Le jeu vidéo The Long Dark : Comment sociofinancer l’apocalypse
- Nom du projet : The Long Dark
- Type de production/projet : jeu vidéo (PC, Mac, Linux)
- Période de financement : campagne ouverte depuis septembre 2013
- Fonds amassés : plus de 276 000 $ CA (dont 256 217 $ CA souscrits sur Kickstarter et par PayPal)
- Nombre de contributeurs : plus de 7 400 (en tout sur Kickstarter et par PayPal)
- Contribution moyenne : 37 $
- Entreprise : Hinterland Studio inc.
Comptant 13 ans d’expérience dans l’industrie du jeu vidéo, Raphael van Lierop a annoncé en septembre 2013 la création d’Hinterland Studio, entreprise dont il est le directeur créatif et le fondateur. Ce développeur de jeux vidéo indépendant se spécialise dans les expériences de jeu destinées à un public mature.
Sa première création, The Long Dark, est un jeu post-apocalyptique de simulation à la première personne axé sur la survie et l’exploration dans les grands espaces hivernaux du Nord. Les joueurs entrent dans la peau de Will Mackenzie, un pilote de brousse, au lendemain d’une catastrophe géomagnétique qui a rendu toute technologie inutilisable. Pour rester en vie, ils doivent faire appel à des techniques de survie et prendre de difficiles décisions d’ordre moral.
À noter : Aucun zombie au programme…
Les étapes de financement
Hinterland a reçu le soutien du Fonds des médias du Canada, par l’entremise du volet expérimental de son programme de financement. L’entreprise a ainsi pu commencer à travailler sur le prototype de The Long Dark, mais d’autres fonds étaient nécessaires pour aller au bout de ses ambitions, comme l’indique la page de la campagne de financement du jeu sur Kickstarter.
Lancée à la mi-septembre 2013, la campagne a été l’occasion d’amasser 256 217 $ CA en 30 jours, permettant ainsi à Hinterland de dépasser de plus de 25 % son objectif de 200 000 $ CA. Un des facteurs essentiels de ce financement participatif a été la création d’une communauté, laquelle tire son origine à la fois de l’intérêt vif et soutenu manifesté par les médias tout au long de la campagne (le jeu a été désigné « projet du jour » sur Kickstarter) et de l’existence d’un cercle d’admirateurs, étant donné la liste de jeux que les membres de l’équipe d’Hinterland comptent chacun à leur actif. Fait intéressant, de nombreux contributeurs ont invoqué, parmi les raisons expliquant leur attrait pour The Long Dark, leur « lassitude à l’égard des zombies », ainsi que le cadre original et distinctif au cœur de l’hiver canadien – soit bien loin des immanquables décors urbains désertés dans lesquels s’inscrivent la plupart des jeux à saveur post-apocalyptique.
Hinterland cherche également à tirer parti du financement participatif par l’entremise d’un microsite (www.intothelongdark.com), en obtenant des fonds supplémentaires au moyen de la plateforme PayPal.
Les leçons de la campagne
Assurer un rythme dans la communication
Bon nombre de contributeurs potentiels ont indiqué qu’ils ne soutiendraient le projet qu’après avoir vu des séquences du jeu – une requête qui revient souvent dans le cas des projets de jeux vidéo. Hinterland a publié une vidéo une semaine à peine avant la fin de la période de financement, et les contributions se sont accrues dans la dernière ligne droite de la campagne.
L’équipe aurait-elle dû la présenter plus tôt? Pas nécessairement. Comme Raphael van Lierop le fait remarquer, tout en soulignant que la dernière semaine de la campagne a été cruciale, « si nous avions présenté la vidéo sans avoir autre chose en cours de réalisation, le projet serait tombé à l’eau ». Au bout du compte, Hinterland a amassé 60 % des fonds visés dans les dix derniers jours de la campagne.
« À la base, Kickstarter repose sur les aspirations et les émotions, en promettant un produit donné », explique le directeur créatif. Il ajoute que les projets fondés sur la nostalgie (comme Broken Age, le jeu d’aventure de Double Fine qui fait appel à la « désuète » technique du « pointer-et-cliquer », ou la suite de Wasteland produite par inXile) ont une certaine longueur d’avance par rapport aux produits indépendants originaux. Les jeux indépendants « rétros » ont l’avantage de bénéficier d’un cercle de fidèles admirateurs préexistant.
« Il ne faut pas oublier que nous devons maintenir l’intérêt des gens pendant 30 jours, et que Kickstarter fonctionne selon une courbe : on présente un produit génial dès le début, et on garde un truc brillant pour la fin. Selon moi, il est peu avantageux de mettre toute son énergie au beau milieu [de la campagne]. »
Kickstarter au Canada ou aux États-Unis
Durant la phase de planification de la campagne d’Hinterland, la nouvelle s’était répandue que Kickstarter serait lancé officiellement au Canada à l’automne 2013. L’entreprise a fait partie de la première vague d’entreprises à présenter leur campagne sur la version canadienne de la plateforme. Raphael van Lierop admet cependant que, si c’était à refaire, il lancerait plutôt son projet aux États-Unis.
Il croit que le fait que la plateforme de Kickstarter au Canada n’utilise pas le système de paiement d’Amazon a pu lui aliéner certains contributeurs en raison des problèmes de paiement. Il se peut aussi que des contributeurs potentiels des États-Unis aient été rebutés par l’affichage en dollars canadiens sur la page de la campagne et aient reculé devant la nécessité de faire la conversion eux-mêmes, ce qui a créé une barrière de plus. « Il ne faut pas oublier que les contributeurs peuvent venir de partout dans le monde et qu’ils ne savent pas tous quelle devise nous utilisons », explique le fondateur d’Hinterland.
Cela dit, l’avantage pour les entreprises canadiennes de lancer leur produit sur la plateforme de Kickstarter au Canada réside dans la simplicité accrue du système fiscal, qui est relativement uniforme d’une province à l’autre, alors qu’il existe une disparité entre les systèmes fiscaux des États américains.
Choisir sa récompense
Après avoir étudié à fond des campagnes réussies et d’autres ayant échoué, Hinterland a dressé une liste de récompenses susceptibles d’intéresser le plus ses contributeurs potentiels, tout en en évaluant les coûts. L’équipe a constaté que les niveaux de contribution les plus populaires dans les autres campagnes étaient à 50 $ ou moins. Une fois la campagne lancée, l’équipe a gardé l’œil sur les récompenses les plus populaires et celles restées sans écho.