À la rencontre d’Anar Ali 

Anar Ali

Créatrice d'Allegiance, diffusée sur CBC, Anar Ali apporte un regard nouveau sur le genre policier. Dans cette série qui se déroule à Surrey, en Colombie-Britannique, nous suivons la recrue Sabrina Sohal (Supinder Wraich), qui doit faire face aux complexités du milieu policier moderne tout en essayant de disculper son père, un politicien (Stephen Lobo) accusé de trahison. 

Il est rare de voir une femme sud-asiatique dans un rôle principal à la télévision, surtout dans le rôle d’une policière. 

« Comme romancière, j’ai toujours été attirée par les femmes fortes », confie Anar Ali, qui s’est fait connaître avec le recueil de nouvelles Baby Khaki’s Wings et le roman Night of Power, avant de passer à la scénarisation pour la première saison de la série médicale Transplant (Transplanté). 

L’idée de s’attaquer à une série policière l’a fascinée, tout comme la possibilité de creuser des enjeux de justice sociale et de braquer les projecteurs sur ceux-ci. 

Allegiance. Photo: Lark Productions

« Comme beaucoup de gens, j’ai été marquée par les événements qui ont entouré la mort de George Floyd, ainsi que par la Commission de la vérité et de la réconciliation d’Afrique du Sud et son idée de justice réparatrice pour les victimes et les suspects », se remémore-t-elle. 

Anar Ali voulait aussi raconter une histoire d’immigration, mais pas comme celles que l’on voit habituellement à l’écran. La famille Sohal d’Allegiance est un pilier de sa communauté et Sabrina est une Canadienne de troisième génération. 

« Beaucoup de récits sur l’immigration portent sur des individus qui viennent d’arriver au pays. C’est fantastique et c’est important, mais je voulais présenter des personnes et des familles qui sont ici depuis des générations, et aborder la façon dont leur situation influence leur identité et leurs allégeances. » 

Ce thème touche une corde sensible chez Anar Ali. 

Née en Tanzanie, elle a immigré en Alberta avec sa famille lorsqu’elle était enfant. Elle a suivi un parcours professionnel classique, gravissant les échelons chez Procter & Gamble. Mais l'appel de l'écriture s'est fait entendre. 

« Un jour, en rentrant chez moi, j’ai vu par hasard un dépliant sur le trottoir. Je pense que c’est le teint foncé du visage sur le dépliant qui a attiré mon attention », raconte-t-elle. 

Il s’agissait de la promotion d’un événement tenu à Banff qui accueillait l’auteur de Funny Boy (Drôle de garçon), Shyam Selvadurai. Anar Ali décide immédiatement d’y assister. Elle y rencontre Selvadurai, avec qui elle finit par aller prendre un verre. Au cours de la conversation, elle lui parle de son désir d’écrire. 

« Le lendemain, je lui fais signer mon exemplaire de son livre. Dans sa dédicace, il a écrit : ‟Lances-toi! Ça en vaut la peine.” Le lundi suivant, je suis allée au bureau et j’ai annoncé ma démission », raconte-t-elle en riant. L’entreprise la convainc de rester, mais l’autorise à travailler quatre jours par semaine pour qu’elle puisse se consacrer à l’écriture. Elle finira tout de même par partir un an plus tard. 

Cette aventure la mènera jusqu’à Allegiance, dont la deuxième saison est arrivée sur nos écrans en 2025. Le public retrouve l’agente Sohal, qui continue d’évoluer dans un système judiciaire imparfait. Anar Ali affirme que c’est la possibilité pour le public de s’engager à divers degrés qui constitue le meilleur aspect de la création d’une série policière. 

« Chaque épisode est une histoire indépendante. Ce format est formidable, parce qu’il est possible de sauter dans le train à tout moment, mais le public qui suit la série depuis le début voit les personnages grandir et évoluer. » 

Allegiance. Photo: Lark Productions

Ingrid Randoja
Journaliste indépendante, Ingrid Randoja est l'ancienne responsable éditoriale de la section Film du magazine NOW de Toronto, l'ancienne rédactrice en chef adjointe du magazine Cineplex et l'une des membres fondateurs de la Toronto Film Critics Association.
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