilité de réussite de 35 % si la campagne dure 30 jours, alors que cette probabilité tombera à 29 % dans le cas d’une campagne de 60 jours. D’après les observations publiées par Indiegogo, la durée de campagne optimale se situerait autour de 45 jours.


Industry & Market Trends | Veille stratégique
L’équipe de veille stratégique est composée de la directrice de la veille stratégique Catherine Mathys, des analystes Pierre Tanguay et Sabrina Dubé-Morneau, ainsi que de la coordonnatrice éditoriale Laurianne Désormiers. Ensemble, ils rédigent annuellement un rapport sur les tendances dans l’industrie de l’audiovisuel.
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