Nouvelle vie pour les jouets conventionnels grâce aux jeux vidéo

Les jeux vidéo occupent une place grandissante dans la vie courante à un point tel où ils représentent aujourd’hui la forme de jeu qui domine dans tous les groupes d’âge. Ce faisant, ils sont en train de remonter la pente et d’enseigner un nouveau truc à d’anciens concurrents, soit les fabricants de jouets conventionnels.

Aujourd’hui, les jouets conventionnels vivent une renaissance dans notre monde numérique. Ce sont des « jouets connectés » qui interagissent avec des jeux vidéo et y « prennent vie ». Ces jouets connectés servent de médium entre les mondes physique et virtuel. Des logiciels de jeu reconnaissent des jouets spécifiques et leur attribuent des capacités et pouvoirs particuliers. Les jouets conventionnels agissent essentiellement comme des mots de passe ou des clés.

Depuis la fin de 2011, les jeux vidéo qui donnent vie aux jouets physiques et connectés représentent une industrie ayant généré des recettes de plus de 2 milliards de dollars. Et ce n’est qu’un début étant donné que de grands joueurs comme Disney et Lego ont emboîté le pas depuis.

De nos jours, les enfants naissent pratiquement avec une tablette en main. Diverses données  indiquent que nombre d’enfants commencent à faire un usage fréquent de téléphones intelligents et de tablettes électroniques dès l’âge de deux ans. Par ailleurs, les ventes de jouets conventionnels tournent au ralenti, car les fabricants ne parviennent pas à suivre le rythme de l’évolution des attentes en matière de divertissement et de jeu. Il y a dix ans, les applications technologiques auraient représenté une expérience secondaire ou complémentaire aux jouets physiques. Aujourd’hui, c’est le contraire qui est vrai.

Cela signifie que les entreprises de jouets amorçent un virage technologique, faisant écho à une tendance commerciale plus générale. Par exemple, Uber est une société technologique qui perturbe l’industrie du taxi, tandis qu’AirBnB, une autre entreprise de technologie, secoue actuellement le secteur de l’hôtellerie. Ce phénomène résulte de notre monde de plus en plus connecté.

Alors que d’éternels géants du jeu comme Mattel et Hasbro ont vu leurs ventes baisser, la prospérité de Lego n’est pas une coïncidence. L’entreprise a su adopter les médias numériqueset faire intégrer sa marque dans des jeux vidéo en participant à des coentreprises innovatrices comme la série à grand succès Lego Star Wars.

La série Fusion de Lego permet aux usagers de créer des bâtiments, des automobiles et des châteaux qu’ils peuvent ensuite importer dans des jeux.

C’est la franchise Skylanders qui a lancé le boom des jouets connectés en 2011. Depuis, la série a vendu un nombre époustouflant de 250 millions de figurines. Ces figurines sont dotées de la capacité d’interagir avec les jeux Skylanders sur appareils mobiles et consoles de jeux vidéo. Ainsi, les joueurs peuvent faire entrer différents personnages et leurs capacités respectives dans les jeux grâce à l’identification par radiofréquence (RFID).

Cet arrimage des mondes physique et virtuel est également perçu comme une logique qui va de soi par les entreprises de jeux vidéo. Ces dernières considèrent que les jouets physiques leur permettent de générer une autre source de revenus à partir de propriétés intellectuelles connues et appréciées des consommateurs. Grâce à la connectivité, les jouets entrent en symbiose avec les jeux vidéo et permettent une diversification qui contribue directement à une hausse des achats de logiciels. Nintendo a vendu 10,5 millions de figurines Amiibo, créant du coup une frénésie des consommateurs et des pénuries de stocks chaque fois qu’une nouvelle figurine est mise en marché.

Les figurines Amiibo permettent aux joueurs de déverrouiller des pouvoirs spéciaux et de facilement transposer le profil sauvegardé de leurs personnages.

Où tout cela mènera-t-il?

Des figurines d’action servant uniquement de clés de compte d’usager ou à des fins de stockages de données ne sont qu’un début. Les progrès réalisés en matière de réalité augmentée et de réalité virtuelle par l’entremise d’appareils comme les casques Oculus Rift et les lunettes HoloLens ouvriront la voie à une plus grande connectivité et une intégration plus poussée de jouets dans l’expérience de jeu vidéo.

Cependant, quelles sont les données qui seront recueillies (et possiblement divulguées) sur nos enfants? Existe-t-il encore des endroits ou des activités à l’abri des pratiques des grandes sociétés en matière de collecte, de traitement et de stockage de données? Qu’en est-il des jouets connectés intégrant un microphone ou une caméra? Dans ce monde de l’internet des objets, nous nous sommes habitués aux appareils connectés qui occupent de plus en plus de place dans notre quotidien. Rappelons que tout objet connecté est à risque d’être piraté. Prenez l’exemple des cybercriminels ayant réussi à pirater des réfrigérateurs utilisant le système d’exploitation Android et à accéder au compte Gmail de leur propriétaire.

De plus, quelle pourrait être l’incidence de ces expériences interactives à l’écran sur les enfants et leur développement? Y a-t-il un compromis à accepter? D’une part, quelles seront les conséquences d’un recours moins fréquent à l’imagination et, donc, à une diminution des occasions offertes pour raconter sa propre histoire? D’autre part, ces mondes tridimensionnels interactifs peuvent-ils plutôt mener à un développement plus poussé chez l’enfant de ses aptitudes spatiales et sa capacité de résoudre des problèmes?

Des études ont démontré les conséquences potentielles de passer trop de temps devant un écran et font valoir l’importance pour les enfants de s’occuper de leur être intérieur et d’interagir avec d’autres humains. « Ils [les enfants] ont besoin de temps pour rêver, composer avec leurs anxiétés, articuler leurs pensées et les partager avec leurs parents, qui sont les mieux placés pour les rassurer », affirme Dre Catherine Steiner-Adair, une psychologie clinicienne affiliée à l’Université Harvard.

À mesure que les jeux vidéo deviennent de plus en plus courants dans nos appareils connectés, ils rayonnent aussi de plus en plus dans notre monde physique. Cette première vague de jouets connectés n’est qu’un début.

L’établissement de ponts entre les mondes physique et virtuel créent de nouvelles possibilités, mais il pose aussi de nouvelles questions plus nous mettons l’accent les expériences à l’écran et y accordons de l’importance. Jadis, tous les chemins menaient à Rome; aujourd’hui, un nombre croissant d’expériences mènent à un écran.


Kevin Oke
Kevin Oke est cofondateur de LlamaZOO Interactive, une entreprise en démarrage primée à Victoria, en Colombie-Britannique, qui œuvre dans le domaine de la technologie éducative. Pendant dix ans, Kevin a travaillé comme employé et consultant en divertissement interactif numérique. Il a travaillé entre autres pour Fox, Electronic Arts, Sky Sports et Nickelodeon dans le cadre de plus d’une quarantaine de projets.
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