Créer une boîte de production en région: un défi relevé par MediAT
Un talk-show régional diffusé sur Facebook Live. Des vidéos corporatives. Une baladodiffusion et un blogue littéraire sur les relations amoureuses. Des capsules-entrevues loufoques. Une présence dans les débats politiques. Des nouvelles régionales diffusées sur le Web. Tout cela à la même enseigne, celle de MediAT, une boîte de production lancée il y a quatre ans par François Munger, en Abitibi-Témiscamingue.
Originaire de Val-d’Or et formé en journalisme à la Cité collégiale d’Ottawa, François Munger a travaillé à la radio et à la télévision comme journaliste pour RNC Médias de 2012 à 2014. Un an plus tard, en mars 2015, il a lancé MediAT. Pourtant, les grands centres le convoitaient. «J’ai eu des opportunités d’emploi dans de grandes villes comme Montréal, Gatineau et Ottawa, mais je n’avais pas le goût de m’expatrier. L’Abitibi-Témiscamingue est dynamique, riche culturellement et elle m’offre une quiétude de vie. Ma région, je l’aime d’amour», explique celui que de plus en plus de Témiscabitibiens appellent «Monsieur MediAT».
Dès le départ, l’entrepreneur était persuadé que le projet répondrait à un besoin. «Il y avait des boîtes de production en Abitibi-Témiscamingue, mais elles ne pouvaient pas répondre à la demande de production. Il y avait un espace à combler, et chacun a son créneau. Certaines boîtes créent des capsules de 30 secondes très léchées qui prennent des mois à produire. MediAT offre une vitesse d’exécution pour les entreprises qui veulent une capsule rapidement et un contenu près des gens.»
La liberté de créer
À ce sujet, il évoque AT360, la première talk-show à être diffusée sur Facebook Live dans sa région natale. «Il n’y avait pratiquement rien sur le Web et je trouvais qu’il manquait une façon d’aborder certains sujets de façon plus décontractée. On voulait aussi se donner de la latitude. Je ne suis pas limité à une intervention de 2 minutes 30 [secondes] entre deux chansons comme à la radio. Quand je veux parler avec le maire durant 25 minutes dans mon émission, je peux [le faire].»
https://www.facebook.com/mediat/videos/2337382526547549/
Si le Web permet d’écarter la contrainte de temps, MediAT jouit aussi d’une plus grande liberté de sujets. «Dans certains médias, si une entreprise n’achète pas de pub, on ne parlera pas d’elle. MediAT est moins limité à ce niveau.» Diffusée en direct, AT360 offre la possibilité aux internautes d’influencer le cours de l’émission en plus de formuler des suggestions, comme celle de transposer l’émission en balado. «Les gens voulaient nous écouter en faisant de la route, alors je les ai considérés. L’émission est aussi diffusée sur les ondes de la télévision locale.»
MediAT produit et diffuse aussi l’émission au ton humoristique 2MPP (2 Mathieu Presque Parfa’), de Mathieu Proulx et Mathieu Larochelle, en plus d’offrir le blogue et la balado de Michaël Bédard, 365 jours de peine d’amour.
Présence citoyenne
La boîte offre également du contenu à saveur politique: assemblées de conseils municipaux, rencontres publiques, débats électoraux municipaux, provinciaux et fédéraux. «Par exemple, lors d’une crise à Val-d’Or entre Autochtones et les policiers, on a diffusé une vidéo d’une discussion animée entre un citoyen et le maire de Val-d’Or. Les médias traditionnels ont relayé un clip de 15 secondes. De notre côté, on a diffusé la vidéo intégrale, ce qui a permis aux gens d’entendre toutes les interventions en direct et en différé. On leur permet d’aller plus loin et de se faire une tête en ayant accès à un propos sans coupure.»
https://www.facebook.com/mediat/videos/1176955259060973/
Les idées de François Munger sont nombreuses. Tout comme les défis pour faire vivre une boîte de production loin des grands centres. «En Abitibi-Témiscamingue, essayer du matériel audio-vidéo professionnel avant de l’acheter, c’est carrément impossible. L’approvisionnement peut être lent et il faut avoir des réserves.»
Aidé financièrement par le programme Soutien aux travailleurs autonomes d’Emploi-Québec et par le programme Créavenir de Desjardins, le jeune homme a déboursé environ 60 000$ en matériel pour la vidéo, la photo et l’éclairage. «C’est constant comme investissement. Je dois renouveler mon équipement pour rester à jour.»
Monsieur MediAT
François Munger affirme qu’il a ressenti beaucoup d’inquiétude au départ quant au potentiel de MediAT de générer des revenus. Pourtant, ça fonctionne. «Cette entreprise était un rêve. Aujourd’hui, c’est une réalité. Je suis vidéaste, producteur, monteur, journaliste, correcteur de textes et homme à tout faire au sein de l’entreprise. Je ne compte plus les heures, mais chaque semaine est différente. Parfois, je prends une journée pour aller à la plage. Mais il arrive aussi que je me lève à deux heures du matin pour couvrir un incendie ou que je rentre après minuit parce que je filmais un débat. Il n’y a aucune routine.»
MediAT lui permet donc de gagner sa vie. Alors que 60% de ses revenus proviennent de la production de vidéos corporatives, la balance vient de la publicité – celle d’annonceurs locaux et de Google. Par ailleurs, l’homme-orchestre a éliminé des coûts en transformant sa cuisine et sa salle à manger en véritable studio muni d’un système d’éclairage professionnel accroché au plafond. C’est un choix qui illustre à quel point il porte son entreprise à bout de bras. «Ce n’est pas lourd à porter, mais plutôt gratifiant. Les gens nous donnent de l’amour et nous envoient des messages qui nous touchent droit au cœur. Ils disent aimer notre contenu, notre proximité, notre rapidité d’exécution et notre éthique de travail, des choses qui manquent parfois en journalisme Web.»
Un potentiel grandissant
De toute évidence, l’intérêt de la population est grandissant. «Il y a quatre ans, j’ai converti ma page Facebook – François Munger journaliste – qui était suivie par 1 000 personnes en page pour MediAT. Aujourd’hui, plus de 19 000 personnes suivent la page, ce qui est très important au prorata des personnes sur Facebook en Abitibi-Témiscamingue. Il a fallu créer notre auditoire.» C’est un mandat particulièrement complexe dans le domaine de la production Web.
À quelques mois du cinquième anniversaire de son entreprise, François Munger n’est pas près de s’arrêter. «Dans le futur, j’aimerais que MediAT ait un bureau et des employés dans chaque ville de la région ainsi que des représentants publicitaires sur le terrain pour aller chercher plus de financement. Ce ne sera pas facile dans un secteur aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre criante, mais j’y crois.»