Comment vendre votre jeu mobile en Asie
Le consultant en jeux Josh Burns analyse les occasions et les défis dans cinq grands marchés asiatiques et présente une démarche en neuf étapes pour réussir à exporter votre jeu mobile dans cette région du globe.
Au Sommet international du jeu de Montréal (MIGS) 2016, Josh Burns, consultant auprès des industries des applis mobiles et du jeu, a lancé un défi aux développeurs de jeux : celui de commencer à penser en termes véritablement « mondiaux » au moment de procéder au lancement de nouveau contenu.
À l’heure actuelle, la promotion de jeux dans l’hémisphère occidental est axée principalement sur l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Australie. Cependant, il existe d’importantes occasions à saisir ailleurs sur la planète, notamment en Asie.
Sur le plan des revenus mondiaux, trois des quatre principaux marchés pour les jeux mobiles se trouvent en Asie : la Chine, le Japon et la Corée du Sud. « En général, lorsqu’on parle du marché mondial des jeux, près de la moitié des occasions à saisir se trouvent en Asie. Et c’est vrai, peu importe la plateforme : ordinateurs personnels, consoles et appareils mobiles », explique Josh Burns.
Bien entendu, malgré l’abondance des occasions d'exportation à saisir en Asie, de nombreux défis se présentent étant donné que les joueurs asiatiques ont des exigences considérablement différentes. Il suffit de jeter un coup d’œil au tableau des plus grands vendeurs dans chaque marché pour le comprendre :
« En Occident, tout est très prévisible. Clash Royal et Candy Crush représentent des valeurs sûres. Quand on regarde du côté du Japon, de la Corée et de la Chine, le contenu est totalement différent », explique Burns.
En Asie, non seulement la présentation visuelle des jeux à succès est différente, mais aussi l’expérience du jeu s’avère souvent beaucoup plus complexe. « Pour les Asiatiques, l’expérience de jeu que proposent les développeurs occidentaux est souvent trop simpliste », dit-il.
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Occasions et défis dans les principaux marchés asiatiques
Malgré certaines difficultés, l’Asie demeure une région de la planète où les occasions pour les développeurs occidentaux de jeux pour mobile abondent. Dans sa présentation livrée au MIGS 2016, Josh Burns a fait le point sur cinq grands marchés asiatiques (occasions en vert, défis en rouge) :
Voici un portait détaillé de ces cinq marchés :
Japon
Occasions :
- Le potentiel de monétisation par usager est énorme au Japon. Dans toutes les catégories d’applis, offertes gratuitement ou moyennant paiement, le revenu moyen par téléchargement s’établit à 6 $.
- Les jeux pour mobile accaparent plus de 50 % du marché des jeux vidéo.
Défis :
- Le contenu local domine. « Fondamentalement, ce sont des entreprises japonaises qui créent des jeux mobiles pour les joueurs japonais », rapporte Burns.
- Parce que c’est un petit marché, les frais de commercialisation sont très élevés.
- À ce jour, le contenu pour mobile développé en Occident remporte un succès minime au Japon.
Chine
Occasions :
- Il s’agit du plus grand marché de jeux pour mobile. La moitié de la population chinoise utilise aujourd’hui un appareil mobile pour naviguer sur Internet.
- Entre 2015 et 2016, les revenus ont crû de 40 %. Malgré un certain ralentissement, le marché chinois demeure très prometteur.
- On dénombre déjà près d’un demi-milliard de téléphones intelligents dans ce pays.
Défis :
- Fragmentation du marché Android : Environ les deux tiers du marché demeurent très fragmentés.
- Les joueurs locaux du marché des jeux pour appareils mobiles dominent : Tencent et Netease à eux seuls contrôlent environ 50 % du marché.
- Contraintes technologiques : « On y trouve des tonnes d’appareils génériques de très bas de gamme fonctionnant sous Android. Aussi, quant aux réseaux, ils sont nombreux à encore reposer sur une technologie 2G ou 3G », explique Burns. De plus, les développeurs doivent tenir compte des plafonds de données et donc proposer des jeux légers qui sont faciles à télécharger ou qui n’utilisent pas des quantités astronomiques de données en continu.
Corée du Sud
Ce marché est très avancé sur le plan technologique et affiche un des taux de pénétration de téléphones intelligents les plus élevés sur la planète.
Occasions :
- Le taux de pénétration des téléphones intelligents s’établit à 80 % et le réseau mobile est d’excellente qualité. « Les jeux qui s’y vendent le plus sont des applications téléchargeables de 1 Go, explique Burns. En Corée du Sud, ça prend moins d’une minute pour télécharger ce type de jeu. »
- iTunes et Google Play occupent 80 % du marché du contenu mobile.
- La valeur du marché mobile est estimée à près de 2 G$.
Défis :
- Kakao, la plateforme de messagerie locale, demeure un puissant outil pour atteindre les joueurs, mais cette plateforme est en voie d’être saturée de contenu.
- Pour se démarquer, il faut investir considérablement en marketing. « Les annonceurs prennent les villes d’assaut, réservent de grands espaces publicitaires, mènent de coûteuses campagnes à la télévision, recrutent des célébrités locales et ainsi de suite », affirme Burns.
- Les jeux provenant de l’Occident n’exercent pas un grand attrait dans ce marché.
Taiwan, Hong Kong et Macao
Occasions :
- Le Wi-Fi gratuit est offert partout. Les gens peuvent donc jouer à un jeu mobile dans le cadre de pratiquement tous leurs déplacements.
- Les jeux qui se vendent bien en Chine se vendent tout aussi bien dans ce marché moyennant une certaine localisation additionnelle.
- Ce marché est moins concurrentiel que celui de la Chine étant donné que moins d’entreprises y déploient des efforts.
Défis :
- Ce marché demeure de taille relativement petite par rapport à celui d’autres territoires.
- La question des paiements est complexe. « Bon nombre de développeurs retiennent les services de paiement de tiers. Le jeu renferme un lien qui dirige l’usager vers un site Web externe. L’usager y entre son identificateur et utilise d’autres modes de paiement pour ajouter de l’argent à son compte. Pour les développeurs occidentaux, cela représente beaucoup de travail additionnel », dit Burns.
- Payer pour gagner (pay-to-win) est le modèle principal. « Les usagers s’attendent à ce type d’expérience de jeu », explique Burns.
Asie du Sud-Est
Bien que la taille de ce marché – qui regroupe la Thaïlande, le Vietnam, Singapore, la Malaisie, les Philippines et l’Indonésie – demeure relativement petite, son taux de croissance annuel composé (TCAC) est évalué pour 2015-2019 à 45,7 % selon Newzoo (par rapport à une moyenne mondiale de 14,6 %).
« Si votre entreprise est de plus petite taille, il vous est possible de proposer quelque chose qui plaira à ce marché et d’évoluer selon la courbe de croissance du marché par la suite », croit Burns.
Occasions :
- Ce marché repose sur de solides antécédents en matière de jeux pour ordinateurs personnels et s’intéresse aux jeux plus traditionnels. Par exemple, la plupart des jeux développés par Blizzard y sont populaires.
- Ça demeure un petit marché, mais il croît à un rythme incroyable.
- Un des grands avantages de ce marché est qu’il est fortement attiré par les jeux occidentaux. Par conséquent, vous n’avez pas à apporter des modifications majeures à vos jeux pour les exporter et les commercialiser en Asie du Sud-Est.
Défis :
- Ce marché est formé d’une mosaïque de pays et les jeux doivent donc être traduits en plusieurs langues.
- Les canaux de distribution sont locaux et il est difficile d’atteindre les joueurs. « Les éditeurs de jeux ont développé de vastes publics cibles pour leurs jeux, que ce soit par le commerce électronique, le réseautage social ou la messagerie, et ils contrôlent leurs canaux de distribution. Vous ne pouvez donc pas simplement leur soumettre votre produit. Ils réservent leurs canaux à leurs propres produits », explique Burns.
- Les paiements se font localement, mais c’est très fragmenté. Pour l’instant, il n’existe aucun mode de paiement consolidé ou hors ligne qui fonctionne efficacement.
Démarche en neuf étapes pour générer des revenus locaux en Asie
« Les gens pensent que, pour connaître du succès ou pénétrer un tant soit peu ces marchés, il faut prendre des mesures extrêmes », affirme Burns. Il cite en exemple le travail réalisé par Disney pour adapter son jeu pour mobile Where’s My Water au marché chinois. Ce jeu a été radicalement transformé, depuis son apparence visuelle jusqu’à ses personnages.
« Mais c’est loin d’être la première étape dans le processus!, assure-t-il. Il existe plusieurs étapes intermédiaires à suivre, mais j’ai l’impression que beaucoup de gens s’embourbent et finissent par se convaincre qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires pour se lancer dans une telle aventure. La réalité est qu’il est possible d’en faire beaucoup plus. »
Il propose une démarche en neuf étapes pour faire une entrée progressive dans les marchés asiatiques.
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Traduisez le matériel pour la boutique d’applis. « Personne ne téléchargera votre jeu si son titre et le descriptif fourni dans la boutique d’applis n’ont pas été traduits dans la langue locale », dit Burns.
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Traduisez les textes du jeu.
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Localisez le soutien technique et le mode d’exploitation. « Ayez quelqu’un à l’interne qui parle japonais [par exemple] et qui peut aider les clients, aller en ligne et bâtir une communauté. Bon nombre d’entreprises ont connu beaucoup de succès en procédant de la sorte », explique Burns.
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Ajoutez du contenu local unique au jeu. Burns donne l’exemple du jeu Subway Surfers. « Ce jeu a connu un succès monstre en Chine, en partie parce qu’un personnage créé spécialement pour ce marché résonne très bien auprès du public chinois », affirme Burns.
Source : Josh Burns -
Commercialisez votre produit localement.
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Proposez des options de paiement locales.
- Cherchez à distribuer votre produit par le biais de canaux locaux. Par exemple, ajoutez votre jeu à la plateforme Android Tencent en Chine. Les complexités et les réglementations gouvernementales abondent, mais Burns suggère de demander l’aide de partenaires locaux.
- Adaptez votre stratégie de monétisation.
- Créez une version localisée de votre jeu pour chaque marché local visé.
« Peu importe la taille de votre studio, la clé est de commencer par ces étapes et de voir ce qui arrive », avoue Burns. Ainsi, le studio peut tâter le terrain et déterminer si son jeu résonne auprès de ces marchés, sans y consacrer énormément de temps ou d’argent.
Voici son dernier conseil : « Il vaut toujours la peine d’explorer les possibilités [dans ces autres marchés], même de façon minimale! »