Télé sociale – Quand les zombies s’attaquent à Twitter
En novembre dernier, au moment de la première diffusion grand public de la série The Walking Dead, l’agence Darewin et la chaîne française NT1 (incluse dans l’offre de base de la télévision numérique terrestre française) ont réussi à combiner deux tendances fortes du moment : l’engouement pour les zombies et l’engouement pour la télé sociale (pratique mieux connue sous le nom de Social TV).
Si la télévision a toujours été sociale par nature, faisant parler d’elle le lendemain devant la machine à café ou dans l’autobus, ce qu’on appelle aujourd’hui la télé sociale accentue cette tendance en s’appuyant sur les outils de partage et de conversation que sont devenus les réseaux sociaux.
Par l’entremise de la figure discrète mais désormais omniprésente du gestionnaire de communauté, il s’agit de parler et de faire parler des contenus, de recruter, d’engager et de fidéliser l’auditoire afin de créer un attachement à la marque-programme.
Attaque de zombies : Une manoeuvre bien orchestrée
Pour la diffusion de The Walking Dead sur NT1, l’enjeu était fort : il fallait parvenir à événementialiser la diffusion d’un programme non inédit dans l’esprit des téléspectateurs. En effet, cette diffusion arrivait deux ans après la création de la série américaine et plus d’un an et demi après sa première diffusion en France sur la chaîne payante OCS (qui comptait à l’époque quelque 500 000 abonnés), puis sur TF6 (chaine du câble payante, accessible sur abonnement) quelques mois auparavant.
Comment parvenir à toucher une cible jeune, sériephile, fan de zombies et susceptible d’avoir déjà vu la série, d’ailleurs l’une des plus téléchargées au monde?
Deux semaines avant la diffusion des deux premiers épisodes, l’agence Darewin a choisi de créer un dispositif a priori confondant de simplicité, mais plus que pertinent : la mise en scène d’une attaque virtuelle de zombies sur les réseaux sociaux (Twitter et, dans une moindre mesure, Facebook) en utilisant le mot-clic officiel #WalkingDeadNT1.
La chaîne NT1 a été victime d’une attaque de zombies : sur le site de NT1, elle recommandait aux internautes de NE PAS utiliser le mot-clic #WalkingDeadNT1, porteur du virus. Évidemment, les internautes curieux se sont empressés de désobéir. La conséquence fut radicale : dès que l’on mentionnait le mot-dièse sur Twitter, on se voyait très vite suivi par une quinzaine de nouveaux abonnés aux avatars douteux. Sur la bio de leur profil, il était indiqué qu’il s’agissait d’employés de NT1. Leur avatar, en revanche, montrait des figures « zombifiées », et leurs gazouillis se limitaient à des « Arrrrgh » et autres « Crrrrrunch ». L’épidémie se propageait alors de compte en compte et de gazouillis en gazouillis.
Sur Facebook, le dispositif fut adapté aux fonctionnalités du réseau pour passer par le système de commentaires de statuts « infectés ».
La force du dispositif résidait dans son statut trivial (« l’attaque » ayant lieu sur les outils utilisés quotidiennement par l’internaute) et éphémère : les bots zombies étant repérés rapidement par les moteurs de Twitter, ils furent supprimés en l’espace de quelques heures ou quelques jours. Ainsi, on utilisait la caractéristique d’un outil (en l’occurrence, la politique de Twitter envers les pourriels et autres bots) pour générer le jeu – et éviter de devoir « nettoyer » soi-même les monstres ainsi créés.
Ce dispositif s’est inscrit dans la mythologie de la série tout en l’adaptant au monde numérique : l’attaque de zombies a bien eu lieu, mais dans une sphère virtuelle et elle s'est propagée de manière virale (le terme est ici on ne peut plus approprié).
Une campagne marketing efficace sur Twitter
En une dizaine de jours de campagne sur Twitter, l’équipe a recensé 3 222 utilisations du mot-clic #WalkingDeadNT1 et plus de 30 000 attaques de zombies. Sur Facebook, la campagne a généré 3 000 commentaires et 1 000 partages et suscité plus de 12 000 mentions « J’aime » supplémentaires sur la page de la chaîne.
Surtout, la campagne a été relayée dans de nombreux médias et a enthousiasmé les internautes qui se sont pris au jeu. « Quand on est gestionnaire de communauté, le Graal ultime c’est de voir les utilisateurs créer du contenu supplémentaire autour de ce qu’on leur a proposé : ici, les gens ont joué le jeu, publié des gazouillis d’attaque, changé leur photo de profil… », raconte Sarah Izbornicki, chef de projet pour Darewin.
Le dispositif a également été nommé aux Shorty Awards dans la catégorie « Meilleure utilisation d’un hashtag dans une campagne sur les médias sociaux ».
Enfin – et surtout –, ce qui s’avère très intéressant dans cette campagne, c’est l’impact qu’elle a eue sur l’auditoire du lancement de la série. En effet, le 2 novembre 2012, les deux premiers épisodes ont été regardés par plus de 350 000 téléspectateurs, soit 5,6 % de la part d’auditoire – un chiffre important pour cette petite chaîne de la TNT. Ces résultats correspondent à un programme diffusé à heure de grande écoute, alors que la série, interdite aux moins de 16 ans en France, était diffusée à 23 h 20. Le marathon de l’intégrale de la saison 1, diffusée pendant toute la nuit du 23 au 24 novembre 2012, a également obtenu de très bonnes cotes d’écoute.
« Diffusée très tard, la série serait passée inaperçue sans le bruit créé autour du dispositif »,affirme Sarah Izbornicki. En effet, la législation française interdit de faire la promotion à l’antenne d’un programme interdit aux moins de 16 ans en diffusant des bandes-annonces avant 20 h 30. La publicité classique étant donc limitée, l’essentiel de la promotion a été fait en ligne, dans le cadre de la campagne menée par Darewin.
On peut donc établir une corrélation directe entre la portée d’une telle campagne sociale auprès des auditoires de la diffusion à l’antenne ou, du moins, un engouement communautaire très fort chez les 15-25 ans ciblés par la campagne.
Pour se démarquer de la vingtaine de nouvelles chaînes numériques françaises, la chaîne NT1 a choisi la stratégie du social et de la gestion de communauté. Au-delà de The Walking Dead, Darewin a travaillé sur d’autres séries diffusées par la chaîne, aux enjeux similaires. Pour la saison 2 de The Vampire Diaries, l’agence avait lancé des publicités télévisées intégrant des gazouillis sélectionnés de fans chaque semaine. Pour la première de True Blood, l’équipe a lancé la Météo Vampire, lançant des avertissements en cas de soleil trop intense ou de pleine lune. Chaque fois, les dispositifs de communication originaux ont marqué l’esprit des téléspectateurs.
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