À la rencontre de Henri Pardo

Cet article fait partie d'une série de sept portraits de créatrices et créateurs qui inspirent, publiée initialement dans le rapport annuel 2022 du FMC.

Natif d’Edmundston, au Nouveau-Brunswick, le réalisateur, producteur et comédien Henri Pardo découvre un nouveau monde quand sa famille s’installe dans le quartier Côte-des-Neiges à Montréal, au début des années 80. Issu d’une famille haïtienne ayant fui la dictature, il se retrouve alors plongé au milieu d’une soixantaine de cultures dans la cour de son école primaire. C’est là que son amour du théâtre prend vie quand il joint une troupe où il touche aussi à la mise en scène. D’abord attiré par le métier d’acteur, il déchante un peu à force d’interpréter les Afro-descendants de service, dans des rôles souvent sans substance. Au milieu des années 2000, il décide donc de s’inscrire à l’Institut national de l’image et du son (INIS).

«J’ai voulu devenir réalisateur vraiment pour me raconter et raconter l’histoire de ma communauté», explique le lauréat du prix Magnus-Isaacson aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal l’an dernier.  «J’ai établi une belle relation avec ma mère qui a commencé à me parler de son histoire, de la culture haïtienne, de la culture politique aussi. J’ai eu une espèce de coup de foudre avec qui on est. Ça m’a donné l’élan pour concevoir des projets qui me ressemblent.»

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Capture d'écran - Afro-Canada, série réalisée par Henri Pardo

Henri Pardo ne s’arrête pas là. En 2016, il fonde Black Wealth Media, une société de production afrocentrique au sein de laquelle il développe des films qui présentent les communautés afrodescendantes sous des angles différents. «Ce que j’essaie de faire avec la compagnie, c’est de nous rassembler le plus possible, d’être un pôle d’attraction pour les cinéastes afrodescendants et de les encourager vraiment à rester eux-mêmes.»

Un de ses projets les plus ambitieux jusqu’à maintenant, c’est de raconter l’histoire du Canada du point de vue de la communauté afrodescendante, du jamais vu puisque, comme on sait, les classes dominantes sont souvent celles qui écrivent l’Histoire. Pourtant, l’arrivée des Afrodescendants et Afrodescendantes au pays remonte presque aussi loin que celle des premiers colons. Après deux ans de pourparlers avec ICI Radio-Canada Télé, sa série Afro Canada, produite avec l’appui du Fonds des médias du Canada, obtient finalement le feu vert quand la controverse autour du spectacle SLAV éclate. Les différents acteurs culturels et les diffuseurs cherchent alors de nouvelles voix à mettre de l’avant. «Ils nous ont simplement dit: "Nous, on ne connaît rien de votre histoire. À vous de nous la montrer."» Comme Henri Pardo se plaît à dire, il obtient alors «carte noire». 

Une longue recherche d’un an et demi, auprès d’historiens, d’archivistes et d’anthropologues, sera tout de même nécessaire avant le début du tournage. Raconter 400 ans d’un passé dont il ne reste que très peu de traces relève du défi. «On s’est orientés vers la fabulation historique, un terme de plus en plus utilisé par des groupes marginalisés dont l’histoire a été effacée. Par exemple, on prend une image d’esclaves en fuite, on la présente à des spécialistes d’aujourd’hui et on essaie de trouver un relief et un contexte. On ne voit plus ces esclaves comme des criminels qui défient la loi, mais comme des gens qui résistent pour rester en vie.»

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Capture d'écran - Afro-Canada, série réalisée par Henri Pardo

L’équipe, d’une impressionnante mixité culturelle, s’est aussi tournée vers les aîné·es de la communauté pour recueillir leurs témoignages, à travers la tradition orale, et vers les Premières nations, victimes elles aussi de la dure réalité de l’esclavage. «J’aimerais qu’en voyant Afro Canada, tous les Afro-Canadien·nes sentent qu’ils et elles font partie de la même famille; une grande famille très diverse, très différente, mais qui a beaucoup en commun. Ensuite, j’espère que la façon dont on a créé la série devienne un modèle pour d’autres productions, c’est-à-dire faire de la formation en même temps que l’on produit.»

Former la relève, c’est une mission qu’Henri Pardo se donne depuis plusieurs années déjà, notamment à travers le programme Encre noire qui offre à des réalisatrices et réalisateurs des communautés afrodescendantes du soutien et du mentorat dans la création de leurs œuvres.  «C’est un devoir, mais c’est aussi super le fun! Je suis entouré des miens, on parle le même langage, on apprend ensemble, on se casse la gueule ensemble. C’est vraiment très énergisant. On est tellement plus beaux et plus forts ensemble que je ne peux pas passer à côté. Je crois sincèrement que pour combattre le racisme, il faut donner le micro aux gens concernés et les laisser dire ce qu’ils veulent dire.»


CMF-FMC
Le Fonds des médias du Canada (FMC) favorise, développe, finance et promeut la production de contenus canadiens et d’applications pour toutes les plateformes audiovisuelles. En outre, il oriente les contenus canadiens vers un environnement numérique mondial concurrentiel en soutenant l’innovation de l’industrie, en récompensant le succès, en favorisant la diversité des voix et en encourageant l’accès à des contenus grâce à des partenariats avec les secteurs public et privé. Le FMC reçoit des fonds du gouvernement du Canada et des distributeurs de services par câble, par satellite et par IP du pays.
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