Le monde veut plus d’Empathie 

Alors qu’une deuxième saison est en préparation, Empathie, la série originale de Crave financée par le Fonds des médias du Canada, triomphe à l’international. La scénariste et comédienne Florence Longpré et son acolyte de jeu, Thomas Ngijol, partagent leur regard sur ce succès inattendu et sur l’originalité de notre industrie audiovisuelle. 

Florence Longpré dans Empathie. Photo: Laurence GB

L’humoriste et acteur français Thomas Ngijol était loin de se douter de ce qui l’attendait lorsqu’il a accepté de jouer dans la série Empathie, à l’été 2024. Peu familier avec notre industrie, le Parisien d’origine camerounaise s’est lancé dans l’aventure, sans pression ni attente. « Si la série était passée à 22h30 sur une chaîne obscure, ça ne m’aurait pas choqué ni gêné », avoue-t-il, lors du panel de la Nuit de la Série organisé par le FMC dans le cadre de la 31édition du festival Cinemania. L'événement a eu lieu en novembre dernier, à Montréal. 

Un peu moins d’un an après la mise en ligne des premiers épisodes sur Crave, Thomas Ngijol se pince encore : Empathie est la fiction originale la plus regardée en français sur la plateforme canadienne et « la plus performante » au pays auprès des abonnés, et ce, tous genres et toutes langues confondus, selon le diffuseur. 

Et le succès dépasse nos frontières…  

En mars, au festival français Séries Mania, la série a créé la surprise en recevant une ovation debout de 13 minutes, de même que le Prix du public. En plus de sa récente nomination aux Rose d’Or Awards, elle a obtenu des récompenses au Serielizados Fest de Barcelone, en Espagne, ainsi qu’au Venice TV Award, en Italie.  

Depuis le 1er septembre 2025, elle est aussi diffusée à heure de grande écoute sur la chaîne de télévision nationale française Canal+. « C’est la série qui a atteint le cap des 10 millions de visionnages le plus rapidement sur cette chaîne », s’exclame François-Pier Pelinard Lambert, directeur de la rédaction du magazine Le film français, aussi présent au panel.  

Et la saison 2? 

Produite par Trio Orange, en collaboration avec Bell Média, la première saison d’Empathie suit Suzanne (incarnée par Florence Longpré), une ancienne criminologue devenue psychiatre dans un institut réservé aux personnes ayant commis des crimes en raison de leurs troubles mentaux. Accompagnée de Mortimer, son agent d’intervention au grand cœur (interprété par Thomas Ngijol), Suzanne vit de petites et de grandes victoires au quotidien… en marchant elle-même au bord de l’abîme à la suite d’un arrêt de travail de deux ans. 

Crave et Canal+ collaborent présentement au développement de la deuxième saison, dont la sortie est prévue en 2027.  

Au panel de Cinemania, Florence Longpré laisse planer le mystère : « Suzanne et Mortimer meurent », lance-t-elle à la blague, quand on la questionne sur le contenu de la saison 2. Il faut dire que, au moment de rédiger ces lignes, la scénariste n’a écrit que les cinq premiers épisodes de cette nouvelle saison : « Ce que je peux dire, c’est qu’il y aura de nouvelles trames très intéressantes et qu’on poursuivra celles inachevées de la saison 1. On essaie de rester sincère dans notre ligne, tout en allant plus loin. »  

Patience, donc… 

Et après un tel succès, comment vit-elle avec la pression et les attentes d’une suite? « Au début, je faisais comme si la pression n’existait pas. J’ai finalement décidé de l’accepter et de vivre l’excitation qui en découle. Mais ça ne m’empêche pas d’être stressée ou de pleurer… surtout un lundi matin quand je suis menstruée », raconte-t-elle, avec son humour propre. 

Un thème qui parle à tout le monde 

Thomas Ngijol reste néanmoins confiant que les deux saisons rencontreront leur public en France, et pourquoi pas ailleurs dans la francophonie : « De nos jours, la notion de frontières devient de plus en plus abstraite, puisque les mouvements sont complexes et fréquents », témoigne-t-il lors d'une entrevue exclusive menée après le panel de la Nuit de la Série, en repensant aux tournages qu’il a faits en Amérique du Nord, en Europe et en Afrique. « Nous finissons tous par être liés, et, quand une culture en rencontre une autre, nous en ressortons tous enrichis. Nous devons continuer à œuvrer pour que la fiction vive partout, partout. Je pense même qu’Empathie arrivera sur le continent africain. » 

Selon le comédien, si la série touche un large auditoire à l’étranger, c’est parce qu’elle aborde un sujet à la fois universel et dans l’air du temps : la santé mentale. « Longtemps, les personnes touchées de près ou de loin [par des troubles mentaux] ressentaient de la honte et n’osaient pas en parler ouvertement. Aujourd’hui, c’est plus décomplexé. Empathie permet au public d’en rire, de se sentir moins seul et de lâcher quelque chose : des rires, des larmes, ce qu’on veut. » 

Empathie 2
Empathie. Photo: Bell Média

Florence Longpré a tenu à aborder la psychiatrie avec humour et humanité, en s’éloignant des stéréotypes. Pour ce faire, elle a fait appel à deux psychiatres consultants. « Comme c’était un sujet qui m’était cher, je voulais que la grandeur d’âme de la série – ou, du moins, ce qu’on essayait d’y injecter – ressorte », dit-elle à Cinemania. « En tant qu’auteure, j’ai appris sur des sujets que je n’aurais peut-être pas creusés au départ, puis j’ai essayé de faire la translation vers le public », ajoute celle qui a elle-même traversé un épisode dépressif au sortir de l’adolescence après la mort de sa mère. 

Et le message a particulièrement résonné chez nos cousins français pour une raison que Thomas Ngijol explique : « Notre société est un peu plus cynique que la vôtre ; nous avons moins de facilité à mettre en scène des sujets durs et à les exprimer. » 

L’originalité, ça mène loin 

Mais Empathie ne se distingue pas seulement par son contenu. Réalisée par Guillaume Lonergan (Audrey est revenueM’entends-tu?), la série propose un traitement audacieux, rarement vu à l’écran. Pensons à ces scènes surréalistes et percutantes, où la mise en scène et la bande sonore se transforment pour élever les émotions, comme la figure de la ballerine vêtue de noir, illustrant métaphoriquement l’équilibre et le déséquilibre ainsi que la force et la fragilité associés aux personnes aux prises avec des troubles de santé mentale. Ou encore, les nuages de pluie qui couvrent Suzanne pour refléter sa profonde tristesse intérieure. 

« [Au Québec,] vous vous autorisez des choses que nous ne nous permettons pas en France, parce que nous sommes trop cartésiens. Vous avez peut-être moins de moyens, mais vous compensez par davantage de créativité et de liberté », constate Thomas Ngijol. 

Pour François-Pier Pelinard Lambert, cette créativité est particulièrement prisée à l’international, surtout depuis que la prolifération des plateformes favorise la circulation des œuvres, des idées et des contenus : « Pendant longtemps, on savait qu’il y avait de l’originalité au Québec, mais on achetait surtout des formats. On cherchait notamment à faire des adaptations, comme ce fut le cas avec Un gars, une fille », dit-il. 

« Aujourd’hui, poursuit-il, ce n’est plus le format qui voyage, mais bien la série elle-même. » 


Édith Vallières
Journaliste, rédactrice et recherchiste télé indépendante, Édith Vallières collabore avec divers acteurs de l’industrie médiatique, dont La Fabrique culturelle de Télé-Québec, Cineplex Divertissement/Média et Zone3. Parallèlement, elle contribue à la promotion des campagnes publicitaires de la marque NOUS | MADE, avec le Fonds des médias du Canada. Que ce soit sur un plateau de tournage ou devant son ordinateur, elle s’intéresse de près à l’univers culturel et aux histoires humaines qui l’animent.
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