Rapport de surveillance des communications 2017 du CRTC : la montée de la télé sur Internet
Le Rapport de surveillance des communications du CRTC présente pour la première fois cette année des données sur les revenus des services offerts sur Internet. Le constat est clair : les services de vidéo sur demande ont la cote.
Bon an, mal an, le Rapport de surveillance des communications du CRTC, qui évalue l’état de santé du système de communication canadien, mesure la mutation de ce système vers un avenir dont les contours se précisent de plus en plus.
Dans cet univers où convergent deux secteurs jadis très distincts, les télécommunications maintiennent leur position dominante – représentant 70 % des revenus totaux – grâce à la fourniture de services sans fil mobiles et de services Internet, tandis que le secteur de la radiodiffusion poursuit son lent déclin attribuable surtout à la baisse des revenus publicitaires tirés de la télévision traditionnelle. Cette baisse est en partie compensée par la hausse des revenus d’abonnement des services facultatifs.
Source: Tableau 2.0.1 – Revenus annuels du secteur des services de communication (en milliards de dollars). Données recueillies par le CRTC.
Chaque année, parmi les indicateurs répartis entre 172 tableaux et 150 graphiques, les médias retiennent surtout le fait que les indices du secteur de la télévision glissent vers de nouveaux territoires. En effet, le taux d’adoption de la télévision en ligne au Canada a atteint un sommet en 2016, 58 % des Canadiens de 18 ans et plus ayant affirmé avoir regardé la télé sur Internet. C’est ce que l’Observateur des technologies médias (OTM) définit comme le visionnement ou l’écoute en continu d’émissions de télévision ou de clips diffusés sur Internet. Quant aux 18-34 ans, ils sont maintenant 23 % à consommer la télévision uniquement sur Internet.
Le phénomène de la télévision en ligne, en marge du système de radiodiffusion il n’y a pas si longtemps, y est désormais bien intégré.
C’est à un point tel que, dans le secteur de la télévision, rebaptisé « secteur de la programmation de télévision », on ne trouve plus d’occurrences de l’expression « télévision par contournement » et sont inclus, pour la première fois, les revenus des services canadiens et étrangers de vidéo sur demande par Internet (estimés par une firme indépendante, OVUM) accessibles au Canada.
La télévision traditionnelle dépassée par la télévision en ligne
En 2016, selon les estimations d’OVUM, les revenus de la télévision en ligne ont dépassé pour la première fois ceux de la télévision privée traditionnelle, soit l’un des éléments fondateurs du système canadien de radiodiffusion.
Sources : Tableaux 4.2.1 Revenus des services de télévision, par type de service (données recueillies par le CRTC) et 4.2.5 Revenus estimatifs des services vidéo par Internet, au Canada, par type de service (OVUM 2016).
Il est toutefois important de noter que les revenus de tous les services de télévision confondus (services de télévision traditionnelle et services facultatifs) sont encore largement supérieurs à ceux des services vidéo par Internet.
Au total, les revenus des services de programmation de télévision accessibles au Canada en 2016, distribués par voie traditionnelle ou par Internet, auraient atteint 9 234 millions de dollars (un montant que l’on obtient en additionnant les données recueillies par le CRTC à celles estimées par OVUM). La télévision en ligne aurait pour sa part récolté 21 % de ces revenus. Cette proportion était de 8 % il y a à peine quatre ans.
Sources : Tableaux 4.2.1 Revenus des services de télévision, par type de service (millions $) et 4.2.5 Revenus estimatifs des services vidéo par Internet, au Canada, par type de service. Services facultatifs comprend : services spécialisés, payants, à la carte et vidéo sur demande détenant une licence du CRTC. VSD par Internet comprend : vidéo sur demande par abonnement (VSDA), vidéo sur demande transactionnelle (VSDT) et vidéo sur demande financée par la publicité (VSDFP).
L’écran planétaire
Dans le secteur des services vidéo par Internet, les services par abonnement (VSDA) ont récolté la part du lion des revenus (55 %), tandis que les services transactionnels (VSDT) et ceux financés par la publicité (VSDFP) se sont partagés le reste à parts presque égales. Sans surprise, ayant encaissé des revenus estimés de 766 millions de dollars, c’est Netflix qui domine avec 70 % des revenus dans sa catégorie et 39 % des revenus totaux.
Source : OVUM, 2016
Cela dit, selon les estimations d’OVUM, ce sont les services financés par la publicité qui ont enregistré la plus forte croissance entre 2015 et 2016. Ainsi, la part des revenus estimatifs générés par Facebook dans cette catégorie, bien que ces revenus demeurent modestes par rapport à ceux générés par YouTube, est passée de 6 % en 2015 à 14 % en 2016 – une croissance sur douze mois de 176 %.
Justement, Facebook annonçait récemment que ses ventes publicitaires avaient dépassé le cap des 10 milliards de dollars au cours du troisième trimestre de l’année, une augmentation de 50 % par rapport à l’exercice précédent. Ce succès a cependant son revers : la plateforme connaît une pénurie de stocks publicitaires qui menace la croissance de ses revenus.
Facebook a lancé le service Watch en août de cette année. Il s’agit d’une plateforme pour des contenus vidéo en direct ou préenregistrés (uniquement offerte aux États-Unis pour l’instant), ce qui permettra éventuellement d’augmenter les stocks. Mark Zuckerberg a annoncé que son entreprise allait investir massivement dans du contenu destiné cette nouvelle plateforme et que l’objectif était de soutenir la programmation par des recettes publicitaires (qui seront partagées avec les créateurs).
On s’attend à ce que Facebook dépense près d’un milliard de dollars américains en contenu original pour Watch en 2018. Par exemple, on apprenait en octobre que Facebook avait commandé une nouvelle version américaine de la fameuse série norvégienne Skam destinée aux jeunes adultes, ceux-là mêmes qui – comme on le rapporte en introduction – sont maintenant 23 % à consommer la télévision uniquement sur Internet au Canada.
Lors d’une présentation dans le cadre du Mipcom en octobre dernier, le directeur des contenus vidéo de Facebook, Daniel Danker, s’est mis à rêver d’une série mondiale que la planète entière écouterait simultanément. Après tout, a-t-il souligné, [traduction] « avec 2 milliards de personnes chaque jour sur Facebook, ce serait formidable et possible d’arriver à diffuser une série mondiale ».
Parmi la centaine d’indicateurs qui figureront dans le rapport de surveillance des communications l’an prochain, celui portant sur revenus de Facebook sera sans doute le plus intéressant. Il permettra peut-être de confirmer si le système de télévision est en train de basculer vers un système planétaire dominé par « les dragons technologiques [les quatre plateformes à plus d’un milliard d’utilisateurs]. Ils sont désormais absolument partout sur la chaîne de valeur, et aujourd’hui, ils arrivent dans la télé », pour citer le DG d’Havas et président de Vivendi Content, Dominique Delport, dans le cadre du Mipcom.